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Du baseball pour progresser en hockey

Keystone

La Suisse a la réputation d'être une véritable «fabrique» de gardiens de but de niveau international. Efficaces devant la cage, de nombreux portiers montrent cependant des signes de faiblesse avec leur gant d'attrape. Pour combler cette lacune, Marco Baron, ex-gardien de NHL, propose de recourir au baseball.

A chaque début de rencontre, supporters, joueurs et entraîneurs n’attendent que l’instant où l’arbitre va lancer le palet. Et dès les premières secondes de jeu, alors que les adversaires tentent de s’arracher le disque noir sur la glace, la fièvre enflamme le public et monte dans les gradins.

Mais pour Marco Baron, ancien joueur de la National Hockey League (NHL), le spectacle commence déjà quelques minutes plus tôt. «Il est intéressant d’observer les mouvements des gardiens de but pendant leur séance d’échauffement», explique le double-national Suisse et Canadien, aujourd’hui entraîneur et commentateur pour la télévision suisse.

«Avant, on choisissait le joueur le moins lourd pour garder la cage. Mais en Amérique, je me souviens aussi d’avoir vu des personnes en surpoids assumer le rôle de goalie. Or, depuis quelques années, on privilégie plutôt les joueurs les plus athlétiques de l’équipe».

Produits d’exportation

La Suisse, qui occupe le septième rang mondial de la Fédération internationale de hockey sur glace (fin 2008), s’est taillée une position de choix parmi les meilleures équipes de la planète, et pas seulement pour ses bons résultats.

L’école suisse jouit aussi d’une excellente réputation pour la formation qu’elle offre à ses gardiens de but. Au fil du temps, ces derniers sont d’ailleurs devenus de véritables produits d’exportation, plus courtisés que les joueurs de champ. Ils suscitent aussi l’intérêt des championnats étrangers, à commencer par celui d’Amérique du Nord.

Suivant les traces de Paul Jacks – le premier joueur helvétique entré en NHL en 1993 – d’autres gardiens de talent ont choisi de faire carrière de l’autre côté de l’Atlantique. Actuellement, quatre d’entre eux évoluent en NHL. Il s’agit de Jonas Hiller (Anaheim Ducks), de Martin Gerber (Toronto Maple Leafs) de Tobias Stephan (Dallas Stars – Bridgeport Sound Tigers) et de Daniel Manzato (Albany River Rats).

«Plusieurs raisons expliquent les bonnes performances des gardiens helvétiques. Je pense que la principale découle du type de hockey pratiqué ici. Il s’agit en l’occurrence d’un jeu beaucoup plus ouvert et à la couverture défensive moins étroite par rapport à celle que l’on observe en Amérique du Nord», explique Marco Baron. «En Suisse, les gardiens sont beaucoup plus sollicités durant le jeu».

Beaucoup de gardiens, peu d’équipes

«Cette particularité est apparue de manière éloquente durant le lock-out (ndlr: suspension de la saison de NHL en 2004/2005, suite à un conflit salarial)», ajoute Marco Baron, l’un des premiers hockeyeurs nord-américain acheté par une équipe étrangère (Ambri-Piotta, en 1985).

«Lorsque les Suisses David Aebischer et Martin Gerber – engagés dans des clubs de NHL – se sont provisoirement retrouvés en Suisse, nous avons constaté qu’ils avaient des difficultés à évoluer au mieux de leurs possibilités. Leur défense était moins serrée et ne leur permettait pas de se concentrer uniquement sur les tirs de palets. Ils laissaient aussi échapper de nombreux rebonds dangereux», explique encore le spécialiste.

Et il faut aussi souligner les efforts entrepris du côté des jeunes talents, qui peuvent profiter de l’opportunité de jouer en première division. «Je pense en particulier à Leonardo Genoni, âgé de 21 ans et gardien de but de Davos, ou à Lukas Flüeler, à Zurich et qui a juste vingt ans».

Marge de progression

Mais pour Marco Baron, on pourrait encore mieux faire. «Si les équipes étaient plus nombreuses en Suisse (23 formations évoluent actuellement en ligues nationales A et B), nous pourrions donner une chance aux gardiens non titulaires mais dotés d’un potentiel prometteur».

«On pourrait aussi envisager d’introduire une limite d’âge pour les gardiens qui évoluent en série B, en n’admettant par exemple que les joueurs de moins de 25 ans», précise-t-il.

Et sur un plan purement technique, Marco Baron estime que l’usage de la mitaine (gant d’attrape) pourrait aussi être amélioré. «Habitués à la pratique de sports tels que le football, les portiers d’ici n’ont pas développé l’instinct du mouvement du bras et de la main, contrairement à leurs collègues américains».

