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Jérusalem, des visions au lieu des illusions

Un Palestinien devant sa maison à Har Homa. Avec les constructions juives forcées dans le quartier occupé de Jérusalem ouest, beaucoup de Palestiniens ont été délogés. Keystone

Dialogue de paix en panne, construction de logements et colonisation, occupation israélienne sur la bande de Gaza: la situation semble sans espoir au Proche-Orient. Mais l’Institut suisse Lassalle poursuit son projet de paix.

Début décembre, le gouvernement américain de Barack Obama a changé d’attitude vis-à-vis d’Israël. Il a abandonné son exigence de nouveau moratoire sur la construction de logements et sur la colonisation.

En Suisse, l’Institut Lassalle, situé à Bad Schönbrunn, près de Zoug, ne se laisse pas impressionner par ce changement. «Jérusalem, ville ouverte pour apprendre la paix dans le monde», est le plus important projet de cet institut dédié à l’éthique et essentiellement ouvert aux cadres de l’économie et de la politique.

«La formulation de notre projet se base sur les plus anciennes traditions et visions de cette ville aux trois religions», explique Pia Gyger. Elle œuvre au sein de la communauté Katharina Werk de Bâle, qui s’engage «pour la réconciliation et la paix dans le monde» et a cofondé, en 1995, l’Institut Lassalle, auquel elle collabore toujours.

«L’espoir contre la disparition de l’espoir»

 

Début novembre, l’administration israélienne de Jérusalem a approuvé la construction de près de 1700 logements dans les quartiers occupés de Har Homa, Pisgat Zeev et Ramot. Début décembre, une nouvelle tranche de 625 logements obtenait le feu vert.

La vision d’une ville ouverte n’est-elle pas une illusion? «Avoir une vision claire, la volonté de l’accomplir et une mission politique réaliste n’est pas une illusion: c’est une démonstration d’espoir contre la disparition de l’espoir.»

Niklaus Brantschen, autre co-fondateur de l’institut, ajoute: «Un de nos plus importants partenaires sur place, Rami Nasrallah de l’organisation palestinienne International Peace and Cooperation Center (IPCC) a réussi à empêcher ces dernières années la destruction de 4000 maisons habitées par des Palestiniens. Il ne faut pas voir que ce qui ne fonctionne pas. Il faut aussi voir ce qu’on peut faire.»

Une conférence sur Jérusalem

 

Les deux Suisses se sont rendus récemment à Jérusalem pour y organiser une conférence intitulée «Jerusalem: The Global Challenge». Les partenaires étaient, outre l’IPCC, l’Institut israélien Futura-Institut (FI). La conférence a abordé des éléments d’urbanisme importants pour Jérusalem et pour les environs.

Pia Gyger a vu une ville dépressive et sans espoir. Les partenaires s’accordent donc sur un point: le fait même d’avoir pu organiser la conférence est un grand succès.

Réconciliation, un travail nécessaire

 

«Le travail de réconciliation entre Israéliens et Palestiniens est indispensable, explique Pia Gyger. Les deux parties sont traumatisées et blessées. Nous, les Européens, nous sommes ceux qui avons déclenché le traumatisme israélien.»

Deux idées reçues sont constamment propagées: Israël va de pair avec sécurité et Palestine avec occupation. «Mais même si cela est justifié, les gens doivent savoir qu’on n’avancera pas avec cela. Il faut autre chose et c’est, justement, la réconciliation.»

Selon Niklaus Brantschen, il est absolument indispensable que les Israéliens respectent le mot «honneur». «Pour les Palestiniens, pour les Arabes, l’honneur est quelque chose de très important. Mais quand on se trouve à un check point israélien, en route vers les territoires palestiniens, il semble que l’honneur du peuple palestinien soit systématiquement trop peu respecté.»

