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L’année de la biodiversité est lancée en Suisse

Moritz Leuenberger, ministre suisse de l‘Environnement, a choisi de faire son marché pour illustrer combien la biodiversité touche tous les aspects du quotidien Keystone

Pour rattraper le retard qu’elle a pris en matière de biodiversité, la Suisse compte mettre les bouchées doubles. Outre un programme d’activités éclectique en 2010, elle devrait se doter d’une stratégie nationale soumise au Parlement début 2011.

Il existe en Suisse 911 sortes de poires. Mais quatre sortes seulement sont cultivées dans 90% des vergers. Pour ce qui est des ruisseaux et des rivières situés sur sol helvétique, 25% sont fortement endommagés, artificiels ou carrément mis sous terre. Et 0,8m2 de terrain cultivable disparaît chaque seconde en Suisse au profit de l’habitat humain.

Lançant le volet suisse de l’année internationale de la biodiversité un jour après la chancelière allemande Angela Merkel qui l’a fait lundi à Berlin, le ministre suisse de l’Environnement Moritz Leuenberger a souligné que la biodiversité était indispensable à de nombreux secteurs économiques, du tourisme à la pharma en passant par l’agriculture.

Il a également relevé qu’il était désormais nécessaire de donner un ancrage politique à la préservation de la diversité de la flore et de la faune, car «comme le réchauffement climatique, la biodiversité n’a durant longtemps pas été prise au sérieux en Suisse.»

Vers une stratégie nationale

Une manière indirecte de plaider pour la stratégie «Biodiversité Suisse» mise au point par ses services sur mandat du Parlement. Celle-ci contient un catalogue de mesures concrètes qui seront présentées au gouvernement d’ici cet été et qui devraient être traitées par les Chambres au début 2011.

Avec ce plan d’action, la Suisse veut pallier une lacune que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait pointée du doigt dans un rapport de 2007. Il contient les bases d’une utilisation durable des ressources et prévoit notamment la création de nouvelles surfaces de protection des espèces dont l’existence serait garantie de manière contraignante.

A la manière des ONG

Moritz Leuenberger s’est ensuite rendu sur la Place fédérale à Berne, où se tenait le marché. Entre les stands fleuris de bourgeons bio et les chalands surpris par cette rencontre ministérielle, il a pris l’exemple des pommes, dont les consommateurs apprécient la diversité, pour illustrer concrètement l’importance de protéger les espèces et les écosystèmes.

Au cours de cette année, quantité de manifestations – expositions, marchés, excursions, etc. – auront lieu en Suisse sur ce thème. Organisées par les administrations fédérale et cantonales, les associations de protection de la nature, les milieux scientifiques ou paysans ou encore les zoos, elles sont recensées sur le site «biodiversité.ch» crée par l’Office fédéral de l’Environnement (OFEV).

Partenaires de cette année de la biodiversité, plusieurs ONG l’ont quant à elles lancée à leur manière dans le hall de la gare de Berne. Le Forum Biodiversité Suisse, l’Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO), ProNatura, le WWF, l’Union suisse des paysans (USP) et l’association des zoos alémaniques «zooschweiz» ont remis des présents symboliques à la présidente de la Chambre haute Erika Forster, histoire de rappeler le rôle des politiciens.

«La biodiversité fait partie de notre quotidien. Boire un café au restaurant de la gare n’est pas anodin. Pour qu’on puisse choisir des forces et des goûts, il faut que la biodiversité soit respectée sur les hauts plateaux d’Ethiopie et dans les autres lieux où il est cultivé», a quant à lui relevé le sous-directeur de l’OFEV Willy Geiger. Et d’insister, devant une multitude d’enfants déguisés en animaux, sur l’héritage que constitue la biodiversité pour les générations à venir.

Objectif pas atteint

C’est que, jusqu’ici, l’impulsion en faveur de la biodiversité née dans l’enthousiasme au Sommet de la Terre de Rio en 1992 ne s’est pas vraiment traduite dans les faits. Au niveau mondial, près de 60% des écosystèmes sont aujourd’hui menacés. Et la biodiversité est en recul en Suisse et dans le monde.

L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’organisation de référence en matière de biodiversité, estime ainsi que près d’un quart de toutes les espèces vivantes, animales et végétales, pourrait disparaître d’ici le milieu du siècle sous la pression des activités humaines.

En cause, l’utilisation croissante des surfaces naturelles par l’homme, l’insuffisance de la qualité des écosystèmes, ainsi que l’augmentation de la pollution de l’air, de l’eau et du sol. Autant de facteurs que les ONG impliquées dans cette année de la biodiversité en Suisse ont identifiés et critiquent depuis plusieurs années.

L’ASPO par exemple, qui mène campagne pour la biodiversité depuis 2006, estime que la Suisse est loin de l’objectif. «Nous voulons plus de biodiversité en Suisse, et plus particulièrement dans nos agglomérations. Nous attendons du Conseil fédéral et du Parlement qu’ils arrêtent une stratégie efficace de biodiversité au nom de l’avenir de notre pays», réclame l’association.

Pour sa part, ProNatura se montre sévère quant à l’attitude politique de la Confédération dans ce domaine, estimant que le retard pris sur de nombreux pays européens devra être compensé par une action déterminée. Faute de quoi le chant du grillon, choisi comme signal sonore de l’année de la biodiversité en Suisse, pourrait se transformer en un triste chant du cygne.

Carole Wälti, swissinfo.ch

En 1992, au 3ème Sommet de la Terre de l’ONU qui s’est tenu à Rio, au Brésil, les pays ont signé une convention internationale sur la biodiversité.

Priorité. Celle-ci fait de la protection et de la restauration de la diversité du vivant une des ressources vitales du développement durable qui, à ce titre, constitue une priorité.

En 2001, lors du sommet européen de Göteborg, les pays de l’UE se sont fixé un objectif plus strict: arrêter le déclin de la biodiversité en Europe d’ici 2010, décrétée année mondiale de la biodiversité par l’ONU.

En 2002, les pays rassemblés sous l’égide de l’ONU au 4ème Sommet de la Terre à Johannesburg, en Afrique du Sud, se sont eux aussi engagés à agir pour tenter de freiner l’appauvrissement de la biodiversité.

En 2008, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement a annoncé la création d’un groupe intergouvernemental d’experts sur la biodiversité, sur le modèle du GIEC qui s’occupe du climat.

En 2010, deux grandes conférences de l’ONU concernant la biodiversité sont programmées.

En mars, la CITES, qui publie la «liste rouge» des espèces menacées interdites de commercialisation, se réunira à Doha, au Qatar.

En octobre, la 10e conférence de la Convention sur la diversité biologique (CBD) se tiendra à Nagoya, au Japon.

Diversité. La biodiversité – ou diversité biologique – est définie comme la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité des habitats, selon l’Office fédéral de l’environnement.

Monitoring. En 2001, la Suisse a mis en place un Monitoring de la biodiversité (MBD) afin de relever périodiquement l’état de la biodiversité.

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