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Euro 2016, une «fête gâchée»

Avant que l'Angleterre et la Russie n'en décousent au Stade Vélodrome, les hooligans des deux pays ont transformé le port de Marseille en champ de bataille. Reuters

Au lendemain des violences entre hooligans russes et anglais qui ont fait au moins 35 blessés à Marseille, la presse suisse s’interroge sur les raisons de ces explosions de haine et sur les mesures de sécurité appliquées par des forces de l’ordre françaises à bout de souffle.

«Il est logique que des sanctions sportives soient envisagées contre l’Angleterre et la Russie, dont les fans ont transformé ce week-end une partie du Vieux-Port de Marseille en champ de bataille», écrit Le Temps, rappelant au passage que les hooligans sont «bien sûr des éléments incontrôlés et que l’écrasante majorité des fans russes et anglais n’a rien à voir avec cet inacceptable déferlement de haine».

«Il n’en est pas moins normal, poursuit le quotidien romand, de s’interroger sur l’attitude des forces de l’ordre françaises […] dont l’état de nervosité et de fatigue est une évidence. Après sept mois d’état d’urgence pour cause de menace terroriste, et des semaines de confrontations avec les protestataires de Nuit debout ou de la CGT opposés au projet de loi sur le travail, de nombreuses unités ont fait savoir qu’elles étaient ‘à bout’. Un climat de tension accru, en plus, par l’incendie d’une voiture de police à Paris le 18 mai, dont les images ont fait le tour du monde».

Et Le Temps de rapporter que selon plusieurs experts britanniques en hooliganisme, «une partie des incidents marseillais auraient pu être évités si les policiers français n’avaient pas, de suite, brandi leur matraque et tiré des gaz lacrymogènes. Vrai? Faux? En ce début de compétition, l’urgence d’agir de façon différenciée et avec sang-froid doit en tout cas être réaffirmée avec force».

«Un autre monde»

Paraphrasant le groupe Téléphone, le chroniqueur de La Liberté, quant à lui, «rêvait d’un autre monde» et bien sûr «d’un autre Euro, d’un Euro où la fête serait belle, où le sport serait roi. D’une parenthèse salutaire où, l’espace d’un petit mois, nous ne penserions qu’au sport. Au bonheur simple d’être ensemble. Sans haine, sans violence, sans racisme, sans relent social ni religieux. Douce utopie!»

Et après seulement trois jours de tournoi, que voit-il? «Des supporters qui s’étripent, des actes de violence à Marseille, à Nice, et même dans le stade Vélodrome. Malgré les fouilles, des fumigènes et des pétards ont passé entre les doigts de la sécurité. Et si cela avait été des grenades ou des ceintures explosives?

«A qui la faute?, demande le quotidien fribourgeois. A la France, à l’UEFA, lesquelles se sont tellement focalisées sur les risques d’attentats et les conflits sociaux qu’elles en ont oublié le hooliganisme, cette plaie récurrente qui ressurgit tous les deux ans à l’occasion de l’Euro ou de la Coupe du monde? Finalement, n’est-ce pas notre société qui endosse la responsabilité? Une société où le fossé entre riches et pauvres ne cesse de se creuser, où les laissés-pour-compte, les chômeurs et les désabusés sont toujours plus nombreux. Et trouvent parfois leur échappatoire dans des comportements extrêmes…»

«Il y a toujours eu des casseurs»

«Une fois de plus, la fête a été gâchée, écrit Le Matin. C’est inquiétant car les apôtres de la violence gratuite ne sont pas contrôlables. L’Europe de l’Ouest les avait sortis des stades en créant une politique de prix et une atmosphère (très paillettes) qui n’étaient plus compatibles avec leur standing. L’Europe de l’Est, qui ne semble pas trop se soucier du phénomène, leur a offert un nouveau terrain d’expression».

«Il y a toujours eu des casseurs, ne peut que constater le tabloïd romand. Il y en a aujourd’hui à l’Euro. Et il y en aura demain ailleurs. L’histoire le démontre: les pouvoirs politiques n’ont pas de médicaments contre ce cancer».

Et de proposer une «bribe de solution» qui semble pour le moins extrême: «exclure tous les supporters étrangers et céder la totalité des billets d’un Euro aux résidents du pays organisateur». Oui, sauf que pour célébrer les 60 ans du tournoi, l’UEFA a décidé de l’organiser en 2020 dans 13 villes de 13 pays différents…

«Le football est plus qu’un sport»

Avec la menace terroriste, l’agitation sociale et les grèves «rien ne sera épargné aux organisateur français», notent l’Aaargauer Zeitung et la Neue Luzerner Zeitung. «Au point qu’on en oublie presque que l’on joue aussi au football. La France a pourtant gagné son premier match, comme la Suisse, mais au lieu de la fièvre du football, se sont plutôt l’inquiétude et la peur qui montent».

«On sait depuis longtemps, poursuivent les deux journaux alémaniques, que le sport de haut niveau a perdu son innocence. […] Et cet Euro en France ne nous offre même plus vraiment une parenthèse dans notre quotidien. Une ombre plane sur la fête, formée de toutes les circonstances sociales, politiques et nationales. Cela signifie que le football est plus qu’un sport. Et cela est hélas de plus en plus vrai».


Est-il juste d’exclure une équipe nationale pour les violences de ses supporters? Votre avis nous intéresse.

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