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Des règles plus sévères pour les banques suisses

Le Credit Suisse et l'UBS sont les banques les plus concernées par le train de mesures. Keystone

UBS et Credit Suisse vont devoir solidement étoffer leur base de fonds propres. C’est ce que recommande notamment la commission d'experts en charge des entreprises trop grandes pour faire faillite («too big to fail»), qui vient de rendre son rapport.

La commission, créée en novembre 2009 par le Conseil fédéral (gouvernement), a publié lundi matin son rapport final de 148 pages, visant à limiter les risques que les grandes entreprises font courir à l’économie nationale . Elle suggère de modifier la loi sur les banques en relevant les exigences en matière de fonds propres, de liquidités et de répartition des risques.

Le train de mesures proposé «contribuera à atténuer sensiblement l’acuité de la problématique du ‘too big to fail’ en Suisse et réduira ainsi le risque pour l’économie nationale», a indiqué lundi dans un communiqué le président de la Banque nationale suisse (BNS) Philipp Hildebrand.

Ces mesures devraient entrer en vigueur dès 2013, avec un délai transitoire jusqu’à fin 2018, tout comme les mesures de Bâle III.

Des règles strictes

S’agissant des fonds propres, les nouvelles règles définies sont «sensiblement plus élevées que les prescriptions en vigueur pour le moment, mais aussi plus strictes que la norme minimale de Bâle III (ndlr: Comité de Bâle sur le contrôle bancaire)», écrivent les experts dans leur rapport final.

«A ce stade, la version suisse semble très sévère en regard de ce prévoit Bâle III, admet Andreas Venditti, analyste à la Banque cantonale de Zurich. Mais la commission de Bâle essaye de trouver un accord sur des mesures supplémentaires pour lutter contre le risque systémique. Et quand celle-ci seront adoptées, alors la différence entre le réglementation suisse et celle de Bâle III sera bien moindre».

En attendant, Credit Suisse et UBS devront porter leurs fonds propres de base à 19% des actifs pondérés en fonction des risques selon Bâle III. Et un niveau minimum de 10% devra être détenu sous la forme de ‘common equity’, soit des fonds propres de base de qualité supérieure revêtant la forme de capital libéré, de réserves ouvertes et de bénéfices reportés.

Le solde de 9% pourra prendre la forme d’emprunts à conversion obligatoire (Contingent Convertible Bonds ou CoCo). Ceux-ci pourront être convertis lors du passage au-dessous du seuil de 5,0% du ratio de fonds propres de base. La commission recommande également la limitation du taux d’endettement sur la base d’un leverage ratio fixé à 5% des fonds propres.

Les deux grandes banques devront en outre préparer un plan d’urgence pour assurer le maintien des fonctions d’importance systémique en cas d’insolvabilité éventuelle. Les établissements auront l’obligation d’appliquer ce plan d’urgence avant un tel scénario.

La commission soutient également les mesures sur les liquidités, entrées en vigueur à la fin juin, soulignant leur effet préventif puisque les banques doivent disposer de liquidités suffisantes pour couvrir pendant un mois au minimum les sorties attendues selon le scénario évoqué.

Les grandes banques restent sereines

UBS et Credit Suisse, qui sont identifiées dans le rapport comme étant les principales entreprises de Suisse trop grandes pour être mises en faillite, ne sont pas inquiètes de devoir faire face à des normes plus strictes, notamment en matière de fonds propres. Car elles s’estiment bien préparées.

Dans un communiqué diffusé lundi, Credit Suisse souligne se préparer depuis deux ans à l’évolution de la réglementation, en ayant pris soin d’intégrer ce durcissement réglementaire dans sa stratégie. L’établissement précise ainsi avoir réduit ses actifs pondérés en fonction du risque de près de 30% ces deux dernières années dans le cadre de la réglementation Bâle II, actuellement en vigueur.

Se prévalant de figurer au rang des établissements les mieux capitalisés du monde, Credit Suisse part du principe qu’il ne devra pas apporter d’importants changements dans ses projets et sa politique de versement de dividende.

A l’image de Credit Suisse, UBS laisse entendre dans un bref communiqué qu’elle pourra répondre aux nouvelles exigences sans avoir à lever de nouveaux capitaux. La première banque helvétique se dit prête et également bien préparée face à cette évolution.

Le président de la BNS, Philipp Hildebrand, s’est réjoui du fait que les mesures proposées soient le fruit d’un large consensus.

Un avis partagé par le président de l’Autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA), Eugen Haltiner «les exigences sont plus élevées que celles prescrites au niveau international, mais elles sont nécessaires dans le contexte de la Suisse.»

La BNS et la FINMA, qui ont pris part à la commission d’experts, recommandent une mise en œuvre rapide et complète des mesures.

Actions à la hausse

En attendant, ce tour de vis en matière de fonds propres n’a pas effarouché les investisseurs. Lundi à la Bourse suisse, les titres des deux grandes banques gagnaient du terrain.

Vers 10h40, l’action du numéro un bancaire helvétique UBS gagnait 0,54% par rapport à la clôture de vendredi à 16,75 francs. Quant à celle de son dauphin, Credit Suisse, elle bondissait de 1,48% à 42,40 francs.

A l’image des deux banques, les analystes ont accueilli favorablement les recommandations de la commission d’experts, en particulier pour le taux de fonds propres «durs» à 10%. Un ratio qui s’est révélé nettement inférieur à leurs attentes. Selon les spécialistes, les investisseurs devraient retrouver la confiance.

Risques. L’autorité suisse de surveillance des marchés (FINMA) veut en finir avec les banques trop grandes dont l’effondrement menacerait le système financier. Lors de la présentation à la presse de son bilan 2009, la FINMA a préconisé «des mesures drastiques». Mais pour cela, il faut modifier la base légale.

Projet. Le gouvernement a chargé alors une commission d’experts d’élaborer des propositions, avec l’appui de la FINMA et de la Banque nationale (BNS). Son rapport est tombé ce 4 octobre.

Loi. Reste maintenant à traduire ces propositions dans une loi. Selon la procédure habituelle, le gouvernement va élaborer un message au parlement, qui sera transmis au début de l’année prochaine et dont les commissions, puis les plénums des deux chambres devront s’emparer. Pas de vote final sur une loi modifiée avant 2012 donc, a averti la ministre de Justice et Police Eveline Widmer-Schlumpf à la Journée des banquiers du 16 septembre. Pour aller plus vite, il faudrait que l’exécutif légifère par arrêtés fédéraux urgents.

Précurseur. C’est le rôle que joue la Suisse à l’échelle internationale dans le domaine des directives en matière de fonds propres pour les banques, selon l’ASB, leur association faîtière, réagissant lundi à la publication du rapport.

Et les autres ? L’ASB attend néanmoins des autorités qu’elles œuvrent aussi à l’adoption de règles strictes par les organes internationaux. Cela permettrait d’éviter des répercussions négatives au niveau de la concurrence pour UBS et Credit Suisse.

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