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Humain téléphone maison

Sam (Rockwell) en mauvaise posture lunaire.

C'est le film «Moon» de Duncan Jones - fils de David Bowie - qui a ouvert mardi soir le Festival du film fantastique de Neuchâtel. En guise de prémices à la déferlante de frissons à venir, un film de science-fiction plutôt stylé. Pour ne pas effrayer les politiciens?

Il avait hérité d’un prénom de science-fiction: Zowie. Il faut dire qu’à l’époque de sa naissance, son père, né David Jones, jouait de la schizophrénie scénique avec le personnage futuriste de Ziggy Stardust, enterré deux ans plus tard.

Est-ce grâce aux frasques de papa que Zowie Bowie, devenu de façon plus respectable Duncan Jones, s’est mué en accro de science-fiction, au point de consacrer à ce genre son premier long-métrage?

On peut se rappeler en passant ce film étrange, «The Man Who Fell to Earth» de Nicolas Roeg, où David Bowie tenait le rôle d’un extra-terrestre tombé sur la planète Terre…

Là, c’est l’histoire d’un Terrien envoyé sur le satellite Lune que nous propose Duncan Jones. Et cela, jolie coïncidence, alors que la Nasa vient de procéder, le 18 juin dernier, au lancement de deux sondes lunaires, dans la perspective d’un retour des Américains sur la Lune, à l’horizon 2020.

Sam & Gerty

Sam Bell (Sam Rockwell) vit sur la lune. Pour trois ans. Car s’est désormais là que se récolte l’énergie dont la Terre a besoin. Nous sommes donc dans un futur heureux où la notion de crise énergétique n’est qu’un vilain souvenir. Exit Yann Arthus-Bertrand et l’opération «Home», auquel les premiers plans de «Moon» font d’ailleurs penser.

Pour seul compagnon, Sam a un e-robot polymorphe répondant au nom de Gerty (la voix de Kevin Spacey), sorte de descendant de «HAL 9000», l’ordinateur du fameux vaisseau de «2001: L’Odyssée de l’espace». D’ici bientôt, Sam pourra quitter son poste et rejoindre la Terre, sa femme Tess et sa fille Eve. Il en rêve un peu plus chaque jour. Comme E.T., «téléphone maison».

Mais on s’en doute, un grain de sable va enrayer la machine. Et amener Sam à se poser moult questions. Qui est cet alter ego auquel il va soudain être confronté? La compagnie qui l’a envoyé à ce poste a-t-elle vraiment envisagé de le rapatrier un jour? D’ailleurs, a-t-il jamais été «envoyé» sur la Lune?

On se laisse prendre à l’histoire de Sam, et cela même si Duncan Jones n’emploie pas un déluge d’images virtuelles. Au même titre que Gerty évoque HAL 9000, la lune et les engins lunaires de Duncan Jones rappellent une science-fiction millésimée plutôt sixties ou seventies, conférant au film une forme quasiment classique. Guère de violence non plus. Et pourtant une vraie tension qui monte dans ce – presque – huis-clos. Et l’horreur d’une situation apparemment sans solution qui s’impose.

Pari intéressant que ce premier film de Duncan – Zowie – Jones, auquel il faut ajouter l’étonnante prestation de Sam Rockwell qui, non content d’être de tous les plans, y figure souvent doublement…

Centre de compétence

Comme pour toute ouverture de festival, cette première soirée de la 9ème édition du Neuchâtel International Fantastic Film Festival (Nifff) aura commencé par une succession de discours plus ou moins inspirés, allant de l’enthousiasme des organisateurs aux banalités parfois consternantes de politicien(ne)s peu au fait de ce que «cinéma fantastique» signifie.

Après la projection, rendez-vous est pris avec Philippe Gnaegi, conseiller d’Etat (membre de l’Exécutif du canton) récemment élu, chef du Département de l’éducation, de la culture et des sports.

