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Derrière les murs du Vatican

On dit que la garde pontificale est la plus petite armée du monde, mais aussi la plus photographiée. Fabio Mantegna

Une exposition de photos aux Musées du Vatican montre la vie de la Garde suisse derrière les uniformes et les drapeaux. L’idée est de présenter ce corps militaire – que l’on dit le plus photographié du monde – sous un autre jour que celui, bien connu, du grand public. 

 Le pape François a toujours voulu une Eglise catholique avec les portes ouvertes, sans personne barricadé à l’intérieur. La Garde suisse, en charge de sa sécurité, a aussi décidé d’ouvrir ses portes. Tout du moins pour une exposition de photos inédite à l’intérieur des Musées du Vatican. «La vie d’un garde suisse. Une vue privée» révèle les coulisses de ce corps militaire. 

Les images montrent les moments particuliers vécus par les gardes, loin du regard des touristes, derrière les murs du Vatican et dans le cadre de la vie privée de chacun d’entre eux. «Elles racontent une vie noble et ancienne, mais aussi la jeunesse d’un groupe de garçons au service du pape», déclare le directeur des Musées du Vatican Antonio Paolucci. 

Les photographies illustrent la routine de ces jeunes. «Nous ne voulons pas être des super héros ni être traités d’anges gardiens du pape, nous voulons effectuer notre service en silence, avec dévouement et humilité», a déclaré le commandant de la Garde suisse, Christoph Graf, lors de la présentation de l’exposition. 

«Ce n’est pas un service militaire normal. C’est un service au pape, pour l’Eglise et il faut avoir de l’amour pour les deux», a encore affirmé le commandant à swissinfo.ch, en marge de l’exposition. 

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L’homme derrière l’uniforme

Ce contenu a été publié sur «Etre garde suisse est une vocation. Il faut la foi et une conviction profonde pour effectuer ce service extraordinaire et noble», affirme le colonel Christoph Graf, commandant de la Garde suisse pontificale, créée en 1506 par le pape Jules II.  Ce 6 mai 2016, 23 nouvelles recrues prêtent serment. Cette date commémore la mort héroïque…

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Le travail est encore plus exigeant lorsque cela concerne une personnalité comme François, opposé aux protocoles rigides. «Le servir est toujours intéressant. Il ne suit pas toujours le protocole. C’est vrai que pour la sécurité, c’est parfois une difficulté supplémentaire, mais nous sommes habitués et c’est une belle chose. Il a besoin de sa liberté. Je crois qu’il l’apprécie beaucoup et nous voulons la lui garantir. En même temps, nous sommes responsables de sa sécurité et nous devons être attentifs de tous les côtés», a relevé le commandant. 

C’est une mission délicate et complexe, principalement en ces temps de menaces terroristes. «Je parle comme représentant de la Garde et il est clair que nous ne fermons pas les yeux face à ces menaces. Ces situations que nous voyons nous font très mal. Le pape condamne la violence, il est un constructeur de ponts, il veut aller en direction des autres religions. Nous voyons qu’il est possible de vivre ensemble de manière pacifique – les religions les unes à côté des autres – et nous y croyons», complète Urs Breitenmoser, sergent et porte-parole de la Garde suisse. 

Camaraderie 

Au salut de la Garde suisse, le pape François répond par un signe de la tête ou une poignée de main. Ces relations moins militaires et la possibilité de parler directement avec lui ont créé un fort élan de confiance entre l’héritier du trône de Saint Pierre et son armée. Les images de l’exposition immortalisent des moments de grande humanité et surtout de camaraderie entre les soldats du pape. 

Beaucoup de photos sont des instantanés de périodes de loisirs, de congé et aussi d’entraînement, en plus de cérémonies comme celle de la prestation de serment. Sur cette dernière, le photographe Fabio Mantegna a capturé, par exemple, le fils de Christoph Graf en train de mettre son casque. «J’ai photographié le fils qui utilisait le casque du père en souriant et en l’admirant, ayant l’air très heureux. J’imagine que, pour un enfant, voir son propre père habillé en commandant est très impressionnant. C’est une de mes photos préférées», confie le photographe. 

