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Une femme en burqa contre la naturalisation facilitée des petits-enfants d’immigrés

L'affiche des opposants l'UDC a créée la polémique. twitter

Un mois avant le vote sur l’octroi de la naturalisation facilitée pour la troisième génération d’immigrés en Suisse, l’UDC a choisi la provocation pour son entrée en campagne. Le premier parti du pays a placardé lundi une affiche présentant une femme en burqa avec le slogan «Naturalisation incontrôlée? Non à la naturalisation facilitée».

L’affiche est la dernière création de GoalLien externe, l’agence publicitaire helvétique à l’origine de la propagande anti-étrangers et anti-musulmans déjà abondamment utilisée lors de précédentes campagnes de votation par la droite nationaliste helvétique. L’affiche la plus célèbre de l’agence représente un mouton blanc bottant un mouton noir hors du drapeau suisse. Placardée une première fois à l’occasion des élections fédérales de 2007, cette affiche polémique avait été réutilisée à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de la campagne de votation sur l’initiative visant à l’expulsion des «criminels étrangers» en 2010. 

Le “mouton noir”, l’affiche la plus polémique de l’UDC, a été lancée à l’occasion des élections fédérales de 2007 et recyclée à de nombreuses reprises. Keystone

Le Financial Times a récemment qualifié le responsable de l’agence Goal, Alexander Segert, de «gourou publicitaire de la nouvelle droite européenne». Dans une interview au quotidien britannique, Alexander Segert a défendu le travail de son agence: «Les campagnes les plus controversées que nous avons faites pour l’Union démocratique du centre ont permis d’accroître considérablement le taux de participation. Il vaut mieux que les gens se sentent gênés et aillent ensuite voter, plutôt qu’ils restent calmes mais ne se déplacent pas aux urnes».

L’affiche placardée lundi pourrait contribuer à enflammer les débats sur l’octroi facilité de la naturalisation pour les étrangers de la troisième génération, alors que la campagne est restée relativement discrète jusqu’ici. Les Suisses doivent se prononcer le 12 février sur cette modification de la Constitution fédérale. 

Fruit d’un compromis parlementaire, le texte comporte de nombreux garde-fous et exige que les personnes souhaitant accéder à la procédure de naturalisation facilitée remplissent des critères bien précis. Par ailleurs, le passeport suisse ne sera pas délivré automatiquement: il faudra continuer à en faire la demande auprès des autorités compétentes.

Chez les partisans de la naturalisation facilitée, cette nouvelle provocation de l’UDC a suscité l’indignation. «Il n’y donc pas de limites? On peut donc coller n’importe quoi sur les panneaux d’affichage?», a par exemple réagi sur Twitter la députée socialiste bâloise Silvia Schenker. 

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«Il y a un minimum de règles contre la publicité mensongère. Mais en politique, on peut simplement dire n’importe quoi», s’est quant à elle indignée la députée écologiste Adèle Thorens:  

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Contrairement aux apparences, le 12 février, le peuple suisse ne votera pas sur l’interdiction du port de la burqa, comme l’a par exemple ironiquement souligné le député socialiste bernois Matthias Aebischer dans un TweetLien externe. Le blogueur zurichois Reda El Arbi Lien externea quant à lui rappelé que 60% des candidats à la naturalisation facilitée étaient des ressortissants italiens. Voici à quoi aurait dû ressembler selon lui l’affiche de l’UDC si le parti ne prenait pas ses propres électeurs pour des «idiots complets»:

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Pourtant, l’UDC a déjà averti que l’octroi facilité du passeport suisse pourrait encourager les petits-enfants de personnes mal intégrées en Suisse – dont des djihadistes – à déposer une demande de naturalisation. «La burqa est le symbole d’un manque d’intégration. La radicalisation peut même être observée chez des jeunes musulmans qui sont nés ici», a ainsi déclaré lundi le député UDC Andreas Glarner au quotidien gratuit 20 Minuten.

Le premier parti du pays part toutefois seul au combat contre cette réforme constitutionnelle soutenue par le gouvernement, une majorité du parlement, les principaux partis du pays, les cantons, les villes et les milieux économiques.

Près de 24’000 étrangers établis en Suisse sont susceptibles d’être éligibles pour une procédure facilitée, mais les experts estiment que seule une petite partie d’entre eux serait intéressée à en faire la demande.

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