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Le geste de l’aigle met en lumière la communauté kosovare de Suisse

Granit Xhaka
Granit Xhaka après avoir marqué un premier but contre l'équipe de Serbie le 22 juin. Keystone

L’aigle albanais mimé par des footballeurs suisses d'origine kosovare a suscité la controverse après la victoire vendredi en Coupe du monde de la Suisse sur la Serbie. Ils ont attiré l'attention sur les locuteurs albanais en Suisse, quatrième communauté étrangère du pays.

Que s’est-il passé ?

Les joueurs suisses Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri, dont l’origine ethnique albanaise est liée au Kosovo, ont suscité la controverse lors de leur dernière victoire sur la Serbie dans le Groupe E de la Coupe du Monde 2018, vendredi. Les deux hommes ont agité leurs mains ouvertes pour imiter l’aigle noir à deux têtes du drapeau albanais. Le capitaine Stephan Lichtsteiner a également fait le geste pendant le match. Interrogé sur son geste après le match, Shaqiri a déclaré: «Dans le football, on a des émotions. Vous pouvez voir ce que j’ai fait. C’était juste de l’émotion.»

Les deux joueurs ont fait l’objet d’une enquête par l’instance dirigeante du football, la FIFA. Ils ont écopé ce lundi d’amendes de 8660 euros chacun mais n’ont pas été suspendus.

L’équipe suisse de football a un passé migratoire très hétérogène – combien de personnes parlent albanais?

Sur les 12 milieux et attaquants sélectionnés, dix sont nés à l’étranger ou ont des parents qui ont émigré en Suisse.

Xhaka, Shaqiri et le milieu de terrain Valon Behrami – mais pas Lichtsteiner – sont originaires du Kosovo, une ancienne province serbe qui a déclaré son indépendance en 2008. La Serbie ne reconnaît pas cette indépendance, de même que l’ONU et 34 autres Etats. Un quatrième joueur suisse, Blerim Dzemaili, est né à Tetovo, une ville albanaise située à la frontière entre la Macédoine et le Kosovo.

Shaqiri est né au Kosovo, mais sa famille a fui le pays déchiré par la guerre vers la Suisse lorsqu’il était bébé. Pour le match contre la Serbie, Shaqiri portait des chaussures agrémentées du drapeau de la Suisse sur le talon gauche et du drapeau du Kosovo sur le talon droit. Behrami, qui a grandi dans le nord du Kosovo, s’est installé en Suisse avec sa famille dans les années 1990. Sur son mollet droit, Behrami affiche un tatouage de l’aigle albanais. Sur son bras gauche se trouvent les drapeaux du Kosovo et de la Suisse. Xhaka, dont la famille vient du Kosovo mais qui est né dans la ville suisse de Bâle, s’est également rependu sur les médias sociaux au sujet de son identité albanaise du Kosovo.

La politique ou la diversité ethnique de l’équipe de football suisse a-t-elle causé des frictions dans le passé?

Tant avant le match de vendredi qu’après le match, les entraîneurs suisses et serbes ont évité toute question ou remarque sur la nationalité ou la politique, insistant sur le spectacle sportif.

De fait, le débat sur la composition multiculturelle de l’équipe suisse fait surface de temps en temps. En 2015, Stephan Lichtsteiner a donné une interview dans laquelle il qualifiait la composition de l’équipe nationale de juste, équilibrée et formant bon mélange: «Il ne s’agit pas d’avoir de “vrais Suisses” ou “d’autres Suisses”, mais une équipe à laquelle le peuple suisse peut continuer à s’identifier». Samedi, après le match contre la Serbie, il a défendu le geste de l’aigle, blâmant la pression et les provocations contre les joueurs suisses. «Il faut être un peu plus intelligent et comprendre l’histoire qui est la leur», a-t-il déclaré au journal Le Matin.

En plus de quelques Serbes, les gestes de l’aigle ont aussi irrité une poignée de politiciens suisses, dont Natalie Rickli du parti de droite UDC.

«Je ne peux pas vraiment être heureuse. Les deux buts n’étaient pas pour la Suisse, mais pour le Kosovo. Si l’équipe nationale du Kosovo gagne un jour, je serai heureuse pour eux, mais à la Coupe du Monde, nous jouons et nous nous retrouvons derrière la Suisse», a-t-elle twitté.

Contenu externe

Combien de locuteurs albanais vivent en Suisse?

L’Office fédéral de la statistique indique qu’en 2016, il y avait environ 260’000 albanophones en Suisse, qui compte 8,4 millions d’habitants. Les diverses populations du Kosovo, de Macédoine, d’Albanie, de Serbie et du Monténégro forment la quatrième communauté étrangère en importance, derrière les Italiens, les Allemands et les Portugais.

Quelle est l’histoire de l’immigration en Suisse par des locuteurs albanais?

La migration des Kosovars et autres albanophones des Balkans méridionaux vers la Suisse remonte au milieu des années 1960, lorsque les premières vagues de travailleurs saisonniers sont arrivées, suivies de leurs familles dans les années 1980.

A partir de la fin des années 80 et tout au long des années 90, l’aggravation de la situation politique puis la guerre des Balkans a entraîné un afflux de milliers de réfugiés en provenance de l’ex-Yougoslavie, avec un pic à 30’000 en 1999.

Selon le Secrétariat d’Etat à la migration, la plupart des demandeurs d’asile du Kosovo sont rentrés chez eux après le conflit et la population résidente est maintenant composée principalement d’anciens travailleurs saisonniers, de membres de leur famille proche et de descendants nés ou ayant grandi en Suisse. Plusieurs milliers de personnes arrivent encore chaque année du Kosovo dans le cadre du droit au regroupement familial.

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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