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Grand Raid, les 20 ans d’une folle épopée alpine

Le Grand Raid, une course mythique pour les passionnés de vélo de montagne. Keystone

Pionnier des marathons VTT, le Grand Raid souffle ses 20 bougies cette année. Michel Seppey, président de la manifestation, retrace l'histoire d'une course qui met aux prises des milliers de concurrents sur les chemins les plus exigeants des Alpes valaisannes.

5430 mètres de montée et de descente abruptes à travers de majestueux paysages alpins, cent vingt et un kilomètres d’efforts intensifs sur des sentiers rocailleux, une logistique hors-normes pour assurer la sécurité et le ravitaillement de milliers de concurrents: vingt ans après sa création, le Grand Raid n’a rien perdu de son mythe.

Ce samedi, dès 6h30, ils seront plus de 3500 à s’affronter sur ce terrain hostile entre les stations valaisannes de Verbier et Grimentz. En 1990, Michel Seppey faisait déjà partie du comité d’organisation. Interview.

swissinfo.ch: D’où est venue cette idée un peu folle de créer une course VTT de plus de 120 kilomètres à travers les Alpes?

Michel Seppey: Cette idée a mûri dans la tête d’une bande de copains qui voulaient refaire le parcours de la Patrouille des Glaciers (ndlr: l’une des plus grandes courses de ski-alpinisme en Europe) en vélo tout terrain. Mais on s’est vite rendu compte que ce n’était pas réalisable en un jour. Nous avons donc opté pour un parcours inversé et raccourci, reliant Verbier à Grimentz.

swissinfo.ch: Quels souvenirs gardez-vous de la première édition du Grand Raid?

M.S.: Nous attendions 300 concurrents et nous avons reçu près de 700 inscriptions. Ce fut une grande surprise. Malgré la préparation, nous partions un peu dans l’inconnu. Il y a 20 ans, le VTT vivait ses premières heures et nous étions à peine tolérés sur les sentiers pédestres. Il a d’ailleurs fallu imposer le portage de vélo sur certains secteurs.

swissinfo.ch: Avez-vous le sentiment de faire partie des pionniers du VTT?

M.S.: Assurément. Ce n’est pas pour rien que le Grand Raid est surnommé «la mère des courses marathon». Lancer des centaines de concurrents sur des tronçons de montagne totalement inaccessibles par voie terrestre, c’était un formidable défi à l’époque. Cela nécessitait et ça nécessite d’ailleurs toujours une logistique phénoménale. Mais avant tout, ce sont les 1200 bénévoles qui font depuis le début le succès de la manifestation. Vingt ans après, 90% d’entre eux sont d’ailleurs toujours là!

swissinfo.ch: Quelles sont les principales évolutions que vous avez pu observer en 20 ans?

M.S.: Au niveau de la sécurité, les interventions peuvent se faire beaucoup plus rapidement que par le passé. La communication a été totalement chamboulée. Pendant des années, nous avons dû mettre en place un très important réseau radio. Aujourd’hui, presque tout le monde possède un téléphone portable. Il arrive souvent qu’un concurrent en difficulté nous appelle et puisse même nous donner sa position GPS précise.

Quant aux vélos utilisés, ils n’ont pas grand-chose à voir avec ceux d’il y a 20 ans. Les premiers concurrents effectuaient le parcours sur des vélos en acier, sans suspensions et sans freins à disque. Le parcours était moins rôdé et de nombreux tronçons étaient totalement sauvages. Les efforts à fournir étaient beaucoup plus importants et le mérite d’autant plus grand.

swissinfo.ch: Cet esprit d’aventurier est-il encore présent 20 ans après?

M.S.: Le Grand Raid a naturellement beaucoup grandi et il est nécessaire de lutter contre une certaine routine. Dans les années à venir, nous allons notamment travailler sur des projets de modifications importantes du parcours afin de corser un peu plus la course. Nous avons en effet constaté que de nombreux concurrents ne revenaient plus après quelques éditions.

swissinfo.ch: La fréquentation a effectivement connu une baisse ces dernières années. L’avenir du Grand Raid est-il menacé?

