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La Suisse veut booster la Genève internationale

Christian Lutz

Genève assiste à l’éclosion d’une série d'initiatives censées améliorer le pilotage du monde au travers des organisations internationales. Les autorités suisses veulent renforcer l’attractivité à long terme de la «Genève internationale» face à la concurrence de villes comme Abu Dhabi ou Copenhague.

Première étape d’un vaste projet, la «Maison de la Paix» est inaugurée cette semaine avec, comme orateur de sa leçon inaugurale Kofi Annan. L’ancien secrétaire général de l’ONU est un ancien étudiant de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), le cœur du campus.

La Maison de la Paix  (200 millions de francs suisses) n’est pas le seul grand projet en la matière à Genève. Un nouveau centre de conférence et de réseautage s’est ouvert à proximité du Palais des Nations (siège européen des Nations unies). D’ici quelques années, ce Centre pour la coopération mondiale (Centre for Global Cooperation) doit permettre, entre autres, des discussions de coulisses entre acteurs internationaux.

Cela suffira-t-il pour maintenir le rôle international de Genève ? La question est ouverte. Mais les autorités fédérales et celles du canton de Genève s’y emploient. Elles espèrent que la Maison de la Paix deviendra un centre de référence pour les questions de paix, de sécurité et de développement. Le grand objectif est de renforcer l’attractivité de la Suisse en tant qu’Etat-hôte dans un contexte de concurrence internationale croissante.

Une compétition évoquée récemment par le politologue Daniel Warner dans son blog hébergé par la Tribune de Genève : «Les rénovations des bâtiments destinés à abriter des organisations internationales sont nécessaires pour maintenir l’essor de la Genève internationale (…) d’autres villes sont en train ou vont essayer d’attirer des organisations basées à Genève avec des offres séduisantes de relocalisation. Il y a une vraie concurrence. Le coût élevé de la vie en Suisse, le franc fort et le réseau de télécommunications rendent Genève moins compétitive.»

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Cartographie de la Genève internationale

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L’avenir

Daniel Warner insiste que le développement intellectuel de Genève est crucial. Un volet abordé par le document stratégique du gouvernement intitulé La Genève internationale et son avenir, qui détaille la nécessité de développer les points forts intellectuels de la ville et ses projets d’infrastructure.

L’un d’eux, la Maison de la Paix,  est un bâtiment de verre formé de 6 pétales. Les deux premiers abriteront l’IHEID, fondé il y a 85 ans et fréquenté par 850 étudiants.

Le complexe abritera aussi le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées, le Centre de politique de sécurité et le Centre de déminage humanitaire, des organisations actives dans la résolution des conflits et prises en charge par le gouvernement suisse. Courant 2014, s’installeront des organisations centrées sur la paix, le développement et la sécurité.

En 1863 est fondé l’actuel Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

En 1872, l’arbitrage dit «de l’Alabama», mené à Genève, aboutit à la première solution pacifique d’un différend entre Etats qui oppose les Etats-Unis au Royaume-Uni.

Lors de la Conférence de Paris de 1919, Genève est désignée comme siège de la Société des Nations (SdN). La ville devient le lieu privilégié de rencontres politiques au plus haut niveau. De nombreuses organisations internationales se créent ou s’installent à Genève.

A l’issue de la Seconde Guerre mondiale (1945), la ville devient le siège européen de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et accueille plusieurs de ses agences spécialisées.

En 1995, Genève accueille la naissance de l’Organisation mondiale du commerce (OMC/ indépendante de l’ONU).

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Position stratégique

La Maison de la Paix se situe dans le quartier international de Genève à proximité du siège européen des Nations unies.

«Rassembler tout le monde sous un même toit permettra de créer une dynamique intellectuelle considérable», assure le directeur de l’IHEID. Une institution qui connait l’une des plus fortes concentrations de doctorants en Suisse, selon Philippe Burrin.

Ce qui devrait permettre à Genève d’attirer des chercheurs et des enseignants de classe mondiale, assure le directeur.

Pourtant, Xavier Comtesse, directeur du think tank Avenir Suisse, qui a participé aux réflexions des autorités suisses sur le sujet, exprime des doutes sur la Maison de la Paix : «Il n’y aura pas un véritable think tank, une proposition qui a disparu du plan initial. Le projet s’en tient au bâtiment, non à son contenu.»

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Dans les coulisses des organisations internationales

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Centre for Global Cooperation

Cela dit, la Maison de la Paix n’est pas le seul projet. Un Humanitarium  (centre de conférence et de réseautage high-tech pour les acteurs de l’humanitaire) a été inauguré au début du mois par le gouvernement suisse et le Comité international de la Croix- Rouge (CICR).

Une autre initiative importante de l’Etat-hôte qu’est la Suisse a pour nom Centre for Global Cooperation. Il doit investir le domaine du Château de Penthes – sur les hauts du quartier international de Genève – qui abrite actuellement le Musée des Suisses de l’étranger.

Le projet devisé à 50 millions  de francs est piloté par l’IHEID et l’Université de Genève. Ce centre est conçu pour aider à positionner Genève comme «lieu de réflexion et d’expertise sur les questions mondiales».

Daniel Burrin estime que le nom du centre est trompeur, car l’idée est de créer un endroit comme le centre de conférence de Wilton Park en Grande-Bretagne, un lieu qui pourrait accueillir des négociations internationales et des arbitrages à huis clos, ainsi que des séminaires d’experts. Le nouveau complexe n’est pas prévu avant 2020.

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Face aux guerres, l’ONU, faute de mieux

Ce contenu a été publié sur Les horreurs de la Seconde Guerre mondiale sont à l’origine de l’ONU. La crise internationale autour de la Syrie rappelle sa centralité. Tant Washington ou Paris pour leur projet d’opération punitive contre Damas que Moscou pour la contrer se sont adossés au système des Nations unies. La Russie et la Chine brandissent le cadre strict établi…

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La régulation du monde

L’ancien ambassadeur suisse François Nordmann salue l’idée: «La réflexion générale sur l’avenir des organisations internationales, leur rôle et leur importance fait défaut. Un thème dans lequel la Suisse a besoin de s’impliquer pour aider à réformer le système des Nations Unies.»

Xavier Comtesse se demande, lui, s’il y a réellement besoin d’un endroit pour l’arbitrage et les négociations internationales à Genève. Celle-ci doit jouer ses atouts comme centre pour la gouvernance et la régulation du monde, selon lui.

Mais pour Daniel Burrin, «personne ne donnera de l’argent pour un think tank à Genève. Il suffit de regarder ce qui se passe à New York, Londres et Bruxelles.»

Une multitude d’acteurs

Avec les changements en cours dans la gouvernance mondiale, Berne souligne de son côté que la Genève internationale doit développer ses atouts pour maintenir sa position. C’est ce qu’explique Alexandre Fasel, ambassadeur suisse auprès de l’ONU à Genève: 

«L’une des caractéristiques du monde contemporain est que les Etats n’ont plus le monopole des relations internationales. Trouver des réponses à la plupart des défis – que l’on pense par exemple aux pandémies, à l’environnement ou à la cybersécurité – nécessite de faire appel à un grand nombre d’acteurs divers : Etats, ONG, monde académique et scientifique.

De nouvelles organisations internationales à géométrie particulière – comme le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme qui est financé en partie par le privé (la Fondation Bill et Melinda Gates) – se développent.

A Genève, on trouve une concentration particulièrement élevée d’acteurs de divers types et de diverses disciplines. Ce sont des forces qu’il convient de mieux mobiliser, mieux impliquer dans un travail de réflexion et d’action commune. »

Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand

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