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L’assistance au suicide, une option parmi d’autres

Chez Exit, les candidats au suicide reçoivent une dose de Pentobarbital, aussi connu sous le nom de Nembutal. Keystone

Alors que le nombre de personnes qui ont eu recours à l'aide au suicide a crû de 60% en Suisse ces cinq dernières années, les autorités cherchent à promouvoir les soins palliatifs. Une autre façon d'aborder la fin de vie et les peurs qu'elle suscite.

Les deux principales organisations pratiquant l’assistance au suicide en Suisse – Exit et Dignitas – ont permis à 560 personnes de mettre fin à leur vie en 2011. Cela équivaut à un tiers de tous les suicides comptabilisés dans le pays.

Le droit de choisir sa mort bénéficie du soutien d’une majorité de l’électorat, mais les modalités entourant cette pratique font débat. Le vote du mois dernier dans le canton de Vaud sur l’assistance au suicide dans les EMS en témoigne.

Les citoyens de ce canton francophone ont majoritairement voté en faveur d’une variante plus modérée, proposée par les autorités cantonales, qui autorise la pratique dans les résidences pour personnes âgées et les hôpitaux uniquement si la personne concernée souffre d’une maladie ou d’une blessure incurable.

Hormis cette nouvelle clause, le droit suisse se limite à stipuler que le patient doit accomplir l’acte lui-même et que les personnes qui l’assistent ne doivent pas être motivées par un intérêt personnel.

Peur de souffrir

Andreas Weber, un médecin spécialisé dans les soins palliatifs qui voit passer dans son service quelque 300 personnes par an, est particulièrement au fait des désirs et des besoins de ces patients. Il estime que 20 d’entre eux expriment à un moment ou à un autre le souhait de recourir à l’assistance au suicide. Seul un ou deux vont jusqu’au bout.

«La peur de souffrir et la crainte de devenir une charge pour ses proches ou de devoir se rendre en EMS sont les deux principales motivations derrière ce désir, a-t-il dit récemment lors d’un congrès à Zurich organisé par la Fédération mondiale des associations pour le droit à mourir dans la dignité. Pour un petit nombre de gens, il s’agit également de ne plus continuer à vivre ainsi.»

«Ces personnes font face à un dilemme: elles ne veulent pas fixer la date de leur départ trop tard, par crainte de souffrir inutilement, mais elles ne veulent pas non plus partir trop tôt et manquer des instants de vie précieux. Lorsqu’on prend le temps d’aborder ces deux craintes, le désir de mort s’en va souvent de lui-même.» Le service de soins palliatifs zurichois d’Andreas Weber leur assure l’accès à des anti-douleurs adéquats  jusqu’au dernier moment ou une sédation en cas de problèmes respiratoires. Le service propose aussi d’assister les mourants 24 heures sur 24 à la maison.

Plusieurs options

S’adressant aux participants au congrès, la ministre de la Justice Simonetta Sommaruga a souligné l’importance des soins palliatifs et a promis de promouvoir leur développement dans l’ensemble du pays. «Les personnes en fin de vie peuvent choisir l’assistance au suicide, mais elles peuvent aussi se tourner vers les soins palliatifs. Au moment de faire leur choix, elles doivent être conscientes des différentes options à leur disposition», a-t-elle dit.

Un généraliste présent dans la salle a relevé que les médecins n’étaient pas équipés pour affronter cette problématique et a appelé à mettre en place une formation obligatoire en soins palliatifs pour les médecins. Andreas Brunner, un procureur zurichois qui a pour habitude d’assigner en justice les cas d’assistance au suicide survenant dans son canton, s’est inquiété de voir cette pratique proposée à un public toujours plus large.

«Au départ, elle était destinée uniquement aux patients souffrant d’une affection incurable, puis on a élargi la définition pour inclure également les personnes très malades confrontées à des souffrances extrêmes, a-t-il détaillé. La notion qu’il fallait que les aînés affligés de douleurs en raison de leur âge puissent également en bénéficier s’est ensuite imposée et désormais on veut permettre aux personnes en bonne santé d’en profiter.»

