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Lonza pourrait être un acteur majeur dans la production d’un vaccin contre la Covid-19

Lonza
Participer à la production d'un vaccin contre la Covid-19 pourrait être un véritable jackpot pour Lonza. Keystone / Dominic Steinmann

La société suisse Lonza a signé un accord majeur avec la société biotechnologique américaine Moderna Therapeutics pour aider à produire un vaccin prometteur contre la Covid-19, en utilisant la nouvelle technologie de l’ARNm. Le PDG de Lonza Albert Baehny affirme que son entreprise peut relever le défi de produire des centaines de millions de doses, à partir de cette année, si les essais continuent à être concluants.

Lundi, Moderna Therapeutics a publié les résultats des essais de phase 1 de son vaccin à ARNm – le premier du genre – chez l’homme. Ils donnent à Albert Baehny des raisons d’être optimiste, bien que la prudence reste de mise. «Les résultats sont excellents. Nous comprenons la technologie et le processus de fabrication. Nous espérons maintenant que les phases deux et trois se dérouleront bien», déclare le patron de Lonza.

Les données de l’essai ont été limitées à un petit nombre de participants. Certains experts en vaccins interrogés par le site d’information sur la santé STATLien externe estiment que, sur la base des informations disponibles, il est difficile de savoir à quel point les résultats sont prometteurs. Mais le vaccin a généré une certaine réponse immunitaire.

CEO
Le biologiste Albert M. Baehny est président du conseil d’administration de Lonza depuis 2018. Il endosse également le rôle de PDG par intérim suite au départ de Marc Funk à la fin 2019. Lonza

C’est une bonne nouvelle à la fois pour Moderna et Lonza. En effet, l’entreprise pharmaceutique et chimique établie en Suisse a signé un contrat de 10 ansLien externe avec la société biotechnologique américaine pour l’aider à fabriquer la nouvelle technologie de vaccin à ARNm. Lonza permet à Moderna de trouver une réponse à une question essentielle, à savoir comment produire suffisamment de vaccins pour répondre à une demande mondiale, si la thérapie s’avère efficace.

Président et PDG par intérim de Lonza, Albert Baehny a accordé une interview à swissinfo.ch. Il explique notamment ce que signifie l’accord avec Moderna et de ce qu’il faudra pour mettre le vaccin à la portée du plus grand nombre.

swissinfo.ch: Quel est l’apport de Lonza dans le cadre de l’accord avec Moderna?

Albert Baehny: Nous apportons trois choses qui sont importantes. En premier lieu, une large gamme de procédés de fabrication. Nous avons ensuite l’expertise nécessaire pour amener les procédés de laboratoire à l’échelle commerciale et industrielle. Enfin, nous offrons à Moderna l’accès à des installations de fabrication dans de nombreux sites différents.

Il est important de préciser que nous produirons les ingrédients pharmaceutiques actifs (IPA) pour le vaccin. Nous ne produisons pas le vaccin final, comme certains l’ont dit.

Lorsque nous aurons produit les IPA, ceux-ci seront confiés à une autre société qui se chargera du remplissage et de la finition, c’est-à-dire qui remplira le vaccin final dans des flacons.

Qu’est-ce qu’un vaccin à ARNm?

Les vaccins à messager ARN (ARNm) fonctionnent en introduisant une séquence d’ARNm (la molécule qui porte le code génétique de l’ADN). Cette séquence est codée pour un antigène spécifique de la maladie. Une fois produit dans l’organisme, l’antigène est reconnu par le système immunitaire, ce qui lui permet de combattre la maladie.

C’est donc différent des vaccins classiques, qui contiennent généralement des organismes pathogènes inactivés ou des protéines fabriquées par les antigènes, qui fonctionnent en imitant l’agent infectieux et stimulent la réponse immunitaire de l’organisme

Quelle sera la société qui fabriquera le produit final?

Cela reste confidentiel.

Comment préparez-vous vos installations de fabrication pour ce vaccin?

Nous sommes en train de transformer le processus de laboratoire de Moderna en un processus industriel. Cela se passe à Portsmouth, dans le New Hampshire, aux États-Unis, qui sera le premier site où nous produirons les ingrédients.

En parallèle, nous démarrons une ligne de fabrication à Viège, en Suisse (Valais).

Quel est votre calendrier?

Nous espérons disposer d’un petit lot du site de Portsmouth pour un usage clinique d’ici juillet. Le premier lot de volumes commerciaux sera disponible d’ici la fin décembre.

