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Blaise Hofmann, l’homme des grands crus

Blaise Hofmann
Sandra Culand

Romancier et vigneron propriétaire, il concentre deux cultures, l’une littéraire l’autre paysanne. Blaise Hofmann, 41 ans, publie, à l’occasion de la Fête des Vignerons, trois livres «arrosés» par une cuvée de Chasselas et de Gamay. Rencontre avec un amoureux des mots et de la terre. 

Quand la Fête des Vignerons prendra fin, Blaise Hofmann s’en ira par les grands chemins, emmenant femme et enfants en Asie, pour un long périple. Lui l’écrivain-voyageur («Billet aller simple», «Notre mer», «Marquises»…) est depuis quatre ans sédentaire, les pieds fermement ancrés dans la terre vaudoise qui l’a vu naître. En 2015, la Confrérie des Vignerons est venue le trouver pour lui demander de co-écrire, avec le compositeur Stéphane Blok, le livret du spectacle conçu par le metteur en scène Daniele Finzi Pasca. Ça tombait bien, il en rêvait depuis longtemps!

Le voilà pris dans «un engagement professionnel avec un employeur du Moyen-Age», comme il le dit drôlement quand il parle de cette Confrérie née il y a cinq siècles. Il s’est donc mis à la tâche. Son labeur, ses recherches historiques, ses joies, ses déceptions, ses rapports avec son «employeur», ses relations parfois houleuses avec l’équipe artistique du spectacle, Blaise les raconte dans un récit délicieux, «La Fête», paru chez Zoé, tout comme le livret du spectacle. Ces deux opus sont enrichis par un troisième, «Jour de Fête» (Editions La Joie de Lire), également écrit par lui, illustré par Fanny Dreyer, et adressé aux enfants.

Illustration de Fanny Dreyer dans «Jour de Fête». La Joie de lire

Grands crus

Soit donc une production du cru, trois fois littéraire, à laquelle il faut ajouter deux grands crus, ceux-ci vinicoles: un Chasselas et un Gamey, cuvée Hofmann 2018. Il faut dire que depuis deux ans, Blaise Hofmann travaille avec son père, vigneron établi tout près de Morges. Tous deux produisent leur propre vin. Le jour où nous avons rencontré l’écrivain, il avait dans une main ses livres, et dans l’autre ses bouteilles.

«La Fête n’est pas un spectacle de cirque, c’est une célébration de la vigne avec une note mystique qui rappelle la relation de l’homme à la nature»
Blaise Hofmann

Heureux mariage des plaisirs du corps et de l’esprit! Viticulteur et auteur riment bien: «ébourgeonner, effeuiller, rogner, désherber, égrapper, c’est en somme écrire», confie savamment ce petit-fils de paysans. La Fête des Vignerons réconcilie les origines terriennes de Blaise et son métier d’écrivain: «Artistiquement, elle réalise ce vieux rêve de rassembler deux cultures antagonistes, l’art et le folklore», affirme-t-il.

Par «folklore», il ne faut pas entendre ici attraction touristique. «La Fête n’est pas un spectacle de cirque, c’est une célébration de la vigne avec une note mystique qui rappelle la relation de l’homme à la nature», explique notre interlocuteur. Il y a en effet un côté panthéiste dans cette célébration qui fait penser à la «Fête des vignerons» de Charles-Ferdinand Ramuz, un récit du terroir. Les traditions paysannes y brillent d’une lumière toute poétique.

400’000 spectateurs

Plus

Un millier de choristes, des centaines de musiciens, danseurs, gymnastes et 5000 figurants participeront à l’édition 2019 de la Fête. Les spectateurs (400’000 attendus) pourront assister en live au couronnement des vignerons-tâcherons (lire ci-dessous). «Ce sont des moments uniques», assure l’écrivain qui a suivi de près les préparatifs. Une première mondiale: le parterre LED de l’immense scène de l’arène. «Finzi Pasca et son équipe artistique ont voulu que les planches soient lumineuses et qu’elles reflètent aussi bien le décor que la silhouette des acteurs du spectacle», commente Blaise Hofmann.

Chaque édition est adaptée à son époque. Entre celle de 1999 et celle de cette année, il y a une évolution notoire qui se remarque dans différents domaines. D’abord la mixité. «Les femmes vigneronnes sont aujourd’hui beaucoup plus nombreuses qu’auparavant», constate Blaise Hofmann. Ensuite, les procédés agricoles «davantage axés sur la culture bio de la vigne». Les mentalités ont changé, les comportements aussi.

Les enfants aussi

Pédagogue, l’auteur raconte les enjeux de la célébration à un jeune public. Dans son ouvrage susmentionné «Jour de Fête», qui fait écho au spectacle de Finzi Pasca, il imagine une petite fille Jeanne, figurante, qui découvre le travail artistique le 16 juillet, 48 heures avant la Première. «Tous les soirs, je lis un bout de ce livre à mes filles de deux et trois ans», lâche Blaise Hofmann. Avant lui, aucun auteur n’avait songé à éclairer la lanterne des enfants sur la magie d’une manifestation deux fois centenaire. 

«Un tâcheron? C’est une exception dans notre économie; il s’agit en effet d’un ouvrier indépendant, un métier à mi-chemin entre l’employé viticole et le vigneron propriétaire. Le tâcheron est certes rémunéré «à la tâche», en fonction de la surface travaillée, avec un intéressement à la récolte, mais il engage lui-même son personnel, possède ses machines et gère tout seul son exploitation. Seuls bémols, il ne possède pas sa terre, et souvent ne vend pas son vin (…).

La Fête des Vignerons élira cette année entre trois et sept rois parmi 94 tâcherons (…). Ils seront répartis sur 25 communes, entre la ville de Lausanne et le canton du Valais».

Extrait de «La Fête» de Blaise Hofmann. Editions Zoé, Genève. 

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