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Un musée high-tech à la gloire des JO

Une sculpture pour accueillir les visiteurs. AFP

Le Musée Olympique de Lausanne rouvre juste à temps pour Sotchi après une rénovation qui a duré cinq ans et coûté 55 millions de francs. Un feu d’artifice technologique qui célèbre sans retenue la gloire des Jeux, mais fait aussi passer au second plan les polémiques qu’ils engendrent.

Dès la montée des marches qui mènent au musée depuis les rives du lac Léman, censée symboliser l’ascension du Mont Olympe, des images en provenance de cinq écrans géants assaillent le public. Face au lac, les athlètes éblouissent, au propre comme au figuré, tandis que les sculptures de grands artistes de notre époque dansent dans la lumière du parc, entièrement reconstruit pour l’occasion.

Aucun effet technologique n’a été épargné pour donner du mouvement olympique une image en prise avec son temps. Les trois thématiques choisies, «Le Monde Olympique», «Les Jeux Olympiques» et «L’Esprit Olympique» sont appelées à ancrer les Jeux dans la mythologie contemporaine.

Le mouvement olympique entend aussi faire de sa vitrine un des musées les plus visités au monde. L’approche muséale classique de ses débuts en 1993, où les Jeux et leurs champions étaient évoqués de manière chronologique, a été abandonnée au profit de thématiques en lien avec l’actualité et une interactivité à faire pâlir les adeptes des consoles de Jeux.

La visite du musée a été conçue comme un film, avec des scénarios distincts pour chaque sujet, a précisé le directeur Francis Gabet. Chacun des trois étages est voué à une grande thématique et soumise à l’interactivité constante du spectateur.

Interrogé par swissinfo.ch lors de l’inauguration officielle fin décembre sur son choix éditorial et le risque d’une saturation sensorielle, le maître des lieux a répondu: «Les gens viennent ici pour l’émotion: il faut faire ressentir la terre, la pelouse, l’excitation.»

«Nous avons une des plus riches bases de données visuelles au monde et les images sont suffisamment parlantes pour exister d’elles-mêmes et faire oublier la technologie», a-t-il affirmé.

Lausanne, sur les rives du lac Léman, est devenue ville olympique en 1915 lorsque le fondateur des Jeux modernes, le Baron Pierre de Coubertin, y a transféré le comité olympique.

Le nombre des comités olympiques nationaux s’élève à présent à 204, soit plus que le nombre de nations présentes aux Nations Unies.

«Le Monde olympique»

La visite débute avec des images en 3D qui permettent de revivre la Grèce antique et les premiers Jeux à Olympie. Un saut dans le temps débouche sur la création des Jeux olympiques modernes par le Baron Pierre de Coubertin, à la fin du 19e siècle.

L’imagerie est puissante, au point d’être parfois envahissante et même un peu kitsch, comme par exemple lorsque des gouttes de pluie descendent le long de la fenêtre de la pièce, agencée de meubles réels, où de Coubertin réfléchit.

Cet étage consacré au Comité olympique est clairement l’espace où ce dernier affirme sa propre importance. Sont présentés les grands hommes et les grands ouvrages qui ont fait sa réputation, les torches qui ont porté les flammes de chacune des éditions depuis 1936, les stratégies habiles qui, à ses yeux, ont permis aux Jeux de traverser l’histoire, parfois dans la douleur.

«L’aventure olympique appartient d’abord aux athlètes, mais il était important pour nous de montrer qu’ils ne sont pas seuls», a expliqué la conservatrice du musée, Frédérique Jamolli.

La section est également destinée à mettre en avant la créativité des architectes, designers, urbanistes et artistes qui ont façonné les Jeux. En revanche, les gouffres financiers qui en ont résulté, ainsi que la difficulté pour certains pays hôtes d’assurer l’entretien d’infrastructures souvent érigées à la hâte, ne sont nullement évoqués.