Le résultat final a même surpris les membres de la Garde. Ils ne voient presque jamais le résultat des photos «volées» par les touristes. «C’est un travail sur notre routine. Quand nous voyons ces photos, nous nous disons qu’il est beau de voir à quel point le travail que nous faisons est riche et varié, plein de beaux moments», souligne Urs Breitenmoser, membre de la Garde depuis presque 20 ans. D’autres images montrent des leçons d’italien, le sourire dans le réfectoire devant les religieuses françaises responsables de la subsistance, les bavardages des cadets durant leurs heures libres dans les jardins du Vatican. 

Les gardes ont été les premiers visiteurs de l’exposition. Certains d’entre eux apparaissent plusieurs fois. C’est notamment le cas de Benjamin Croiser, de Gimel, dans le canton de Vaud. «Ces photos possèdent un point de vue intéressant, car elle montrent le travail dans un monde d’art, d’histoire et de silence. Avant de venir ici, je voyais le garde comme une personne avec un air sévère, comme on les voit dans les églises», indique ce jeune de 23 ans. 

Le silence, le vide et la solitude sont aussi des personnages abstraits de ces œuvres de Fabio Mantegna. Des corridors interminables et escaliers sans fin gardés par des sentinelles immobiles. «On ne dirait pas, mais rester six heures debout, même si ce n’est pas une activité de surveillance, fatigue beaucoup. Nous travaillons six jours, puis suivent trois jours de réserve et de repos. Si le pape n’a rien de prévu durant ces trois jours, le garde peut sortir et visiter l’Italie ou rentrer en Suisse. Aujourd’hui, c’est mieux que de mon temps», commente Urs Breitenmoser. 

Réel et virtuel 

Le passage de la solitude la plus totale au bain de foule sur la Place Saint Pierre n’est parfois qu’une question de minutes. Le garde suisse doit apprendre à se confronter au public. Pour cela, il suit des cours de psychologie. «Cela demande une très grande flexibilité mentale et nous devons nous préparer, veiller à notre physique, bien dormir», affirme le sergent Urs Breitenmoser, qui apparaît sur l’une de photos, devant la papamobile sur la Place Saint-Pierre.

Risque d’isolement 

L’isolement est une menace insidieuse dans la Garde suisse. C’est notamment pour cette raison que ses membres n’ont pas le droit d’utiliser Internet et les téléphones portables à l’intérieur du Vatican, même durant les pauses. 

«Aujourd’hui, le jeune, durant son temps libre, a tendance à s’isoler. Les réseaux sociaux, ces jeux virtuels qui se connectent au monde entier, tout cela enlève un peu de la vie réelle de tous les jours. Pouvoir seulement lire et écrire active chez le garde la volonté de se confronter à un livre, à l’Histoire, à la culture et ensuite de visiter Rome, qui offre tant», explique Urs Breitenmoser, pour qui la convivialité entre gardes est fondamentale. 

Le garde Benjamin Croiser partage l’avis de son supérieur. «Nous avons les intérêts des jeunes de notre âge, mais je suis d’accord avec les restrictions technologiques. Cela nous fait perdre beaucoup de temps et nous passons à côté de choses de la vie dont nous devons profiter. L’interdiction nous aide à réfléchir et à donner de la valeur à d’autres choses, comme l’art qui nous entoure. Et surtout, elle nous donne la chance de réfléchir sur nous-mêmes.» 

Mais qui se cache derrière l’uniforme? Pour le commandant Graf, la réponse est claire: «de jeunes Suisses, catholiques, qui font des rondes et des prières, de la gymnastique et des cours d’italien, avec un âge moyen se situant entre 20 et 23 ans. «Nous avons presque chaque année un garde qui décide d’entrer au séminaire», affirme le commandant. 

(Traduction du portugais: Olivier Pauchard)

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