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L’été studieux des cracks du Cirque blanc

Daniel Albrecht espère faire son retour sur les pistes de Coupe du monde cet hiver. Keystone

En cette fin du mois de juillet, Didier Cuche, Lara Gut et Carlo Janka troquent déjà leurs tongs pour des souliers de ski. Entre les multiples sollicitations, la préparation physique et du matériel, l’été du skieur d’élite ne ressemble pas vraiment à une sinécure.

Dans la salle de fête d’un hôtel cinq étoiles de Saas-Fee, les flashs crépitent sans interruption. Les athlètes des cadres nationaux de ski alpin se présentent, en petits ou grands groupes, devant les objectifs. Skis sur l’épaule ou mimant une montée de téléski, enfilant tour à tour le maillot d’un groupe d’assurance ou d’un distributeur d’électricité.

Trois jours durant, les skieurs et skieuses d’élite suisses ont pris la pose pour les sponsors de la Fédération suisse de ski (Swiss-Ski). Dans la bonne humeur pour certains – Didier Cuche n’a pas manqué une occasion de faire le pitre – et avec un ennui – euphémisme – non dissimulé pour d’autres.

Carlo Janka, impassible vainqueur du général de la Coupe du monde, affiche une tronche d’enterrement sur les photos officielles de la saison 2010/2011. «C’est chaque année la même chose. Je ne vous cache pas que c’est pénible. Mais il faut bien faire ça pour les sponsors», lâche le champion grison, qui rêve certainement d’être téléporté 1500 mètres plus haut, sur le glacier de la station valaisanne, seul terrain où il apprécie véritablement de s’exprimer.

Nombreuses sollicitations

Succès oblige, les skieurs helvétiques ont été énormément sollicités depuis la fin de la saison qui s’est achevée début avril. Séances de dédicaces, journées de ski avec les clients des sponsors, réceptions officielles, inaugurations de centres thermaux, travail de promotion de sa propre image: loin des pistes, le vertige menace parfois.

«Je dois refuser énormément de demandes, avoue Carlo Janka. Je participe uniquement aux événements indispensables, sinon je n’arrive plus à me concentrer sur l’essentiel, à savoir le ski».

Champion olympique de descente, Didier Défago a également connu un printemps mouvementé: «Ma vie quotidienne est beaucoup plus remplie depuis ce titre olympique, sourit le Valaisan. Les demandes affluent, je ne peux pas satisfaire tout le monde. Car il est primordial pour moi de pouvoir consacrer du temps à ma famille durant cette période».

Le logo, nouvelle mode

Père d’une fille de trois ans et d’un garçon de quatorze mois, Didier Défago a néanmoins trouvé le temps, en collaboration avec sa société de management, de parfaire son image de champion. Tout comme Roger Federer (RF) et Lara Gut (LG), Didier Défago (DF) a désormais une marque à son nom. La griffe Défago servira d’identité visuelle, notamment en vue de la commercialisation de produits dérivés ou lors du lancement prochain d’une campagne de publicité pour des produits de soins.

Mieux se vendre pour engranger plus. Mais combien au juste? «Pas de commentaire», répond Défago. Le tabou n’est pas prêt d’être brisé. Les revenus annuels d’un skieur de la trempe de Didier Défago pourraient avoisiner le million de franc, estime-t-on à demi-voix dans le milieu.

Mieux vendre le ski alpin, ça passe aussi par une meilleure présence dans les médias. Mandatée par la Fédération suisse de ski (Swiss-Ski), une modératrice de la télévision alémanique a dispensé deux jours de cours sur la question à Saas-Fee. Des skieurs aguerris aux interviews comme Didier Cuche en étaient exemptés, souligne Diana Fäh, attachée de presse de la fédération. Mais pour les autres, pas question de se soustraire à l’exercice.