Vide juridique

Le procureur a déploré le vide juridique régnant en Suisse, qui laisse une grande marge de manoeuvre aux organisations d’assistance au suicide. Il a appelé à légiférer dans ce domaine, rappelant qu’il n’existe aucune sélection, formation ou surveillance des personnes qui pratiquent cet acte.

«Les organisations d’aide au suicide n’ont pas l’obligation d’être à but non lucratif et de publier leurs comptes, a-t-il poursuivi. On ne leur demande pas non plus de conserver un répertoire détaillé des cas qu’elles ont traité. Cela ne veut pas dire qu’elles ne le font pas déjà de leur propre chef, mais la loi devrait les y contraindre formellement.»

«Le gouvernement a étudié toute une série de propositions et est arrivé à la conclusion en juin 2011 que la loi actuelle était suffisante pour prévenir les abus», a répondu Simonetta Sommaruga. Imposer des limites sur le recours à cette pratique entraverait massivement le droit à l’auto-détermination, a-t-elle précisé. «Le gouvernement veut éviter cela.»

Deux mondes

A quelques pas de là, dans une salle de classe louée, un petit groupe de militants anti-euthanasie et pro-vie ont tenu une contre-conférence de presse. «Le problème avec ces organisations, c’est qu’elle sont impliquées de façon directe et intentionnelle dans la mort de tierces personnes; elles leur fournissent les moyens, voire même des conseils, pour passer à l’acte, a expliqué à swissinfo.ch Alex Schadenberg du Conseil de prévention de l’euthanasie. Cela représente un pas en arrière en matière de protection de la personne.»

A l’autre extrémité du spectre, le médecin australien controversé Philip Nitschke a défendu devant les délégués du congrès ce qu’il appelle l’option Do-it-yourself. «Laissons de côté les aspects médicaux et légaux et donnons à chacun les informations et les technologies qui lui permettent de mettre fin à ses jours s’il le souhaite», a argumenté l’auteur du livre The Peaceful Pill.

La loi suisse autorise l’aide au suicide pour autant que la personne commette l’acte elle-même et que ceux qui l’assistent ne le fassent pas par intérêt personnel. Cette pratique est tolérée depuis les années 40.

Le décès survient en général suite à l’administration d’une dose mortelle de barbituriques prescrits par un médecin. Le geste qui mène à l’absorption du poison doit être effectué par la personne qui souhaite mourir. Ce dernier peut être bu, administré par perfusion ou ingéré à l’aide d’une sonde gastrique.

En 2006, le Tribunal fédéral a confirmé que toute personne dotée de discernement a le droit de décider de la manière et du moment de sa propre mort, même si elle souffre d’une maladie mentale. En juin 2011, le gouvernement a évalué plusieurs options pour mieux réguler la pratique de l’aide au suicide mais a décidé de ne finalement pas réviser la loi. A la place, il a choisi de mettre l’accent sur la prévention du suicide et les soins palliatifs.

En Suisse, deux organisations proposent leurs services aux personnes qui veulent mettre fin à leurs jours: Exit et Dignitas.

Les cantons suisses appréhendent l’assistance au suicide de façon très différente. En juin, Vaud est ainsi devenu le premier à introduire une loi qui réglemente explicitement cette pratique, tout en l’assortissant d’un certain nombre de limites.

Les habitants de ce canton francophone ont été 62% à se prononcer en faveur d’une proposition des autorités cantonales qui autorise l’aide au suicide dans les homes et les hôpitaux à certaines conditions. Le patient qui souhaite y recourir doit être affligé d’une maladie ou d’une blessure incurable et être doté de discernement.

Il revient au directeur de l’établissement ou au médecin-chef de déterminer si ces deux critères sont remplis. Pour Exit, ce type d’ingérence médicale est perçu comme «une entrave inacceptable à la liberté individuelle de chacun et une forme de paternalisme institutionnel».

(Traduction de l’anglais: Julie Zaugg)

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