La magie des jambes

Pour l’ex-gardien de but, qui a grandi aux Etats-Unis, patrie du baseball, l’usage du gant est naturel. «Dès l’enfance et pendant de nombreuses années, je me suis retrouvé avec une mitaine de cuir à la main. Et je me suis habitué à attraper des balles qui arrivaient de partout, de gauche, de droite, d’en-haut, d’en bas», se souvient Marco Baron.

«Et de ce côté-là, les gardiens russes sont même médiocres. Dans les années 70 et 80, les goalie d’ex-Union soviétique étaient surtout connus et admirés pour leur jeu de jambes».

Comme par exemple Vladimir Tretiak qui, de l’avis de Marco Baron, est l’un des meilleurs gardiens de tous les temps. «Lorsque je voyais des extraits filmés de ses entrainements – des séances très dures – il me faisait penser à Rocky, version Russie».

«Je pense que des camps d’entrainement d’été de baseball pourraient être très bénéfiques et utiles aux portiers suisses aussi!», suggère l’ancien gardien des Los Angeles Kings, avec un brin d’ironie.

Proche de la perfection

A quelques semaines du prochain Championnat du monde de hockey sur glace, qui se déroulera en Suisse du 24 avril au 10 mai, Marco Baron est impatient de voir évoluer son idole. «Martin Brodeur du Team Canada sera, à n’en pas douter, le grand protagoniste de cet événement. Il est d’ailleurs sur le point de battre le record absolu du nombre de rencontres jouées par un gardien», rappelle-t-il avec admiration.

«Lorsqu’il arrive sur la glace, tout le monde se demande quand est-ce qu’il va commettre une erreur. Mais Brodeur reste aussi impeccable qu’à son habitude».

Le haut du panier

Et en Suisse, quels sont les gardiens préférés de Marco Baron? «Ronnie Rueger de Kloten me plaît beaucoup pour son mental de vainqueur. J’admire aussi Martin Gerber de même que Jonas Hiller, un garçon sûr qui croit en ses propres ressources», confie l’entraîneur et commentateur.

«Et, si je peux faire un retour en arrière de plusieurs années, poursuit-il, je me rappelle aussi de l’excellent Olivier Anken, du HC Bienne et du magistral Alfio Molina, peut-être le premier gardien suisse à avoir reçu une proposition d’une équipe américaine».

Et à l’avenir, quelles seront les étoiles que l’on verra briller sur la glace? «Au cours des prochaines années, nous entendrons sans doute parler de plusieurs jeunes joueurs de talent. Je pense en particulier à Damiano Caccio, un gardien âgé de 20 ans et d’origine italienne, qui évolue à Fribourg et aussi à Benjamin Conz, un jeune portier de 17 ans engagé dans les rangs de Genève-Servette».

swissinfo, Luigi Jorio
(Traduction de l’italien: Nicole della Pietra)

Matériel. Avant 1970, l’équipement d’un gardien de but de hockey sur glace pesait près de 25 kilos, soit 10 de plus qu’aujourd’hui. Le cuir et les fibres de crin de cheval ont été remplacés par des matériaux synthétiques, plus légers et plus résistants.

Protections. L’équipement du gardien est composé d’une canne, d’un casque (seul élément personnalisable), d’un gant d’attrape (qui rappelle un peu celui utilisé pour le baseball), d’un bouclier (gant plat pour repousser le palet) ainsi que de jambières et d’un protège-cou.

Coût. Le coût total de l’équipement peut varier de 3000 à 18’000 francs.

Certains entraineurs ont tenté des stratégies pour le moins audacieuses dans l’espoir de redresser le score de leur équipe.

Ainsi, le 7 janvier 1996, l’entraineur du Lausanne HC, Doug McKay, avait remplacé le gardien Beat Kindler à trois reprises. La première fois pour 34 secondes, la seconde pour 11 secondes et la troisième fois de manière définitive.

Dans la Ligue nord-américaine (NHL), la valse des gardiens la plus surprenante avait été orchestrée par Mike Keenan, durant les play-off de 1987, alors qu’il dirigeait les Philadelphia Flyers. Le coach avait sorti son gardien non moins de cinq fois au cours d’un même match.

Canada. Fils d’un Italien émigré aux Etats-Unis, Marco Baron naît le 4 avril 1959 à Montréal, au Québec.

Amérique. Il fait son arrivée en NHL en 1979, dans les rangs des Boston Bruins. Par la suite, il évolue dans d’autres équipes de NHL (Los Angeles Kinds, Edmonton Oilers) et de AHL (Americain Hockey League).

Suisse. C’est en 1985 qu’il débarque dans le championnat suisse, au sein du club d’Ambri-Piotta, au Tessin. Aujourd’hui, il assure l’entraînement des gardiens des jeunes équipes tessinoises et commente des rencontres retransmises par la télévision suisse-italienne.

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