«Les Jeux olympiques»

La deuxième étape aborde les Jeux à proprement parler. C’est ici que sont enfin célébrés les athlètes sans lesquels les Jeux n’auraient pas lieu. A l’aide de clips documentaires et d’équipements utilisés, leurs exploits sont révélés. «C’est ici que la compétition est ressentie pour de vrai», lance la conservatrice.

Au centre de l’espace, une mosaïque géante d’écrans reproduit l’instant où les athlètes, toutes disciplines et nationalités confondues, se lâchent.

«Une telle technique d’immersion totale nous permet d’entrer dans la tête de l’athlète et de ressentir ses émotions», assure Frédérique Jamolli, alors que les mots «désir», «détermination» et «mon moment est venu» déferlent sur l’écran et que la musique s’emballe, comme l’accélération d’un bolide de course sur la ligne de départ. L’émotion est à son comble.

Le Musée olympique a été conçu par l’architecte mexicain Pedro Ramírez Vázquez, membre du comité olympique international, ainsi que par son collègue suisse Jean-Pierre Cahen. Ouvert en 1993, il a reçu en 1995 le titre de musée européen de l’année.

Après des travaux de rénovation d’une durée de cinq ans, dont deux ayant nécessité une fermeture au public, l’institution a été rouverte le 21 décembre 2013. Ce «lifting» a été réalisé par le bureau d’architecture lausannois Brauen & Wälchli.

L’espace réservé aux expositions (permanentes et temporaires) a presque doublé. Celui consacré à l’exposition permanente contient 300 écrans et 1500 objets iconiques.

Le campus olympique comprend un centre d’études olympiques et un centre de conférence, ainsi qu’une zone d’apprentissage pour les enfants.

«L’Esprit olympique»

La dernière section représente les coulisses des Jeux et passe en revue les ingrédients qui contribuent à former les champions. La physiologie, la psychologie et la nutrition des athlètes sont évoquées et des marques comme Findus ou Tesco n’échappent pas au regard du visiteur.

«Nous voulons démontrer que le mouvement olympique ne se résume pas aux Jeux, mais qu’il représente un miroir de la société», indique Frédérique Jamolli. Ses agissements parfois troubles, ainsi que ceux du monde du sport, ne sont cependant pas évoqués.

Qu’en est-il, par exemple, des substances illicites ingérées par certains athlètes, demande swissinfo.ch. Le sujet n’est plus tabou. Le problème est bien présent et n’a pas été occulté par le musée, affirment le directeur et la conservatrice.

«Mais, lorsque nous parlons de dopage, ce n’est pas pour dénoncer un athlète, mais pour parler du travail de l’AMA, l’Agence mondiale anti-dopage, et comment le fléau peut être combattu», relève Frédérique Jamolli.

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Flambeau présidentiel

Dans une orchestration habile des événements, le jour de la pré-inauguration du musée, Jacques Rogge, à la tête du comité olympique depuis 12 ans, a remis la clé de la présidence à son vice-président en place depuis 10 ans, Thomas Bach.

De nationalité allemande, l’ancien champion d’escrime et avocat a été élu président en septembre dernier. Et ce en dépit d’accusations d’affairisme à son égard, allégations qu’il a réfutées, comme celles le voulant trop proche des pays arabes.

Au moment de couper le ruban et de prendre la tête de l’organisation olympique, il affirmait: «Ce musée représente un des piliers de l’Olympisme».

Les polémiques qu’il devra affronter ne figurent pourtant pas au registre de la vitrine lausannoise: les droits des ouvriers de construction systématiquement bafoués, les droits des athlètes gays menacés par les lois homophobes récemment promulguées en Russie, l’agitation sociale au Brésil due aux coûts exorbitants cumulés pour le mondial du foot en 2014, suivi en 2016 par les Jeux Olympiques, la collusion présumée de juges olympiques dans certaines disciplines et le dopage de plus en plus sournois qui échappe aux contrôles.

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