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En Autriche, une valse de droite

Sebastian Kurz, qui a remporté dimanche les législatives autrichiennes, s'apprête à devenir à 31 ans le plus jeune dirigeant européen. AP / Matthias Schrader

Au prix d’un discours musclé sur l’immigration, le jeune leader conservateur Sebastian Kurz, 31 ans, a remporté les élections législatives autrichiennes de dimanche. Cette victoire pourrait ouvrir la voie à une coalition entre la droite conservatrice et l’extrême-droite. Une perspective qui inquiète la presse suisse.

Même si les résultats définitifs (voir encadré) ne sont pas encore connus, les vainqueurs des élections législatives autrichiennes de dimanche ne font aucun doute aux yeux de la Neue Zürcher Zeitung (NZZ): les droites politiques, mais surtout Sebastian Kurz, âgé de seulement 31 ans, et qui a désormais tous les atouts en mains pour devenir le prochain chancelier autrichien – et le plus jeune chef d’Etat du continent.

Les conservateurs en tête

Le Parti populaire autrichien (ÖVP / conservateur) est arrivé en tête des élections législatives de dimanche. Plusieurs projections réalisées pour les médias autrichiens sur la base d’un décompte partiel l’affirment.

Le parti dirigé par le ministre des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, 31 ans, aurait recueilli entre 30 et 31% des suffrages. Il devancerait le Parti de la liberté (FPÖ / extrême droite), qui obtiendrait 27 à 28% des voix, et les sociaux-démocrates (SPÖ) du chancelier Christian Kern, crédité de 25,5 à 26,5%.

La tenue de ces élections législatives anticipées a été précipitée par Sebastian Kurz, qui a réclamé après son arrivée à la tête de l’ÖVP la suspension de la coalition de gouvernement entre les conservateurs et les sociaux-démocrates.

«Doté d’une habileté stratégique et d’un instinct du pouvoir machiavélique, il s’est hissé au sommet du Parti populaire autrichien (ÖVP / conservateur) et l’a mené à la victoire électorale», commente la NZZ.  

Les succès électoraux du Parti populaire autrichien et du Parti de la liberté autrichien (FPÖ / extrême-droite) sont à mettre au crédit d’une campagne monothématique axée sur le rejet des réfugiés et des migrants, à laquelle souscrit une grande majorité de l’électorat, estime une grande partie de la presse suisse de ce lundi.

«Se sentant menacé par Heinz-Christian Strache [le leader du FPÖ], Sebastian Kuz a réussi à réinventer son parti en anticipant et en faisant siennes, surtout dans le domaine de l’immigration, des revendications qui appartenaient à l’idéologie du FPÖ», note ainsi le Corriere del Ticino.

Kurz a joué avec les peurs

A une Autriche prospère mais insécurisée par la crise migratoire, Sebastian Kurz a offert une image de modernité et un discours de fermeté sur l’immigration. «Sebastian Kurz est beaucoup trop intelligent pour croire à sa propre propagande: il a simplement joué avec les peurs diffuses des électeurs – avec succès», écrit la Südostschweiz.

Cette victoire des droites autrichiennes pourrait redistribuer les cartes et ouvrir la voie à une coalition gouvernementale entre l’ÖVP et le FPÖ. «Les Autrichiens semblent las de ces années de grande coalition entre les sociaux-démocrates et les conservateurs. Un attelage conservateurs-extrême droite est donc possible. Certes, tout en surfant sur la même vague anti-réfugiés, les deux partis se détestent – Kurz ayant été accusé par le FPÖ d’avoir siphonné leurs thèmes de campagne. Mais il reste que les positions de ces deux partis se rejoignent sur bien des points», écrit La Liberté de Fribourg.

Le FPÖ doit aussi sa réussite électorale à son leader Heinz-Christian Strache, note pour sa part Le Temps. «Sa stratégie est claire: apparaître comme un partenaire fiable pour gouverner. Adieu les provocations et les saillies xénophobes, le chef du FPÖ, prothésiste dentaire de formation, se veut fréquentable, seul moyen pour lui d’obtenir la place de vice-chancelier tant convoitée.»

Victoire du populisme

«La xénophobie, l’islamophobie et le jeu diabolique de la peur du déclassement sont des ingrédients qui font mouche presque partout en Europe»
Tages-Anzeiger

Même si Sebastian Kurz est aujourd’hui susceptible de devenir le prochain chancelier autrichien, le FPÖ peut se réjouir d’une victoire électorale facile, relèvent le Tages Anzeiger de Zurich et le Bund de Berne. «Dans tous les cas, le populisme l’a emporté», estiment les deux quotidiens, pour qui l’Autriche n’est pas un cas isolé.

«La xénophobie, l’islamophobie et le jeu diabolique de la peur du déclassement sont des ingrédients qui font mouche presque partout en Europe. C’est le cas notamment en Hongrie, où grâce à ce triple saut populiste, Viktor Orban parvient à sécuriser son pouvoir. L’esprit du temps souffle dans cette direction, et il est à craindre que la force du vent augmente encore».

Même son de cloche dans le Corriere del Ticino: «Ces résultats électoraux suivent ceux obtenus en septembre dernier par l’Alternative für Deutschland (AFD) à l’occasion des législatives allemandes. Mais alors qu’Angela Merkel semble pouvoir exclure l’AFD de sa coalition, le FPÖ est de plus en plus considéré comme un pion incontournable dans une future coalition». Une coalition que l’éditorialiste du quotidien tessinois voit «comme un obstacle possible aux projets de relance de l’intégration européenne proposés par Emmanuel Macron et Angela Merkel».

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