Un ministre cantonal qui admet volontiers être plutôt économiste que spécialiste ès cinéma. «Honnêtement, j’apprends. Mais ce que je vois, c’est que le Nifff représente un enjeu pour Neuchâtel», dit-il, en parlant même du positionnement à venir du festival en temps que «pôle d’excellence pour le canton».

Une expression qui peut faire sourire fugitivement lorsqu’on pense à l’accueil que les initiateurs de la manifestation avaient parfois rencontré à son lancement – quoi, des films d’horreur et des machins de cannibales? Pourtant, on se souviendra que, l’année passée déjà, Nicolas Bideau, chef de la section cinéma de l’Office fédéral de la culture (OFC), parlait du Nifff en des termes similaires: «plate-forme de référence», disait-il.

«Il faut croire en l’utopie et en la créativité, ajoute Philippe Gnaegi. Un pôle d’excellence, cela veut dire pour moi un événement qui fait que Neuchâtel attire des gens d’autres horizons géographiques. Et puis il y a la dimension technologique de Neuchâtel – on peut penser notamment au pôle de la microtechnique, avec la venue de l’EPFL – qui peut s’associer au Nifff.

Quoi qu’il en soit, la période n’est pas rose pour les budgets en général et celui du canton de Neuchâtel en particulier. Or la culture fait en principe partie des secteurs qui, en période de crise, trinquent en priorité. Philippe Gnaegi a beau jurer vouloir «préserver la culture», le pourra-t-il?

«C’est vrai que les chiffres du canton de Neuchâtel ne sont pas réjouissants. Des économies se feront, c’est certain, mais je pense qu’il faut préserver le noyau fort, que ce soit de l’éducation, du sport ou de la culture. Et laisser de la place aux porteurs d’initiatives. En ce qui concerne le Nifff, je pense qu’il a une carte à jouer dans son développement national et international, en collaboration avec l’OFC. J’espère pouvoir vous dire dans deux ans que le Nifff s’est développé et qu’il est devenu une carte de visite du canton de Neuchâtel. Je suis donc convaincu que nous devons jouer cette carte».

Philippe Gnaegi a intérêt à respecter ses engagements… sinon, les vampires, morts-vivants, sorcières et autres goules du Nifff risquent de s’abattre sur le Conseil d’Etat. Aïe. Pas beau à imaginer.

Bernard Léchot à Neuchâtel, swissinfo.ch

Duncan Zowie Haywood Jones est né en 1971. Il est le fils de David et Angela Bowie.

Il grandit à Berlin, Londres et, en Suisse, sur la riviera lémanique.

En 1995, il obtient un «graduate» en philosophie au Collège de Wooster, études qu’il poursuit au Tennesse (USA), avant de suivre les cours de la London Film School.

En 2006, il réalise des films publicitaires pour la marque «French Connection», qui ne passera pas inaperçue.

Le tournage de «Moon» a eu lieu entre janvier et mars 2008. La Première du film a eu lieu en janvier 2009 au Sundance Film Festival (USA).

Le 9ème Nifff se tient du 30 juin au 5 juillet.

Le centre du festival est constitué par les trois salles du Cinéma Apollo (Faubourg du Lac 21). Les projections en plein air ont lieu au bord du lac, Quai Osterwald.

L’axe principal de la manifestation est le cinéma fantastique, accompagné de deux «axes complémentaires»: les cinémas d’Asie et les images numériques.

Parmi les sections du festival:
– Compétition internationale
– Projections en plein air
– New Cinema From Asia
– Courts métrages suisses
– Courts métrages européens

Et trois rétrospectives:
– William Castle, un illusionniste visionnaire
– Category III: la transgression made in Hong-Kong
– Sueurs froides: le cinéma de genre scandinave contemporain

Invité d’honneur: le réalisateur japonais Shinji Aoyama

Le symposium «Imaging the Future» (conférences et démonstrations consacrées aux liaisons entre arts visuels et nouvelles technologies) a lieu les 1er et 2 juillet au Théâtre du Passage.

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