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«Résignés et fatigués», les Grecs reconduisent Alexis Tsipras

Alexis Tsipras remporte une nouvelle victoire électorale, mais reste les mains liées face aux exigences des créanciers de la Grèce. AFP

Alexis Tsipras a gagné un nouveau pari dimanche en menant son parti de gauche radicale Syriza au pouvoir pour la seconde fois cette année. Contraint à former une coalition gouvernementale et sous pression de ses créanciers internationaux, le Premier ministre grec aura toutefois une marge de manœuvre étroite, estime la presse suisse de ce lundi.

«Bien sûr, l’enthousiasme de sa première victoire n’y est plus. Mais les électeurs semblent encore penser que voter Tsipras, c’est l’assurance d’un moindre mal», souligne la Tribune de Genève. Les frondeurs de Syriza, qui ont créé leur propre parti, n’ont pas su convaincre les nombreux Grecs décontenancés par les revirements du Premier ministre grec. Syriza remporte près de 35% des suffrages (36% au mois de janvier), contre 28% aux conservateurs de Nouvelle Démocratie.

Selon le Giornale del Popolo, «Alexis Tsipras a remporté sa seconde élection politique générale en l’espace de neuf mois grâce à un électorat fatigué et résigné». Un électorat grec «qui vote toujours moins pour des motifs idéalistes et des affiliations idéologiques, et toujours plus de manière pragmatique.» Dans ce contexte, la majorité des Grecs ne voit pas l’accord signé par Tsipras avec les créanciers au mois d’août «comme un choix irréversible, mais comme un moyen de gagner du temps (13 milliards d’euros ont déjà été versés) en vue d’un nouveau bras de fer prévu au mois d’octobre», analyse le quotidien publié à Lugano.

Pour l’éditorialiste du Bund et du Tages-Anzeiger, ce nouveau vote en faveur d’Alexis Tsipras prouve que les Grecs ont accepté dans leur grande majorité l’idée que leur pays ne pouvait être assaini qu’au sein de la zone euro. «Il n’y a plus d’espoir d’une solution rapide et facile à la crise de la dette. C’est pourtant ce qu’avait promis Alexis Tsipras aux Grecs, qui l’avaient élu Premier ministre au mois de janvier. Mais il leur a ensuite repris cet espoir. Il n’a pas mis fin aux mesures d’austérité. Au contraire, il les a poursuivies. Il a fallu sept mois à Tsipras pour désenchanter son pays».

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Large coalition?

Sans majorité absolue, Alexis Tsipras devra à nouveau gouverner avec les souverainistes des Grecs indépendants (ANEL). S’il voulait encore renforcer la coalition, il pourrait s’allier avec d’autres formations, comme le parti centriste To Potami, crédité de 10 sièges, ou le PASOK, le parti socialiste autrefois puissant, crédité de 17 sièges.

«C’est une bonne chose, car un parti ne peut pas à lui seul régler tous les problèmes de la Grèce, relève la Solothurner Zeitung. Surtout pas Syriza, une alliance de gauche déchirée par la lutte sur le programme d’austérité et de réforme. Mais la scission de l’aile gauche du parti pourrait à long terme profiter à Tsipras. Il a désormais l’occasion de ramener sa formation au centre-gauche de l’échiquier politique. Ainsi, d’un parti contestataire, Syriza pourrait se muer en parti populaire et attirer de nouveaux électeurs modérés».

Tsipras serait bien avisé de former une coalition aussi large que possible, estime quant à elle la Neue Luzerner Zeitung. «Le nouveau gouvernement n’a pas de temps à perdre. La Grèce devra adopter d’autres réformes dans les prochaines semaines. De cela dépendra le calendrier du nouveau plan d’aide. Si l’argent venait à manquer, la Grèce pourrait une nouvelle fois se retrouver en défaut de paiement. Le danger d’un Grexit n’est absolument pas écarté».

Marge de manœuvre étroite

Alexis Tsipras est un homme aux mains liées, estime de son côté La Liberté de Fribourg. «En conservant son poste de capitaine d’un bateau longtemps ivre, avant d’être remorqué par les créanciers internationaux – Union européenne en tête -, il n’aura d’autre choix que d’appliquer à la lettre le troisième mémorandum qu’il a signé et qui lui a valu le surnom de ‘traître de la nation’.»

Et le quotidien fribourgeois de détailler les mesures impopulaires qui attendent le Premier ministre: «Chef de chantier des réformes de l’économie grecque, il devra tailler dans les retraites, augmenter les impôts, accélérer le processus de privatisation… Sans parler de la préparation de la première revue des inspecteurs de la troïka (UE, FMI, BCE) en octobre, de la recapitalisation des banques en fin d’année avec en prime, la renégociation de la dette».

Même son de cloche dans la Neue Zürcher Zeitung (NZZ): «Le nouveau gouvernement aura une marge de manœuvre étroite, puisqu’il devra mettre en œuvre le programme d’économie et d’austérité sous supervision internationale. Le risque d’instabilité politique demeure.»

Socialement acceptable

Néanmoins, estime la Basler Zeitung, Alexis Tsipras peut utiliser «la deuxième chance» qui s’offre à lui pour «appliquer de manière socialement acceptable le programme d’austérité et de réforme qu’il a négocié avec les créanciers de la Grèce. Et pour lutter contre la corruption et l’évasion fiscale, ce que n’ont jamais réussi à faire les conservateurs». 

C’est également ce qu’espère la Regione Ticino, quotidien de Bellinzone: «La barre reste dans les mains de Tsipras, qui offre au moins un peu d’espoir de ne pas perdre de vue la partie la plus vulnérable des citoyens dans le très difficile exercice de navigation imposé par l’ultimatum des créanciers».

Le quotidien italophone veut néanmoins espérer que «le prix (idéologique mais également personnel) payé par Tsipras et accepté par la majorité relative des votants soit reconnu par ceux (à Francfort, Bruxelles, Washington et Berlin) qui sont en mesure de rendre moins amère et plus réaliste la cure administrée aux Grecs. Ainsi, la gauche radicale, de Podemos en Espagne à Corbyn en Grande-Bretagne, ne pourra que prendre acte d’un résultat qui impose le pragmatisme sans sacrifier l’objectif d’une Europe sociale». 

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