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Bradley Birkenfeld n’a pas fini de hanter UBS

Bradley Birkenfeld a reçu plus de 100 millions de dollars pour avoir révélé le système d'aide à l'évasion fiscale mis en place par UBS aux Etats-Unis. Keystone

Ennemi juré d’UBS, Bradley Birkenfeld pourrait une nouvelle fois s’en prendre à son ancien employeur. Et ce en témoignant dans l’affaire de fraude fiscale qui met aux prises la justice française à la première banque helvétique. Le lanceur d’alerte, qui a sonné le glas des agissements délictueux d’UBS aux Etats-Unis, témoignera lors d’un procès à Paris le 27 février.

UBS a été mise en examen l’an dernier en France pour «blanchiment aggravé de fraude fiscale». La banque a été condamnée à payer une caution de 1,1 milliard d’euros, ce qui donne une idée du montant de l’amende qu’elle pourrait éventuellement avoir à payer si elle était reconnue coupable.

Avocat fiscaliste basé à Zurich, Milan Patel estime que le témoignage de Bradley Birkenfeld pourrait accroître la pression sur UBS en France. «C’est un développement significatif étant donné que Birkenfeld a fait tomber UBS aux Etats-Unis», affirme Milan Patel. A l’époque, «il était basé à Genève, il devait donc être familiarisé avec les activités transfrontalières de la banque en France. Il s’occupait surtout des Etats-Unis mais je doute que ce fut son terrain d’action exclusif».

Et Milan Patel d’ajouter: «Je suis pratiquement certain que la banque a utilisé les mêmes procédures et codes en France et aux Etats-Unis. Cette opération était une machine bien huilée, je doute donc qu’ils aient utilisé une méthode complétement différente dans les deux pays. Birkenfeld doit certainement avoir un aperçu de la façon dont cette opération a été construite, même indirectement».

Témoin clé

Le témoignage de Bradley Birkenfeld a été crucial dans le cadre des poursuites menées contre UBS aux Etats-Unis. Parmi de nombreux subterfuges, il est allé jusqu’à utiliser de l’argent liquide de l’un de ses clients super-riches pour acheter des diamants qu’il a ensuite cachés dans un tube de dentifrice avant de les apporter aux Etats-Unis.

L’amende de 780 millions de dollars infligée à UBS a déclenché une réaction en chaîne. Credit Suisse et Wegelin ont déjà plaidé coupable pour des accusation similaires tandis que d’autres banques sont toujours dans le collimateur de la justice américaine. Des banquiers, des avocats et de nombreux clients ont également été inculpés ou poursuivis. Le secret bancaire, lui, n’a pas résisté aux assauts des autorités américaines.

Le 3 février, Bradley Birkenfeld a été assigné par le juge d’instruction français Guillaume Daieff à témoigner lors d’une audience qui se déroulera ce mois-ci au Tribunal de district de Paris. L’enquête devra déterminer si UBS a également démarché de manière illicite des clients français. 

Contenu externe

UBS a contesté le versement d’une caution de 1,1 milliard de dollars, condamnant un processus juridique qualifié de «hautement politisé». Mais en septembre, un tribunal parisien a rejeté le recours de la banque contre le versement de la caution. «Le processus reste dans une phase formelle d’investigation, il n’y a rien à ajouter à ce stade», a indiqué la banque dans une prise de position envoyée à swissinfo.ch.

Joli pactole

Bradley Birkenfeld a reçu 104 millions de dollars du fisc américain (IRS) pour son rôle joué dans la condamnation d’UBS. Mais il a également été condamné à une peine de 40 mois d’emprisonnement pour ne pas avoir révélé l’entier du rôle qu’il a joué dans le vaste système d’évasion fiscale mis en place par la banque Outre-Atlantique. Une condamnation qu’il a d’ailleurs âprement contestée.

Le citoyen étatsunien a rapidement recouvré sa liberté. Mais il a été placé sous un régime de liberté surveillée jusqu’au mois de novembre de cette année. Limité dans ses mouvements, il devra demander au tribunal de Floride de lever temporairement ces restrictions afin de lui permettre d’assister à l’audience à Paris.

Dans sa demande déposée auprès du tribunal de Floride, il affirme que le Département de Justice a donné le feu vert pour qu’il se rende à Paris tandis que son agent de libération conditionnelle n’a «pas pris position». Le procès parisien surviendra au pire moment pour la réputation de la place financière suisse. L’attention internationale est toujours rivée sur la Suisse après les révélations sur les pratiques de la filiale suisse de la banque HSBC à Genève mises en lumière par un consortium de journalistes internationaux. Les Etats-Unis, tout comme la France, la Belgique et l’Argentine, ont ainsi lancé une enquête criminelle pour faire la lumière sur les agissements d’HSBC Suisse au milieu des années 2000.

L’affaire Cahuzac

La France a renforcé sa lutte contre l’évasion fiscale après le scandale retentissant autour de Jérôme Cahuzac. En 2013, alors qu’il était ministre des Finances, il avait été contraint de démissionner après avoir admis qu’il possédait un compte secret en Suisse. Dans le cadre de leur enquête sur UBS, les autorités françaises ont perquisitionné des bureaux bancaires et auditionné des cadres de la banque. Trois anciens cadres de la banque ont également été visés par un mandat d’arrêt.

La Suisse s’emploie à nettoyer l’image de ses banques, qui ont été traînées dans la boue ces sept dernières années. Après la débâcle d’UBS en 2009, les banques Wegelin et Frey ont été anéanties par les poursuites américaines tandis que Credit Suisse a été contrainte de payer une amende de 2,8 milliards de dollars l’an dernier.

La Suisse a pris toute une série de mesures pour mettre un terme à ces pratiques et a promis d’introduire l’échange automatique des données bancaires fiscales avec une centaine de pays de l’OCDE d’ici 2018. 

Ouverture d’une procédure contre HSBC

La justice genevoise a annoncé mercredi avoir ouvert une procédure pour blanchiment d’argent aggravé à l’encontre de la banque HSBC Private Bank (Suisse) SA et contre inconnus. Une perquisition a été menée mercredi dans les locaux de l’établissement bancaire à Genève, a annoncé le Ministère public genevois.

La perquisition a été conduite par le procureur général du canton de Genève Olivier Jornot et le premier procureur Yves Bertossa. La filiale helvétique du groupe bancaire britannique est depuis dix jours au centre d’un vaste scandale après les révélations de plusieurs journaux sur ses pratiques d’aide à l’évasion fiscale.

La justice genevoise se fonde sur un article du Code pénal qui prévoit qu’une entreprise peut être poursuivie indépendamment de la culpabilité de ses employés, s’il peut lui être reproché de ne pas avoir pris toutes les mesures d’organisation nécessaires pour empêcher des infractions de se produire en son sein.

Source: ATS

(Traduction de l’anglais: Samuel Jaberg)

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