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Les pour et les contre du Prix de Lausanne

Les candidats s'échauffent au Prix de Lausanne Keystone

Concours pour jeunes danseurs, le Prix de Lausanne récompense chaque année les meilleurs talents du monde par une bourse d’études. Critiques et artistes ne sont pas toujours d’accord sur l’utilité de cette compétition. Jean-Pierre Pastori et Guilherme Botelho s’affrontent.

Le Prix de Lausanne a beau être une prestigieuse compétition internationale, il n’échappe pas aux critiques. S’il suscite l’enthousiasme chez certains, il provoque chez d’autres l’agacement.

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En attendant la finale du 2 février, à l’issue de laquelle les huit candidats retenus repartiront avec une bourse, nous avons demandé à Jean-Pierre Pastori, critique suisse et historien d’art chorégraphique, ainsi qu’à Guilherme Botelho, chorégraphe brésilien établi à Genève, ce qu’ils pensent du Prix de Lausanne. Leurs propos recueillis séparément laissent entrevoir une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes.

Une compétition datée

Dans le camp des Modernes, Guilherme Botelho n’hésite pas à dire que le Prix est daté : «Parce que la compétition lausannoise semble avoir oublié l’importance de la danse contemporaine. Les épreuves que les candidats doivent passer sont orientées vers la danse classique, très codifiée avec ses pirouettes, ses entrechats, ses portés… Elle laisse donc peu de place à la créativité de l’interprète qui peut s’exprimer beaucoup plus librement dans la danse contemporaine. Celle-ci est davantage en phase avec notre époque tournée vers un art personnalisé, capable de déclencher une émotion ».

Né à Lausanne le 26 septembre 1949, journaliste, écrivain et historien de la danse suisse.

Depuis le 1er janvier 2008, il est Directeur de la fondation du château de Chillon (Vaud).

Il est également Président de la Fondation Béjart Ballet Lausanne, depuis 2012.

Parmi ses publications figurent : Une histoire de passions : la danse à Lausanne, 1999. Béjart Ballet Lausanne : 20 ans, 2006. Renaissance des Ballets russes,  2009.

Il est Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, République française (1999).

Poussant l’analyse un peu plus loin, Guilherme Botelho, qui avec sa compagnie Alias tourne dans le monde entier, affirme que la formation en danse contemporaine occupe une place importante dans les politiques culturelles européennes.

«En France, par exemple, la majorité des centres chorégraphiques sont aujourd’hui dédiés à cette discipline, confie-t-il. Et en Suisse romande, il existe depuis 2 ans un CFC (Certificat fédéral de capacité) en danse contemporaine. Preuve qu’on ne peut pas faire l’impasse sur cette forme d’expression artistique ».

Chorégraphe brésilien, il vit et travaille à Genève.

Il a commencé à étudier la danse à l’âge de 16 ans.

Deux ans plus tard, il est engagé comme danseur au Grand Théâtre de Genève.

En 1987, il créée sa première chorégraphie.

En 1993, il se lance dans la chorégraphie indépendante et crée sa Compagnie Alias.

Parmi ses pièces, citons : Le poids des éponges, Les cabots, Sideways Rain, Camelô…

Promotion de l’excellence

Différente est l’opinion de Jean-Pierre Pastori que l’on placera dans le camp des Anciens. L’historien vaudois explique: « Le programme d’évaluation du Prix de Lausanne comprend bien une épreuve de danse contemporaine. Le problème, c’est que de nombreux jeunes chorégraphes ne la reconnaissent pas comme telle. Ils y voient une discipline néoclassique. Mais passons sur cette querelle de clocher.»

«L’utilité du Prix est ailleurs, poursuit-il. Elle réside dans la volonté d’offrir à de jeunes danseurs talentueux une formation dans une grande école (type Opéra de Paris ou Royal Ballet de Londres) qu’ils ne peuvent pas se payer eux-mêmes. Ceux qui n’ont pas besoin d’un complément de formation se voient attribuer une bourse pour un stage d’une année dans une compagnie internationale réputée. Si par la suite un poste se libère au sein de la compagnie, le danseur peut y être engagé comme membre ».

Pour un CV, c’est là une solide référence. Le Prix de Lausanne ne joue-t-il pas après tout le rôle d’une entreprise de recrutement ? « Non, répond Jean-Pierre Pastori, son but consiste avant tout à promouvoir l’excellence ».

Guilherme Botelho lui, le compare à une organisation philanthropique destinée à apporter un soutien financier à des artistes dotés d’un grand talent mais souffrant de manque d’argent.

«La charité n’est pas au menu du Prix, rectifie Pastori. Rien à voir ici avec d’autres compétitions qui se tiennent à Tokyo, à New-York, à Moscou… où les candidats sont récompensés uniquement par une médaille ou de l’argent.  Lausanne n’est pas un lieu de performance sportive, avec à la clé un beau pactole. Je précise que celui qui y gagne est celui qui possède le meilleur potentiel de développement ».

Beaulieu. Le 41e concours international pour jeunes danseurs se tient au théâtre de Beaulieu à Lausanne du 27 janvier au 2 février 2013. Quelque 75 candidats de 15 à 18 ans de tous les continents y participent.

Histoire. Crée par Elvire et Philippe Braunschweig, le 1er Prix de Lausanne s’est tenu en 1973.

Evolution. Depuis lors, ce concours a développé des partenariats avec près de 60 écoles et compagnies de ballet du monde entier.

International. Plus de 4000 candidats venus de 70 pays ont participé au concours lausannois.

Bourse. Plus de 300 lauréats ont obtenu une bourse ou un prix à l’origine de leur carrière internationale.

Européens gâtés, Asiatiques lutteurs

Ce potentiel-là manquerait-il aux candidats européens dont le nombre se réduit chaque année face aux candidats asiatiques (Chine, Japon, Corée du Sud…) ou latino-américains, Brésiliens en tête ?

«En Europe, ce n’est pas le potentiel qui manque, mais la motivation, réplique Jean-Pierre Pastori. Les jeunes qui vivent dans des pays riches ont mille sources de distractions. Cela rend difficile leur concentration sur une discipline ardue comme la danse qui nécessite un esprit combatif ».

«Les jeunes Asiatiques sont en revanche des lutteurs, sans doute en raison de leurs conditions de vie plus dures que les nôtres, poursuit-il. A cela s’ajoute le fait que la Chine et le Japon, par exemple, comptent nettement moins d’écoles et de compagnies de danse que l’Europe. Il n’est donc pas étonnant que leur jeunesse vienne tenter sa chance sur le Vieux Continent. Un Français, par contre, a l’embarras du choix chez lui : Marseille, Lyon et Paris sont dotés d’excellents centres de formation ».

Pour Guilherme Botelho, la présence de candidats brésiliens au Prix de Lausanne va de pair avec le boom économique du Brésil. « J’ai quitté mon pays il y a une trentaine d’années. Mais j’y vais souvent en tournée, et je vois le pas géant effectué au niveau artistique. La danse, par exemple, bénéficie  aujourd’hui du soutien des autorités publiques, alors qu’auparavant elle ne recevait aucune aide financière de l’Etat ».

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