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Hani Ramadan piégé par la loi scolaire genevoise

Hani Ramadan s’engage régulièrement et publiquement pour la défense de ses convictions religieuses. Keystone

Le gouvernement genevois licencie l'enseignant d'origine égyptienne. Ses propos sur la charia, parus dans Le Monde, lui avaient déjà valu une suspension.

A Genève, on se montre très strict sur la laïcité de l’enseignement. Hani Ramadan fera appel.

Titulaire d’une triple licence et d’un doctorat ès lettre et philosophie de l’Université de Genève, Hani Ramadan est citoyen suisse depuis 1983. Deux ans plus tôt, il avait commencé à enseigner le français dans un lycée de Meyrin (GE).

Mais Hani Ramadan est également, depuis 1995 le successeur de son père, Saïd Ramadan à la tête du Centre islamique de Genève, la plus petite des deux institutions religieuses et culturelles musulmanes de la cité de Calvin.

Bien qu’il n’ait pas été nommé officiellement à cette fonction, il est généralement considéré comme l’imam de sa communauté. C’est d’ailleurs lui qui dirige les prières du vendredi et qui célèbre les mariages religieux.

La goutte qui fait déborder le vase

Depuis les années 80, Hani Ramadan s’engage régulièrement et publiquement pour la défense de ses convictions religieuses. Une activité qui lui avait déjà valu quelques démêlés avec son employeur, le Département de l’instruction publique (DIP) de l’Etat de Genève.

Le 10 septembre 2002, le quotidien français Le Monde publie une tribune libre signée Hani Ramadan, qui va faire grand bruit.

Sous le titre «La charia incomprise», l’auteur s’attache notamment à démontrer que la lapidation des femmes ou des hommes adultères n’est pas aussi cruelle qu’on l’imagine. Il suggère également que le sida est un châtiment divin.

Pour le DIP, c’est la goutte qui fait déborder le vase. Le 11 octobre, Hani Ramadan est suspendu de son enseignement avec effet immédiat. Parallèlement, le gouvernement cantonal demande à l’ancien procureur Bernard Bertossa d’enquêter sur l’affaire.

Deux raisons suffisantes

Le rapport de l’ancien magistrat a été rendu la semaine dernière. On peut notamment y lire que personne n’a rien trouvé à redire sur l’enseignement qu’Hani Ramadan dispense à ses élèves, même si certains trouvent leur prof «trop sévère».

Par contre, l’ex-procureur relève au moins deux raisons qui justifient le licenciement du professeur.

La première repose sur l’article 120 de la Loi sur l’instruction publique, qui autorise l’accès à l’enseignement aux seuls laïcs. Selon Bernard Bertossa, la fonction d’imam exercée par Hani Ramadan le met donc dans l’illégalité.

De plus, «en soutenant des opinions clairement opposées aux valeurs que l’école publique a pour mission de défendre et de transmettre», Hani Ramadan a, toujours selon Bernard Bertossa, «manqué à son devoir de fidélité.»

Recours annoncé

«Je me battrai pour mes droits» déclare pour sa part Hani Ramadan, dans une interview parue jeudi matin dans le quotidien valaisan Le Nouvelliste. L’enseignant y conteste les conclusions du rapport de Bernard Bertossa et affirme que celui-ci contient «bien des inexactitudes.»

Hani Ramadan refuse notamment de se voir qualifier d’ecclésiastique. «En tant que musulman, je ne sais pas ce que cela veut dire. Je ne suis pas un homme de religion, je suis directeur d’un centre islamique», ajoute le professeur licencié.

Hani Ramadan précise également qu’il est prêt à aller jusqu’au Tribunal fédéral. Joint au téléphone par swissinfo, il s’est borné à confirmer cette dernière déclaration, mais a refusé d’y ajouter le moindre commentaire.

swissinfo/Marc-André Miserez

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