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Des Suisses au chevet du mal-être libanais

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La branche helvétique de Médecins Sans Frontières va lancer un projet pilote dans l'un des quartiers les plus pauvres de Beyrouth en proposant un accompagnement psycho-social aux plus démunis. Tour d'horizon.

Copieusement bombardée par l’armée israélienne durant les 33 jours de guerre de juillet 2006, la banlieue sud chiite de Beyrouth, fief du Hezbollah, concentre une grande partie de la pauvreté de la capitale libanaise. Noyés sous des flots ininterrompus de véhicules, ses habitants ont coutume de dire que la moitié du Liban vit ici.

En réalité, ils sont un demi-million entassés dans cette banlieue défigurée par une urbanisation sauvage. Nombre d’entre eux sont des réfugiés de l’intérieur issus de l’exode rural ou chassés des régions sud du pays par des bombardements israéliens quasi ininterrompus entre 1969 et 2000.

Dans l’extrême sud de cette zone sinistrée se trouve le quartier de Borg al-Barajneh. Plus défavorisé encore que le reste de la banlieue, il abrite aussi une forte communauté de réfugiés kurdes irakiens, turcs ou syriens, et deux camps ou s’entassent quelque 30’000 Palestiniens.

C’est en ce lieu où s’entrechoquent toutes les souffrances que la branche helvétique de Médecins Sans Frontières a donc décidé d’ouvrir un centre psycho-social qui proposera dès novembre consultations, traitements, écoute et activités. Une première.

Palier à un manque

Pourtant, MSF est plutôt familier des missions d’urgence et de l’aide dans le cadre de maladies négligées comme le HIV. Qu’est-ce qui a donc poussé l’association à se lancer dans un tel projet sur le long terme? «Nous avons bien sûr conduit de nombreuses missions traditionnelles au Liban durant la guerre civile, explique Dalita Cetinoglu, chef de mission à Beyrouth. Mais après notre dernière intervention d’urgence lors du conflit de juillet 2006, nous avons voulu conduire une réflexion générale sur le pays.»

Entre décembre et mars dernier, l’équipe a donc multiplié les enquêtes de terrain pour sonder les besoins dans ce que l’on appelle «la ceinture de pauvreté» de Beyrouth. «Nous nous sommes aperçus qu’il y avait une forte demande de soutien psychologique, raconte Dalita, d’abord en raison des difficultés inhérentes à la pauvreté et aux traumatismes des guerres, mais aussi de la part de familles dont l’un des proches est touché par la maladie. Nous avons aussi constaté qu’une structure de détection et de prévention manquait cruellement dans ce domaine, ce qui est un facteur d’aggravation des souffrances.»

L’éternel drame palestinien

Aujourd’hui, MSF-Suisse a déjà entamé l’aménagement d’une petite maison avec préau que l’association a dénichée juste à côté d’un hôpital en plein cœur du quartier. Une véritable prouesse dans une zone où les constructions anarchiques n’ont pratiquement laissé aucun espace vert.

La bâtisse est de surcroît située à un jet de pierre d’un important camp palestinien créé en 1948 et où 20’000 personnes sont aujourd’hui parquées dans un enchevêtrement de petits immeubles souvent délabrés, rarement équipés d’eau courante et où l’extrême promiscuité interdit la moindre parcelle de vie privée. Une population dont les besoins sont énormes en matière de soutien psychologique.

Il faut dire qu’au Liban, la vie des Palestiniens confine souvent au cauchemar. Sur les 400’000 réfugiés inscrits auprès de l’UNRWA, près de 250’000 vivent ainsi dans des camps où les conditions de vie sont parfois qualifiées «d’abjectes» par l’agence des Nations Unies.

Pas de droits

A la douleur d’un déracinement souvent accompagné de violences et à l’absence totale de perspectives se conjugue aussi un statut particulièrement dur au Liban. Les Palestiniens y sont pour ainsi dire privés de droits. Ils n’ont pas non plus accès ni aux services sociaux ni à la santé publique ni même à l’enseignement.

Des dizaines de professions leur sont par ailleurs interdites et dans le camp de Borg al-Baragneh comme dans la douzaine de camps disséminés à travers le pays, le seul recours pour les hommes est souvent un emploi de travailleur occasionnel.

Quant aux femmes, elles peuvent espérer au mieux un petit job dans des usines de couture ou dans des entreprises de nettoyage. Pour l’essentiel, les réfugiés palestiniens dépendent donc entièrement de la prise en charge de l’UNRWA et des ONG.

Une oasis ouverte à tous

Il ne fait donc aucun doute que ces réfugiés tireront un grand bénéfice de la structure pilote que met en place MSF-Suisse. Mais comme le souligne Dalita, «notre centre sera un centre communautaire, une oasis ouverte à tous sans distinction de nationalité ou de religion. Ici à Borg al Barajneh, la pauvreté et les séquelles de la guerre de 2006 touchent tout le monde.»

swissinfo, Pierre Vaudan à Beyrouth

Trois hôpitaux psychiatriques proposent à Beyrouth leurs services pour les cas les plus graves, mais l’un est plutôt dévolu à l’accueil des personnes âgées et un autre est un établissement privé.

Les soins de santé en général. Le Liban, que l’on qualifie parfois de «clinique du Moyen-Orient», est connu pour sa très haute technicité en la matière, mais pour qui peut payer…

Privés: La majorité des établissements proposant des soins de qualité sont des hôpitaux privés. Et avec un salaire minimum légal fixé à 300 dollars qui n’est même pas toujours respecté, les assurances maladies sont encore réservées à une caste de nantis.

Communautarisme. L’accident de santé d’un proche peut jeter n’importe quelle famille de la classe moyenne à la rue en l’obligeant à vendre ses biens pour payer les soins. Une situation qui a pour effet pervers de renforcer le communautarisme.

Car en tant que «famille élargie», la communauté joue ici ce rôle de filet de sécurité que n’offre pas un Etat pour l’heure très éloigné des préoccupations de ses citoyens. Certains partis politiques vont donc jusqu’à ouvrir des dispensaires sous leur propre bannière, avec d’évidentes arrière-pensées électorales.

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