M.S.: Le rapatriement de près de 1800 personnes en raison des chutes de neige au Pas de Lona, l’un des passages-clé de la course, lors de l’édition 2005, reste ancré dans les esprits. Les concurrents s’inscrivent désormais à la dernière minute, en fonction de la météo mais également de leur forme physique. Dans ces conditions, il est plus difficile pour nous de boucler le budget.

A l’heure actuelle, les concurrents paient 100 francs d’inscription, ce qui couvre un tiers des frais réels de participation. Ce montant devra être revu à la hausse dans le futur. Par ailleurs, de nombreuses autres courses de VTT ont fait leur apparition depuis 10 à 15 ans, notamment en Suisse alémanique, ce qui a un impact négatif certain sur le nombre d’inscrits au Grand Raid.

Désormais, chaque région organise sa propre course. Mais les stations traversées par le Grand Raid nous ont réitéré leur soutien, car cet événement international représente pour elles une formidable vitrine touristique. Nous allons tout mettre en œuvre pour assurer l’avenir de la manifestation.

swissinfo.ch: En 2006, le vainqueur du Grand Raid Daniel Paradis avait défrayé la chronique en refusant de se soumettre à un contrôle antidopage. Prenez-vous la problématique du dopage chez les amateurs au sérieux?

M.S.: Les instances suisses de lutte antidopage sont venues à plusieurs reprises faire des contrôles inopinées sur le Grand Raid. Nous soutenons entièrement ce genre de démarches. J’ai toutefois de la peine à imaginer que des coureurs amateurs puissent utiliser des produits illicites pour améliorer leurs performances.

Le vainqueur se voit remettre une modeste enveloppe de 3000 francs suisses. Les gens viennent pour la fierté de participer à une course mythique et non pour l’appât du gain. Aucune valeur ne justifie à mon sens de prendre des produits dopants et de courir le risque d’être mis au ban de la communauté du VTT. Mais nous ne sommes pas à l’abri de mauvaises surprises, qui peuvent rapidement entacher la réputation d’une manifestation comme la nôtre.

Samuel Jaberg, swissinfo.ch

19. Le nombre d’éditions disputées jusqu’à ce jour.

3500. Les coureurs inscrits pour cette 20e édition.

15. Les points de ravitaillement, où près de 1200 bénévoles assureront une assistance technique et médicale.

22. Le nombre de pays représentés au départ, ce qui en fait la manifestation du genre la plus internationale de Suisse.

6h17’16. Le record du parcours établi par le Français Thomas Dietsch en 2007.

7h29’54. Le record féminin établi par Andrea Huser en 2004.

121. Les kilomètres parcourus par les «cracks» du VTT entre Verbier et Grimentz. Il existe deux autres parcours un peu plus courts: Hérémence-Grimentz (68 km) et Evolène-Grimentz (41 km).

1’000’000. Le budget de la manifestation, dont le tiers environ est couvert par les frais d’inscriptions.

Que ce soit à pied, à ski ou à vélo, les courses de montagne se sont multipliées ces dernières années en Suisse. Chaque été, des dizaines de milliers d’amateurs d’efforts et de paysages splendides viennent déverser leur sueur dans les Alpes suisses.

Parmi les courses à pied les plus anciennes et les plus réputées, on trouve Sierre-Zinal, qui vient de fêter sa 36e édition. D’autres courses, comme le Swiss Alpine Marathon (24e édition), les marathons de la Jungfrau (17e édition) et de Zermatt (9e édition) connaissent également un grand succès.

En ce qui concerne les courses de VTT, le Grand Raid détient la palme de la longévité (20 ans) et du nombre de participants. Mais de nombreuses autres courses, comme le Nationalpark Bike-Marathon (8e édition) ont vu le jour ces dernières années.

La Patrouille des Glaciers, organisée tous les deux ans par l’armée suisse depuis 1943, est la plus importante compétition de ski-alpinisme du pays.

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