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L’«effet Fukushima» se fait aussi sentir à Zurich

Le socialiste Mario Fehr et le Vert Martin Graf font leur entrée au gouvernement zurichois. Keystone

Après Bâle-Campagne, c’est au tour de Zurich de compter un nouveau ministre écologiste dans son gouvernement. Au parlement, les Verts libéraux progressent au détriment des partis du centre traditionnel, annoncés par la presse comme les grands perdants des élections fédérales d’octobre.

Pour la première fois depuis 48 ans, un ministre sortant n’a pas été réélu lors d’élections cantonales zurichoises, souligne la Neue Zürcher Zeitung (NZZ). Dimanche, le directeur de la sécurité démocrate-chrétien (PDC / centre droit) Hans Hollenstein a en effet été évincé par le Vert Martin Graf.

Cette élection d’un Vert au gouvernement zurichois survient une semaine après celle d’Isaac Reber dans le demi-canton de Bâle-Campagne. De quoi évidemment y déceler pour la presse un effet de la catastrophe nucléaire de Fukushima, comme cela s’est également produit il y a peu dans le Land allemand du Bade-Wurtemberg.

Interrogé par le quotidien gratuit 20 Minuten, le politologue Louis Perron affirme: «Comme Isaac Reber, le Zurichois Martin Graf est un politicien établi et respecté au-delà des frontières partisanes. L’effet japonais a cependant apporté le souffle nécessaire dans le dos des deux candidats».    

Les Verts libéraux cartonnent

Mais davantage que le retour fracassant des écologistes au gouvernement, les éditorialistes analysent avant tout la forte progression des Verts libéraux et du Parti bourgeois démocratique (PBD / centre droit) au parlement cantonal. «Les Verts libéraux ont réitéré leur succès d’il y a quatre ans dans leur canton d’origine et envoyé un signal fort à six mois des élections nationales: ils ont progressé de 5,8 à 10,3% et occupent désormais 19 sièges au parlement», écrit la NZZ.

Le PBD, qui présentait pour la première fois des candidats à Zurich, est l’autre grand vainqueur de ces élections. Il obtient 3,5% des voix et six sièges au parlement. Comme dans d’autres cantons, souligne la NZZ, sa progression ne se fait pas au détriment de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), dont il est pourtant issu. «Ce sont le Parti libéral-radical (PRD / droite) et le centre traditionnel qui paient les pots cassés de la progression du PBD. Le plus durement frappé est le Parti démocrate-chrétien, qui outre son ministre perd un tiers des voix et 4 de ses 13 sièges conquis en 2007.»

Pour le correspondant de la Regione Ticino, la victoire des Verts libéraux, mais aussi du PBD, s’est faite «sans toucher aux voix du Parti écologique (les Verts), qui a maintenu intacte sa force électorale. (…) Ceci est imputable avec une forte probabilité aux peurs suscitées par le terrible accident nucléaire au Japon».

Une alternative au centre traditionnel

Comme d’autres journaux, le Tages Anzeiger refuse cependant de voir dans la progression des Verts libéraux un simple «effet Fukushima»: «Les Verts libéraux apparaissent depuis quelques années comme l’alternative fraîche et moderne au Parti libéral-radical. Les électeurs bourgeois se soucient également du réchauffement climatique et veulent une production énergétique écologiquement soutenable. Le PLR n’a jusqu’ici pas réagi à cette demande».

«Les Verts libéraux et le PBD ont profité du profil flou affiché par le PDC», écrit le Tages Anzeiger. «Comme à Bâle-Campagne il y a une semaine, le centre traditionnel est à la peine, alors que les Verts libéraux et le PBD profitent de leur fraîcheur», affirme pour sa part Le Temps.

Le journal francophone met également l’accent sur la volonté de changement manifestée par l’électorat zurichois: «Les électeurs veulent, dans le nom déjà, la promesse d’un vent nouveau. Voilà pourquoi les Verts libéraux, champions d’une marque à succès, s’envolent».

