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Genève blanchit l’ancien milliardaire Nessim Gaon

La procédure contre Nessim Gaon avait été ouverte en 1993. Keystone

Daniel Zappelli, procureur général de Genève, a classé définitivement la procédure pénale ouverte en 1993 contre l’homme d’affaires Nessim Gaon.

Pour l’avoir injustement accusé de «gestion fautive» et de «banqueroute frauduleuse» pendant 11 ans, l’Etat de Genève risque de devoir lui verser un demi-milliard de francs.

Daniel Zappelli a fait coup double mardi 14 septembre en classant «l’affaire Gaon», du nom de l’homme d’affaires Nessim Gaon, âgé aujourd’hui de 82 ans. Il a mis fin au plus mauvais feuilleton judiciaire du canton, et il a jeté un pavé dans le jardin de son prédécesseur, Bernard Bertossa.

Depuis son élection, la stature de son prédécesseur lui fait terriblement ombrage. Sans mettre en cause les méthodes de Bernard Bertossa, Daniel Zappelli a tout de même cherché à prouver que ce dernier avait tout faux dans ce dossier.

Et qu’en conséquence, le contribuable genevois risquait de payer une facture particulièrement salée: Marc Bonnant et Michel Halpérin, les avocats de Nessim Gaon, évoquent ces années de «souffrances et de paralysie commerciale», évaluant le préjudice à 500 millions de francs.

L’affaire est à la dimension du personnage. Fondateur en 1957 de la Compagnie Noga, spécialisée dans le commerce d’arachides décortiquées et d’huile de grains de coton, Nessim Gaon se retrouve dans les années 80 à la tête d’un empire dont le chiffre d’affaires est estimé à 4 milliards de francs.

Le chantage de l’expert

Patron du Noga Hilton, le plus grand palace de Suisse, Nessim Gaon est l’un des premiers hommes d’affaires d’Europe à voler au secours de la nouvelle Russie au début des années nonante. Mal lui en a pris; Moscou lui laisse une ardoise estimée à 680 millions de dollars.

C’est le début de ses ennuis financiers. Plusieurs de ses sociétés, notamment immobilières, prennent l’eau. La première procédure contre Nessim Gaon pour gestion déloyale est ouverte en septembre 1993.

Mais la machine judiciaire se grippe. Pour enquêter sur l’empire Gaon, le procureur Laurent Kasper-Ansermet fait appel à un curieux expert, P.C., qui rend un rapport particulièrement à charge contre Nessim Gaon en janvier 1995.

Plus grave encore, cet étrange personnage, déjà impliqué dans l’affaire Dorsaz en Valais, va tenter de faire chanter le milliardaire genevois. P.C. a finalement été condamné à six mois de prison avec sursis pour instigation à extorsion et chantage en 2002.

Des bavures impardonnables de la part de la justice genevoise. Le procureur Daniel Zappelli a donc classé définitivement la procédure pénale ouverte à l’encontre de Nessim Gaon.

Ce dernier, malgré plusieurs jugements en sa faveur, n’a jamais pu récupérer un seul centime sur la créance russe. L’empire Gaon, qui a notamment perdu son fleuron, le Noga Hilton, n’est plus que l’ombre de lui-même.

Le Palais de justice de Genève a donc enterré toute «l’affaire Gaon», et notamment certains dossiers un peu curieux, qui n’étaient pas liés au dossier russe.

Ainsi, en 1995, Nassim Gaon avait fait détruire une bâtisse du XVIIIe siècle à Genève, affirmant qu¹il allait construire «la Maison de l’Europe», un immeuble devant abriter toutes les ambassades des pays de l’Union européenne. Où en est ce projet ?

swissinfo, Ian Hamel

– Nessim Gaon fonde la Compagnie Noga en 1957.

– Dans les années 80, Nessim Gaon est à la tête d’un empire financier estimé à près de 4 milliards de francs suisses.

– Au début des années 90, Nessim Gaon vole au secours de la nouvelle Russie. Au final, il perd près de 680 millions de dollars.

– C’est le début de ses ennuis financiers qui débouchent sur l’ouverture d’une procédure pénale contre Nessim Gaon en 1993.

– 14 février 2004, l’affaire Nessim Gaon est définitivement classée et l’ancien milliardaire est blanchi.

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