Nous pensons être en mesure de produire les premiers volumes à partir des installations de Viège d’ici février 2021.

Il y a eu beaucoup de questions sur qui recevra les premières doses du vaccin. Qui est le propriétaire du vaccin et qui peut décider en dernier ressort?

Nous ne possédons pas le vaccin. Moderna possède la propriété intellectuelle et nous possédons la technologie pour fabriquer les IPA. Il y a aussi toute une chaîne d’approvisionnement.

Combien de doses peut produire Lonza?

Il devrait y avoir de nombreuses lignes de fabrication. Nous estimons qu’une ligne pourra produire de 50 à 100 millions de doses par an, mais cela dépendra du dosage final, que nous ne connaîtrons pas avant la fin de la troisième phase des essais cliniques. 

L’usine de Viège pourrait avoir jusqu’à trois lignes de fabrication fonctionnant en parallèle, ce qui signifierait que 100 à 300 millions de doses pourraient y être produites.

En quoi le processus de production de vaccins à ARNm diffère-t-il des vaccins traditionnels?

Si le vaccin s’avère efficace, ce sera la première fois qu’un vaccin sera basé sur la technologie de l’ARNm. Cette technologie est plus facile et plus rapide à produire et à développer que d’autres technologies de production de vaccins telles que l’utilisation d’un virus ou d’une bactérie morte.

Elle est également moins coûteuse à produire, car l’empreinte de fabrication est plus petite que dans une usine de produits biologiques. C’est pourquoi la course pour un vaccin contre la Covid-19 va dans le sens de l’ARNm.

Quels sont les défis que pose la production d’un tel vaccin? Y a-t-il des problèmes de sécurité spécifiques?

Le processus de fabrication est sûr. L’entier du processus, à l’instar des processus d’autorisation, est accéléré parce qu’il est nécessaire d’aider la société et de nous aider à retrouver une vie normale. Les autorités réglementaires autoriseront le vaccin lorsque les avantages l’emporteront sur les risques.

Le principal défi pour Lonza est l’accès aux équipements. C’est comme pour les pièces d’une voiture. Nous achetons des pièces fabriquées à l’externe et l’accès à ces pièces est par conséquent essentiel. Ces équipements viennent de partout.

Nous avons également besoin de personnes pour travailler dans les installations. Une fois la ligne mise en place et opérationnelle, il faudra 60 à 70 personnes supplémentaires pour l’exploiter.

Combien coûtera ce vaccin?

Nous investissons 60 à 70 millions de francs pour produire 50 à 100 millions de doses. Nous ne connaissons pas le prix final de la dose.

Que signifie cet accord pour Lonza en tant qu’organisation?

Il est motivant pour toute l’organisation d’être au service de la société. C’est une responsabilité éthique et morale et nous investissons sans savoir si cela va fonctionner. L’objectif est avant tout de sauver des vies. C’est plus important que le succès commercial, qui vient après.

N’est-ce pas une entreprise risquée?

Même si ce vaccin contre la Covid-19 ne fonctionne pas, nous avons encore dix ans de collaboration avec Moderna pour mettre sur le marché d’autres médicaments à base d’ARNm. Il n’y a vraiment aucun risque. Avec un accord de dix ans, nous ne pouvons qu’en bénéficier, car cela nous donne accès à l’ARNm, qui est une nouvelle technologie. Si cela ne fonctionne pas, il y aura d’autres opportunités.

Quelle est l’importance de l’innovation suisse dans le développement de ce vaccin?

C’est la technologie et le savoir-faire suisses qui sont transférés en Amérique du Nord et peut-être à Singapour. Nous considérons que la capacité d’innovation de la Suisse joue un rôle important dans ce processus de transformation. Les équipes sont très motivées parce qu’elles se rendent compte qu’elles écrivent un peu l’Histoire.

manufacturing
Lonza Fondée en 1897 comme producteur d’électricité, puis comme fabricant d’engrais, l’entreprise Lonza travaille aujourd’hui comme sous-traitant pour de nombreuses grandes entreprises pharmaceutiques. Elle exploite des sites de production dans le monde entier , y compris dans le canton du Valais, où elle a été fondée (le site de Viège sur la photo). Elle a son siège à Bâle et à Morristown, dans le New Jersey, aux États-Unis. L’entreprise compte plus de 15’500 employés et exploite 120 sites et bureaux dans plus de 35 pays. Lonza

(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)

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