 

Moins de place au centre

Pour le PDC, la défaite est difficile à avaler. Interrogé par Le Temps, Markus Arnold, le président du parti cantonal, se montre fataliste: «Les anciennes forces, les libéraux et nous-mêmes, avons de la peine, paraissons trop vieillots. (…) Je pense que les citoyens veulent de nouveaux partis. C’est tout simple».

«Au centre, ça devient plus étroit. Et plus à droite», résume le journal de boulevard alémanique Blick. Plus polarisés, l’UDC et le Parti socialiste (PS) ont quant à eux gagné en stabilité.

A six mois des élections législatives fédérales, nombreux sont ceux qui déjà tirent des enseignements. «Un signal avant-coureur pour l’automne», prédit ainsi la Berner Zeitung. Les électeurs ne feraient plus confiance aux radicaux et aux démocrates-chrétiens, avec «leur vision politique trop étatiste et leurs structures encroûtées.» «Avis de tempête pour le centre traditionnel», titre pour sa part Le Temps.

 

Des soucis pour Schneider-Ammann

«Les Verts libéraux sont devenus des acteurs ancrés dans le camp bourgeois et ils vont également faire bouger le centre en automne. Toutefois, leur progression sera certainement moins importante qu’à Zurich», affirme pour sa part le Bund de Berne. En effet, à l’exception des Zurichois Martin Bäumle et Verena Diener, le parti manque encore de figures emblématiques au niveau national.

Les élections fédérales d’octobre auront également une incidence sur la composition du Conseil fédéral (gouvernement). Et le PLR, qui occupe encore deux des sept sièges sous la Coupole fédérale, peut déjà trembler. Le politologue Michael Hermann prédit dans La Liberté que «Johann Schneider-Ammann devra s’habiller chaudement cet automne, car les libéraux-radicaux ont de quoi se faire du souci pour les élections fédérales».  

Pour conclure, le Tages Anzeiger voit également un autre enseignement à tirer de ces élections zurichoises, plus inquiétant pour la démocratie que la simple équation politique: «Les électeurs du canton de Zurich se sont exprimés clairement contre la politique cantonale. Deux tiers des Zurichois sont restés à la maison sans se donner la peine de remplir leur bulletin de vote et de le glisser dans les urnes.»

Le directeur de la sécurité Hans Hollenstein (PDC) a fait les frais de l’élection du Vert Martin Graf au gouvernement zurichois. Autre nouveau venu, le candidat socialiste Mario Fehr a réalisé l’exploit de terminer en tête de l’élection avec 137’035 voix. Il succède à son collègue de parti Markus Notter qui ne se représentait pas.

Les autres élus sont les libéraux-radicaux (PLR) Thomas Heiniger et Ursula Gut, les représentants de l’Union démocratique du centre (UDC) Ernst Stocker et Markus Kägi ainsi que la socialiste Regine Aeppli. Le Conseil d’Etat (gouvernement) est désormais composé de deux UDC, deux PLR, deux PS et d’un Vert.

Au parlement, les vainqueurs sont les Verts libéraux (10,27% des voix) et le Parti bourgeois démocratique (PBD) (3,47%). Les premiers gagnent 10 sièges et passent à 19. Les seconds créent la surprise en entrant au Grand Conseil (parlement) avec 6 sièges.

Dans le camp des perdants, le Parti libéral-radical (PLR) (12,93%) chute de 6 sièges et passe à 23. Le Parti démocrate-chrétien (4,86%) perd 4 fauteuils. Il n’en compte plus que 9.

Premier parti du canton, l’UDC est freinée dans son essor. Le parti de droite conservatrice repasse sous la barre des 30% (29,63%) et perd 2 sièges (54 au total). Le Parti socialiste limite quand à lui les dégâts en ne perdant qu’un siège. Il passe à 35 mandats en se stabilisant à 19,32% des voix.

Les Verts restent la 3e force du canton avec 10,57%. Ils maintiennent leurs 19 sièges et se trouvent désormais à égalité avec leurs cousins Verts libéraux. La participation n’a atteint que 33,2%.

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