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Du rap pour mettre fin au chaos du 118

Les pompiers rappeurs ont enregistré un succès inespéré.

Exaspérés par d'innombrables appels du public, qui confond le numéro d'urgence du feu (118) avec celui du service des renseignements téléphoniques, les pompiers genevois ont réalisé un clip vidéo. Le succès dépasse toutes les attentes.

En début d’année, l’historique 111 (informations) avait été remplacé par des numéros commençant par le 18.

Jusqu’à vingt appels par jour – sur quelque 35 coups de fil – sont le fruit d’une erreur. Les usagers confondent le numéro du 118 avec les services de l’annuaire téléphonique. Plutôt que de signaler un incendie ou une inondation, ils s’enquièrent du numéro de téléphone de monsieur Dupont ou de la pizzeria de leur quartier, par exemple.

«Cela ne peut plus durer, nous ne pouvons plus aller de l’avant ainsi!», se sont insurgés les hommes du feu, dont les nerfs étaient à fleur de peau suite à ce fâcheux amalgame.

Préoccupés par cette surcharge de leur ligne, qui pourrait, le cas échéant, compromettre le bon déroulement d’une intervention, les pompiers de Genève, de concert avec leurs collègues lausannois et neuchâtelois, ont décidé d’agir.

Humour et originalité

C’est ainsi qu’est née une idée inédite: réaliser un clip vidéo dont les maîtres mots sont l’humour et l’originalité, soit un court métrage de trois minutes trente qui s’intitule: «118 Projec’t».

Trois minutes trente sur fond musical aux rythmes du rap, durant lesquelles les pompiers exposent leurs déboires téléphoniques et rappellent la différence entre les numéros 111 et 118, de même que l’existence de deux autres numéros, à savoir le 117 pour la police et le 144 pour le service des ambulances.

Le rythme entraînant, le texte incisif et la rime efficace ont visiblement séduit jeunes et vieux, puisque le clip a été visionné plus de 100’000 fois depuis sa sortie en septembre dernier.

Dépaysement numérique

La confusion téléphonique qui a embourbé le 118 avait débuté en décembre 2006 et trouve son origine dans la décision du gouvernement de désactiver le numéro des renseignements téléphoniques en vigueur jusque-là, le célèbre 111.

La libre concurrence qui régit le secteur des télécommunications permet désormais à plusieurs prestataires d’exploiter un tel service d’information par un numéro commençant par le chiffre 18.

A en croire les propos des sapeurs-pompiers dans les refrains chantés et dansés dans «118 Projec’t», les usagers, pas plus que les pompiers eux-mêmes, n’auraient été correctement avertis de ce changement par l’Office fédéral de la communication (OFCOM).

«Face à ce déluge d’appels, j’ai décidé de promouvoir notre numéro d’urgence et de sensibiliser la population de façon humoristique mais éducative», explique le chef des sapeurs-pompiers de Genève, Raymond Wicky.

Des amateurs très professionnels

«Nous avons la chance de compter parmi nous plusieurs jeunes qui consacrent une partie de leur temps libre au rap. J’ai donc lancé l’idée du clip, à l’occasion de notre réunion annuelle de la Sainte Barbe, notre patronne. Et, c’est ainsi que le projet a rapidement pris forme», se réjouit le Genevois.

Sans attendre, un groupe de sapeurs-pompiers s’est spontanément lancé dans l’exercice de l’écriture des paroles, de la composition musicale, du scénario ainsi que de la chorégraphie. Le tout a pu être réalisé dans le studio d’enregistrement d’un ex-collègue pompier.

«Si nous nous étions contentés de poser le problème dans le cadre d’une banale conférence de presse, jamais nous n’aurions reçu un tel écho à nos propos», souligne Raymond Wicky avec satisfaction.

Si le message emballe le public, il est cependant encore trop tôt pour quantifier sa portée: «Nous espérons maintenant que les jeunes sauront aussi convaincre leurs parents. Mais, pour l’heure il est encore trop tôt pour tirer un bilan de l’exercice.»

Berne riposte

«Nous connaissons bien le problème du 118. Lors d’une rencontre entre représentants de l’OFCOM et des pompiers en janvier dernier, diverses mesures avaient été décidées afin d’améliorer la situation, telles que le filtrage technique des appels et l’amélioration du message automatique destiné à ceux qui composent encore par erreur le numéro 111», explique la porte-parole de l’OFCOM, Caroline Sauser.

«Mais leur concrétisation ne dépend pas de nous. Elle doit être coordonnée entre les opérateurs téléphoniques et le propriétaire du 118, à savoir la Coordination suisse des sapeurs-pompiers», ajoute encore la porte-parole.

Caroline Sauser, qui reconnaît que les désagréments découlant de cette situation pour l’ensemble des centrales d’alarme ont été nombreux, tient néanmoins à rappeler que les chiffres doivent être replacés dans leur contexte.

«Les services d’information reçoivent des millions d’appels par année. Même en retenant un taux d’erreur de 1%, il faut souligner que la grande majorité des numéros sont néanmoins composés correctement», insiste la spécialiste.

Un 112 à l’horizon

Hormis les exigences imposées par la libre concurrence, la redistribution des numéros d’urgence est aussi la conséquence d’une standardisation européenne des centrales d’alarme.

A terme, les autorités suisses visent l’introduction d’un chiffre unique, le 112, comme à l’étranger. Les appels pourront ensuite être ensuite redirigés sur les services de la police, des sapeurs-pompiers ou du service des ambulances.

«Dans certaines régions de Suisse, c’est déjà chose faite. Mais, puisqu’il s’agit d’une compétence cantonale, la situation varie précisément d’un canton à l’autre et il faudra sans doute patienter encore avant de voir cet objectif réalisé à l’échelle nationale», précise encore Caroline Sauser.

Bref, rien de tel que l’écoute d’un bon clip pour patienter jusque-là.

swissinfo, Andrea Clementi
(traduction de l’italien: Nicole Della Pietra)

Depuis le 1er janvier, les services des renseignements nationaux et internationaux ne peuvent plus être appelés que par le biais de numéros débutant par le chiffre 18. Les anciens 111 (nationaux) et 115x (internationaux) ont été définitivement désactivés le 31 décembre 2006.

Avec la décision du gouvernement de 2001, d’introduire des numéros abrégés commençant par 18, de nouveaux opérateurs ont investi le marché des renseignements, occupé jusque là par les sociétés de télécommunications. L’usager peut désormais librement choisir son prestataire de service.

La réalisation de «118 Projec’t» a demandé plus de 40 heures de tournage et 4 heures de pellicule, pour obtenir un clip vidéo de trois minutes trente secondes.

Les interprètes principaux et les techniciens ont réalisé le court-métrage pendant leurs vacances.

Dans sa version originale, le film comporte des propos tenus dans un langage relativement cru. Une version plus adaptée au jeune public est également disponible.

80 figurants, provenant des rangs de 4 corps de sapeurs-pompiers ont participé à ce tournage.

Le clip vidéo à été enregistré auprès de la Société suisse pour les droits d’auteurs et des œuvres musicales (SUISA).

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