En Israël, en revanche, la vie individuelle, la vie du peuple, est tout à fait centrale. D’où le besoin de sécurité. «Mais les autres aussi veulent vivre. Et l’honneur de tous les êtres humains doit être respecté», affirme Niklaus Brantschen.

La plus haute priorité

 

Israël n’a de cesse de vouloir mettre la question de Jérusalem entre parenthèses dans les négociations de paix, parce que ses responsables exigent la ville comme capitale entière. Selon Niklaus Brantschen, «la question de Jérusalem devrait figurer tout en haut des priorités des négociateurs.»

La politique de constructions forcées et l’éparpillement des territoires occupés rendent la solution du partage entre deux Etats de plus en plus improbable. Pourtant, elle reste la solution privilégiée par Rami Nasrallah, de l’IPCC, et par Shlomo Hasson, de FI. C’est ce qu’ils ont déclaré récemment à la télévision alémanique.

Une utopie? «Aussi longtemps que nos partenaires appellent de leurs vœux la création de deux Etats, avec une capitale pour deux peuples et trois religions, nous les soutenons», répond Niklaus Brantschen.

«Il y aussi, bien sûr, des gens qui souhaitent un Etat démocratique et séculaire, rappelle Pia Gyger. La revendication d’Israël de rester un Etat juif et exclusivement juif est un auto-goal. Il faut plutôt chercher de nouveaux modèles pour les religions.» 

Dimension spirituelle

«Ce ne sont pas nos réflexions rationnelles qui nous donnent la force de continuer, concluent les deux Suisses. Nous ne sommes pas naïfs. Nous tirons notre force de la dimension spirituelle qui nous dit qu’il vaut la peine de s’engager pour Jérusalem, la ville qui abrite les trois religions d’Abraham, non pas dans l’intérêt de la ville, mais dans l’intérêt de tout le Proche-Orient et du monde entier.»

Deux cités. En hébreu «Yerushalayim» («la paix apparaîtra»), en arabe Al Qods («la Sainte»), Jérusalem, ville de Palestine, capitale de la Judée édifiée à 800 mètres d’altitude à la frontière israélo-cisjordanienne, est composée de la ville moderne et de la vieille ville.

Population. La ville compte aujourd’hui près de 800’000 habitants.

1947. Lors du partage de la Palestine, les Nations unies placent Jérusalem sous statut international.

1948. Pendant la guerre d’indépendance, Israël conquiert la partie ouest de la ville, la partie orientale passant sous contrôle jordanien.

1950. Chef lieu du district de Jérusalem (Israël), la ville moderne (université hébraïque, centre d’études talmudiques) est depuis 1950 la capitale déclarée de l’Etat d’Israël en dépit de la contestation de ce titre par les Etats arabes.

1967. Lors de la «guerre de six jours», Israël occupe Jérusalem-Est, peuplée alors uniquement de Palestiniens.

1980. Jérusalem est proclamée «capitale éternelle» par la Knesset, le parlement israélien.

Source: www.aidh.org

26 septembre, fin du moratoire sur la colonisation. Selon le président palestinien Mahmoud Abbas, Benjamin Netanyahu a «choisi les colonies plutôt que la paix».

Les Etats-Unis ont abandonné début décembre leurs efforts pour obtenir d’Israël un nouveau moratoire sur la colonisation dans les territoires occupés.

Déçus par l’administration Obama, les Palestiniens ont de facto enterré les dernières propositions américaines de relance du processus de paix, moribond, pour tenter à la place d’obtenir une reconnaissance internationale de l’Etat palestinien sur les frontières de 1967.

Sa stratégie en miettes, Hillary Clinton propose une nouvelle approche: des négociations indirectes sur les questions de fond (frontières, réfugiés, Jérusalem). Les négociations proposées par Mme Clinton sont «totalement inutiles sans termes de référence», a estimé le négociateur palestinien Nabil Chaath.

Source: AFP

(Traduit de l’allemand par Ariane Gigon)

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