C’est le job

«Nous soutenons également les athlètes qui désirent prendre des cours de langue. Je me réjouis de voir les progrès de Carlo Janka en anglais. Mon souhait serait qu’il en aille de même avec le français afin de le rendre plus populaire en Suisse romande», affirme Diana Fäh.

A 19 ans, Lara Gut, quintulingue, connaît déjà parfaitement les rouages du métier de sportif d’élite. Très professionnelle, la Tessinoise ne tente pas d’échapper à ses obligations de représentation. «Ça fait partie du job. L’important, c’est de trouver un bon équilibre. Ce sont les sponsors qui nous font vivre».

Même son de cloche chez Dominique Gisin: «C’est nécessaire, mais j’ai parfois de la peine à garder le sourire. Jouer au golfe, signer des autographes, ça ne me dérange pas. Mais l’entraînement doit rester prioritaire».

Les travaux de Cuche

L’entraînement, on y vient. Car évidemment, pour le skieur d’élite, été ne rime pas avec oisiveté. Didier Cuche raconte: «J’ai eu droit à deux semaines tranquilles à la maison, où j’ai pu profiter de ma famille et de mes amis. Ensuite, direction Fuerteventura, pour une semaine de planche à voile, histoire de relancer la machine. Puis, retour dans les salles de musculation pour trois mois et demi de préparation physique. En raison d’un dos bloqué, j’ai dû effectuer un gros travail au niveau des abdominaux et des dorsaux. Ce n’était pas forcément le plus agréable pour commencer, mais indispensable pour que je puisse à nouveau soulever des poids en toute décontraction. La semaine dernière, j’ai remis pour la première fois les skis à Zermatt. C’est tout de même un peu frustrant de devoir quitter le bord du lac par 35 degrés».

Et le programme à venir s’annonce tout aussi chargé. Après avoir enfilé les piquets sur les glaciers de Zermatt et de Saas-Fee, les meilleurs skieurs du pays iront parfaire durant un mois leurs gammes dans l’hémisphère sud. Départ pour l’Argentine le 5 août pour ces messieurs, direction la Nouvelle-Zélande pour ces dames. Malgré les succès de l’hiver dernier, les athlètes devront mettre la main au porte-monnaie et financer eux-mêmes une partie du voyage. C’est le prix à payer pour affoler les chronos dès le 23 octobre à Sölden, date du coup d’envoi de la saison de Coupe du monde.

Samuel Jaberg, de retour de Saas-Fee, swissinfo.ch

Objectifs. Victime d’une terrible chute le 22 janvier 2009 à Kitzbühel, Daniel Albrecht prépare depuis une année et demie son retour à la compétition: «Mon but personnel est de retrouver les pistes de Coupe du monde cette année. Mais l’objectif plus réaliste, c’est d’y parvenir dans les deux ans».

Prématuré. Lucide, le Haut-Valaisan avoue avoir cru prématurément à son retour en piste. «L’année dernière, je clamais que tout allait bien. J’avais l’intention de revenir, mais c’était bien trop tôt. Actuellement, ça va beaucoup mieux. Il est cependant difficile d’évaluer à quel niveau je me situe. Beaucoup de travail m’attend encore».

Valeur. Après avoir lutté pour sa survie, Daniel Albrecht est déjà heureux de n’avoir plus aucune séquelle de son accident. Le reste, ce sera du bonus. «Un succès en Coupe du monde aurait dix fois plus de valeur qu’auparavant. Mais ce sera aussi dix fois plus difficile».

Retour à la vie. Lara Gut, qui a dû faire l’impasse sur la saison 2009/2010 en raison d’une blessure à la hanche, affirme quant à elle être en pleine possession de ses moyens. Et lorsqu’elle compare son sort à celui de Daniel Albrecht, la relativisation est aisée. «On ne pourra jamais comparer une hanche luxée à ce qu’a vécu Dani. Nous sommes très proches, il m’a raconté son retour à la vie. Il a dû tout réapprendre, il ne savait même plus comment on disait ‘papillon’.»

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