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La presse suisse salue le raz-de-marée Merkel

Angela Merkel reste la personnalité politique préférée des Allemands. Reuters

«Le triomphe d’Angela Merkel ». Comme en copié-collé, le titre se retrouve en une de la plupart des quotidiens helvétiques lundi. Triomphe «historique», ajoutent certains, triomphe «solitaire», voire triomphe «embarrassant» tempèrent d’autres.

Du jamais vu depuis 1957. Les démocrates-chrétiens (CDU) d’Angela Merkel frisent la majorité absolue au Bundestag et la chancelière sera reconduite pour un troisième mandat, ce que seuls Konrad Adenauer et Helmut Kohl avaient réussi avant elle.

«Les Allemands la créditent d’avoir bien géré la crise de l’euro, et plébiscitent le bilan économique de son gouvernement avec la baisse du chômage et des exportations dynamiques. Son rayonnement personnel va bien au-delà des limites de son camp. Nombre d’électeurs du SPD (sociaux-démocrates) et des Verts sont satisfaits de son bilan et elle est, à 59 ans, la personnalité politique préférée des Allemands», résume Le Temps.

La chancelière Angela Merkel a triomphalement remporté les élections législatives allemandes dimanche, selon les résultats officiels provisoires. Son parti conservateur (CDU/CSU) a recueilli 41,5% des suffrages.

Son allié libéral (FDP) est évincé du Bundestag pour la première fois de l’histoire de la RFA faute d’atteindre la barre des 5% des suffrages (4,8%), et le parti social-démocrate SPD, avec lequel Mme Merkel devrait logiquement discuter d’une grande coalition, a obtenu 25,7% des voix.

Les Verts sont en baisse sensible à 8,3% (-2,3 points), tandis que la gauche radicale, Die Linke, a baissé de 3,3 points, à 8,6%.

Un nouveau mouvement anti-euro, Alternative für Deutschland (AfD), créé au printemps, a atteint 4,7%, soit moins que les 5% nécessaires pour être représenté dans la chambre basse du Parlement.

La participation a été de 71,5%, soit un peu mieux que les 70,8% de 2009, qui était un record à la baisse.

(afp)

«Supermaman»

«Normalement, les choses se passent différemment. Le parti du chancelier obtient de moins en moins de voix au fil des élections jusqu’à ce qu’il soit battu. Mais avec Angela Merkel, c’est le contraire qui s’est produit: la CDU obtient un score maximum, qu’aucun sondage n’avait prévu», écrit le Landbote de Winterthour.

«Avec cette élection, la ‘fille de Kohl’ est définitivement devenue la supermaman de la nation», renchérit la Berner Zeitung. Et pour l’expliquer, la Neue Luzerner Zeitung rappelle que la chancelière a su «lier les développements positifs directement à sa personne». Sans pour autant faire dans le culte de la personnalité, parce que «ce qui rend Merkel aussi populaire, c’est sa modestie. Et ses électeurs ne la rendent pas personnellement responsable des tensions sociales que connaît aussi le pays».

Dans le même registre, la Neue Zürcher Zeitung parle d’un «triomphe à voix basse». Pour le quotidien zurichois, la chancelière a réussi là où même son mentor Helmut Kohl avait trébuché, «car à la fin de sa longue carrière, le ‘chancelier éternel’ s’était attiré l’hostilité, alors que Merkel sait ne pas élever la voix et faire beaucoup de petits compromis afin que personne ne ressente sa domination comme une menace».

Quelle coalition?

Reste que cette victoire sans partage a quelque chose d’à la fois «injuste et paradoxal», note le Bund. Injuste, parce que «les électeurs n’ont pas plébiscité la coalition CDU-FDP, mais les seuls démocrates-chrétiens», avec pour conséquence l’éjection du parlement du petit parti libéral, qui y siégeait depuis 64 ans. Et paradoxal, parce que «pour poursuivre dans sa ligne politique de manière vraiment stable, la chancelière devra former une nouvelle coalition».

Comme la plupart de ses confrères, le commentateur du quotidien bernois prévoit que celle-ci se nouera avec le SPD, déjà au gouvernement avec la CDU de 2005 à 2009. Car même s’ils viennent de réaliser le deuxième plus mauvais score de leur histoire, les sociaux-démocrates semblent des partenaires plus crédibles que les Verts, qui se sont «profilés bien trop à gauche» lors de cette élection, où ils atteignent eux aussi un plancher historique.

Euroscepticisme ou populisme

Et tandis que la gauche recule, cette élection restera également marquée par le succès d’estime de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), dont le programme se résume plus ou moins à la sortie de l’euro et au retour au mark.

Pour Henrik Uterwedde, de l’Institut franco-allemand à Ludwigsburg, interrogé par Le Temps, ce succès d’estime des eurosceptiques se répercutera sur la politique européenne de Berlin. «Angela Merkel a intégré ce courant dans la recherche de compromis prudents pour sortir la zone euro de la crise. Car il existait déjà dans l’opinion allemande, surtout parmi les électeurs conservateurs de la CDU. Aujourd’hui, on peut penser que la politique européenne se complique encore un peu en Allemagne, comme ailleurs», estime le spécialiste.

Henrik Uterwedde pense que le nouveau parti pourrait même doubler son score aux prochaines élections européennes. Mais pour lui, «il est prématuré de tirer des leçons. L’AfD, pour l’instant, n’est pas un parti extrémiste. S’il entre au Bundestag, il devra élargir les sujets sur lesquels il interviendra. Il sera sous observation car la tentation existera de virer au populisme».

La femme la plus puissante du monde

«Quelle que soit la manière dont Angela Merkel gouvernera l’Allemagne ces quatre prochaines années, c’est l’Europe entière, et la Suisse, notamment, qui vont très vite vouloir savoir ce que la chancelière fera de sa victoire sur la scène internationale», interrogent de leur côté 24 Heures et La Tribune de Genève.

Car, «les questions auxquelles la victorieuse Mutti Merkel va devoir très vite répondre» sont nombreuses, rappellent les deux quotidiens. «Se sentira-t-elle confortée dans sa politique de rigueur, au risque d’approfondir le malaise entre Berlin et les peuples du sud de l’Europe? Ou au contraire fera-t-elle preuve de plus de souplesse? Cherchera-t-elle à relancer le dialogue avec Berne sur les questions fiscales? Sortira-t-elle de sa prudence sur les grands dossiers internationaux, Syrie en tête?»

Pour La Liberté, un de ces dossiers prime sur tous les autres: celui de l’euro. «La femme la plus puissante au monde en est consciente: c’est au travers de la survie de la zone euro que son nom restera attaché à l’histoire de l’intégration du Vieux-Continent. Une survie toujours hypothétique, à l’image d’une Grèce en mal d’un nouveau gros ballon d’oxygène financier pour éviter l’asphyxie fatale», écrit le quotidien de Fribourg.

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