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Gauche et droite s’affrontent sur l’initiative du GSsA au National

L'initiative sur le financement du matériel de guerre, débattue dès mercredi au National, n'est soutenue que par la gauche, notamment la conseillère aux Etats Lisa Mazzone (2e depuis la droite). KEYSTONE/ANTHONY ANEX sda-ats

(Keystone-ATS) Le Conseil national a commencé mercredi l’examen de l’initiative populaire sur le financement des producteurs de matériel de guerre. Les débats ont principalement vu s’opposer la gauche, favorable au texte, à la droite dure qui ne veut même pas d’un contre-projet.

L’initiative du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) veut interdire le financement des producteurs de matériel de guerre dans le monde. Les fondations et les institutions de prévoyance ainsi que la Banque nationale (BNS) ne pourraient plus financer les entreprises réalisant plus de 5% de leur chiffre d’affaires annuel avec ce matériel.

L’octroi de crédits, de prêts et de donations ainsi que la prise de participation et l’acquisition de titres figureraient parmi les types de financements interdits. Le texte demande par ailleurs que la Confédération s’engage afin que les banques et les assurances soient soumises à des conditions analogues.

Déjà une interdiction

Seule la gauche et le PEV soutiennent l’initiative. Tous les autres groupes se sont alliés pour la critiquer.

La Suisse dispose déjà d’une interdiction de financement des armes nucléaires, biologiques et chimiques, ainsi que des armes à sous-munitions et des mines antipersonnel, a rappelé Thomas Hurter (UDC/SH). “Les réglementations actuelles sont suffisantes”. De plus, la Suisse représentant un marché trop petit, “l’initiative ne rendrait pas le monde plus pacifique”.

S’en prenant aux initiants, Jean-Luc Addor (UDC/VS) a souligné que le GSsA a déjà échoué devant le peuple en 2009. Son initiative, qui voulait interdire les exportations de matériel de guerre, avait alors été rejetée par 68,2% des votants. Avec son nouveau texte, le GSsA cherche à atteindre les mêmes résultats: “la mort ou la délocalisation de fleurons de notre économiques”.

Pour la droite, l’objectif de l’initiative n’est en outre pas réalisable. “Le texte est trop ouvert et mal formulé. Il ne pourrait pas être appliqué tel quel”, a jugé M. Hurter. La limite des 5% est impossible à vérifier.

PME en danger

Critiquant un seuil arbitraire et une ingérence politique dans les affaires de la BNS, Jacqueline de Quattro (PLR/VD) a soulevé que de très nombreuses entreprises seraient concernées, y compris celles qui produisent des biens civils ou à double usage.

“L’initiative est disproportionnée”, a abondé Sidney Kamerzin (PDC/VS). “Une entreprise qui fabriquerait des tôles, des assemblages ou des roues pour des véhicules utilisés par des forces armées ne pourrait plus obtenir de crédits.” Un tel texte reviendrait à “étouffer notre économie et nos PME”.

“Les PME ont d’autres sources de financement que la BNS et les caisses de pension”, lui a répondu Fabien Fivaz (Verts/NE). Il a par ailleurs souligné que le texte “ne changera rien pour les caisses de pension qui suivent déjà les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)”. La limite de 5% est déjà standard pour les critères ESG, a souligné quant à elle Brigite Crottaz (PS/VD).

Crédibilité en jeu

“Il est inadmissible que la BNS fasse de l’argent” avec des investissements soutenant les producteurs de matériel de guerre, s’est encore insurgé M. Fivaz. “Il existe de nombreux autres indices boursiers tout aussi stables et profitables, voire même plus que les producteurs de matériel de guerre”, a noté sa collègue de parti Léonore Porchet (VD).

“Il en va de la crédibilité et de l’image de notre pays”, a avancé de son côté Pierre-Alain Fridez (PS/JU). “La Suisse ne peut pas à la fois promouvoir la paix et financer les producteurs de guerre”, a ajouté Denis de la Reussille (POP/NE).

Les Suisses veulent avoir un droit de regard sur les investissements faits avec leur argent, ont avancé plusieurs orateurs de gauche. “Ils ne veulent pas qu’il serve à produire des armes”, a lancé M. Fridez. Et Mme Porchet d’ajouter: “Nos retraites ne doivent pas être financées sur la mort de civils”.

Contre-projet soutenu par le PVL

S’ils rejettent l’initiative, les Vert’libéraux se joignent au camp rose-vert pour soutenir un contre-projet. “L’initiative reflète une volonté populaire pour des placements plus éthiques”, a soulevé Katja Christ (PVL/BS).

“La législation actuelle comprend des lacunes qu’il faut combler”, a poursuivi la Bâloise. Il faut étendre l’interdiction des financements indirects et augmenter la transparence, a soulevé François Pointet (PVL/VD). Le texte n’a toutefois que peu de chances de réunir une majorité. La Chambre du peuple donnera ses recommandations jeudi matin.

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