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Des licenciements annonciateurs de morosité

Swissprinters fait partie de ces entreprises suisse contraintes de licencier du personnel en raison du franc fort. Keystone

En Suisse, malgré des vagues de licenciements annoncées par plusieurs grandes entreprises, le taux de chômage reste à un niveau bas en comparaison européenne. Mais la situation pourrait se corser dès l’année prochaine, estiment bon nombre d’économistes.

La fermeture du site de Novartis à Nyon, fin octobre, a provoqué la consternation des employés et de la classe politique vaudoise. La production du groupe pharmaceutique sera délocalisée et plus de 600 emplois passeront à la trappe.

Cette annonce ne fut qu’une parmi d’autres. De plus en plus d’entreprises exportatrices se disent contraintes de délocaliser leurs places de travail pour faire face aux difficultés liées à un franc surévalué par rapport à l’euro.

Un franc fort qui pourrait faire perdre 10’000 emplois à l’industrie des machines, soit 3% des forces de travail du secteur, a récemment affirmé Swissmem, l’organisation faîtière de la branche.

Les deux plus grandes banques du pays, UBS et Credit Suisse, ont également annoncé récemment des suppressions massives de postes. Dans leur cas cependant, la majorité des emplois sera perdue à l’étranger.

Chômage sous-estimé

Mis bout à bout, ces licenciements ont évidemment un impact sur le marché de l’emploi suisse. Les prévisions les plus pessimistes font état d’une montée globale du taux de chômage de 2,8% en septembre à 3,5% pour le milieu de l’année prochaine. Mais plusieurs économistes soulignent que les statistiques officielles ne suffisent pas à rendre compte de réalité.

Le taux de chômage – qui a oscillé sous la barre des 3% cette année – ne peut pas être comparé à celui de l’Union européenne, qui se situe lui à 9,7%, relève Daniel Lampart, chef économiste de l’Union syndicale suisse (USS). Au-delà de deux ans, le chômage de longue durée ne figure plus dans les statistiques officielles, contrairement aux pratiques de l’UE. «En harmonisant les statistiques suisse et européenne, on constaterait que le taux de chômage suisse se situe davantage autour des 4%», souligne-t-il.

Daniel Lampart reconnaît que le marché suisse de l’emploi reste plus robuste que celui de l’Union européenne. Tout en mettant en garde contre une dégradation de la situation: «Dans les années 1980, le taux de chômage en Suisse se situait au-dessous de 1%. La Suisse pourrait connaître la même évolution que l’Autriche, les Pays-Bas et le Danemark, qui ont dû faire face à une dégradation historique de leur marché de l’emploi».

Ce cher franc suisse

L’Union syndicale suisse a appelé la Banque nationale suisse (BNS) à maintenir un taux plancher de 1,40 franc suisse pour un euro, plutôt que celui de 1,20 franc fixé début septembre, afin d’offrir un vrai bol d’air à l’industrie d’exportation et au secteur du tourisme.

Dans sa récente décision de supprimer 1100 postes en Suisse, Novartis a en partie mis en cause la cherté du franc. Président et directeur du groupe chimique Huntsman, Peter Huntsman a usé du même argument pour justifier la délocalisation de 100 emplois à l’étranger.

«Le renforcement récent du franc suisse a grandement affecté notre structure de coûts en Suisse, ce qui nous a contraint à procéder à un réalignement», a-t-il déclaré. D’autres entreprises ont fait part de leurs préoccupations face à la faiblesse de l’économie européenne, un marché qui absorbe deux tiers des exportations suisses.

Plus près des marchés émergents

Le groupe vaudois Kudelski, spécialiste des systèmes d’accès numériques TV, qui a récemment annoncé la suppression de 90 emplois, a quant à lui appelé à une défiscalisation pour les activités liées à la recherche et au développement.

D’autres entreprises, comme Givaudan, leader mondial sur le marché des arômes et parfums, ont décidé de délocaliser des emplois basés en Suisse pour être plus proches de marchés émergents qui contribuent le plus à leur croissance.

Tous ces signes ne trompent pas. L’économie suisse se dirige sans aucun doute vers une récession, d’après Ursina Kubli, économiste de la Banque Sarasin. Les entreprises suisses ont récemment exhibé des cahiers de commandes au plus bas. Ceci dans un contexte européen très difficile et alors que la Grèce n’est toujours pas sauvée d’une éventuelle faillite.

Ursina Kubli s’attend à ce que le Produit intérieur brut (PIB) suisse connaisse une croissance négative dans les prochains mois. Il devrait toutefois croître à nouveau dès le milieu de l’année prochaine. «Notre optimisme s’appuie sur la politique monétaire menée par de nombreux pays, qui devrait encourager la croissance économique» à moyen terme.

Au plus bas. Avec un taux de chômage de 2,8% au mois de septembre, la Suisse fait figure d’élève modèle en comparaison européenne et mondiale. En moyenne, le taux moyen de chômage s’est élevé à 3,1% cette année, contre 3,9% en 2010.

En chiffres. 111’344 personnes étaient officiellement enregistrés comme chômeurs en septembre, soit 20,5% de moins qu’une année auparavant. Le chômage des jeunes a suivi la même tendance, avec un quart de moins de chômeurs enregistrés sur une année. Le Secrétariat d’état à l’économie (SECO) a relevé 19’435 postes à repourvoir, soit 851 de plus que le mois précédent.

Banques. Plusieurs grandes entreprises suisses ont annoncé des suppressions de postes ces dernières semaines. UBS biffera 3500 postes, dont 400 en Suisse, Credit Suisse 3500, la plupart aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

Pharmas et autres. L’entreprise pharmaceutique Novartis se sépare de 2000 employés, dont 1100 en Suisse. L’an dernier, Roche avait annoncé la suppression de 4800 emplois, dont 770 en Suisse. Kudelski supprime 270 emplois, dont 90 en Suisse, le fabriquant électrique Huber + Suhner délocalise 80 postes en Tunisie et en Pologne, tandis que Huntsman transfère 100 postes vers des «marchés clés».

Plus de 16 millions de personnes étaient officiellement inscrites au chômage dans l’Union européenne au mois de septembre, soit 174’000 de plus qu’en août. Cela correspond à un taux moyen de 9,7%.

L’Espagne détient le record de l’UE avec un taux de 22,6%. L’Autriche est à l’autre bout du classement avec ses 3,9% de chômeurs inscrits. L’Allemagne compte 5,9% de chômeurs, la Grande-Bretagne 8,1%, la France 9,9% et la Grèce 17,6%.

(Adaptation de l’anglais: Samuel Jaberg)

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