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L’avenir du chômage, c’est le chômage à l’étranger

La recherche d'un emploi, préoccupation qui concerne toujours plus de monde en Suisse et ailleurs. Keystone

La Suisse enregistre un taux record depuis onze ans. Mais elle a plus à craindre de l’évolution du chômage sur ses marchés d’exportation que chez elle, explique Janwillen Acket, chef économiste de la banque Julius Bär.

En décembre, la Suisse comptait 8790 chômeurs de plus qu’en novembre. Soit 172’740 personnes au total. Ou, exprimé en taux, 4,4% de la population active. Du jamais vu depuis 1998, mais bien loin toutefois des 9,8% enregistrés dans la zone euro.

Les derniers chiffres publiés vendredi par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) ont de quoi inquiéter le secteur de la vente de détail. Le chômage devrait en effet tutoyer les 5% cette année.

Ils s’ajoutent à deux récentes études qui suggèrent que la faible demande intérieure pourrait doucher les espoirs des détaillants. Credit Suisse anticipe une baisse de 0,5% du chiffre d’affaires du commerce de détail et l’Université de St. Gall envisage une diminution des dépenses de 1,1 milliard de francs.

Chef économiste de la banque Julius Bär, Janwillen Acket juge toutefois que le chômage dans la Confédération serait plus important sans l’évolution récente du type d’immigration observée en Suisse.

Les chiffres officiels, qui montrent que les étrangers sont proportionnellement nettement plus nombreux à se retrouver au chômage que les Suisses, pourraient relancer le débat sur l’immigration. Mais, selon l’économiste, la nouvelle génération de travailleurs étrangers a un tout autre poids et une toute autre signification pour l’économie suisse.

Des forces structurelles

«La main d’œuvre est beaucoup plus robuste depuis que la politique d’importation de travailleurs à bas coûts est remplacée par une immigration d’employés hautement qualifiés dans le médical, l’ingénierie et la finance.»

Janwillen Acket met aussi le doigt sur l’apport du chômage partiel. Sans cette possibilité offerte aux employeurs de réduire le temps de travail de leurs employés avec l’aide de l’argent public, entre quinze et vingt mille travailleurs supplémentaires seraient sans travail.

Certes, des branches comme l’horlogerie souffrent violemment du recul des exportations. Elle enregistre un taux de chômage record de 13,1%. Mais bien qu’ayant souffert de la crise mondiale, l’économie suisse d’exportation n’a pas sombré pour une raison bien simple, selon l’économiste: elle a tiré parti des programmes publics lancés par des pays comme la Chine.

Or, les commandes liées à ces plans vont perdre en importance à l’avenir. La reprise sera davantage dépendante de la demande privée, dans d’autres pays que la Chine surtout. La Suisse a certes la chance d’avoir pour principal partenaire commercial l’Allemagne plutôt que la Grèce ou l’Espagne. Mais cela n’empêche pas Janwillen Acket de garder l’œil fixé sur les taux de chômage étrangers plutôt qu’intérieur.

Demande privée exigée

«Les consommateurs épargnent davantage et dépensent moins. Ainsi, une diminution du chômage sera critique pour maintenir le rythme de la reprise, estime l’économiste. Le taux de chômage sur les autres marchés d’exportation aura un impact plus important sur l’économie suisse que le nombre de travailleurs sans emplois à l’intérieur même de nos frontières.»

Ceci dit, Janwillen Acket continue à penser que la Suisse sera l’une des premières économies à émerger de la crise, profitant de l’appel d’air du marché asiatique. Mais tout le monde ne le suit pas.

D’autres économistes envisagent un avenir bien plus sombre pour l’économie suisse, rattrapée par une crise dans laquelle certains pays pourraient s’enfoncer davantage encore, poussés vers le fond par leur endettement.

Au journal économique Handelszeitung, l’économiste allemand Norbert Walter déclarait dernièrement que, loin d’être en pointe, la Suisse sera l’une des économies les plus affaiblies de la planète cette année. Selon lui, elle est condamnée à attendre que ses partenaires d’exportations se remettent sur pied d’abord.

Résultat, pour l’économiste allemand, les entreprises suisses devront trancher dans leurs effectifs ces douze prochains mois. «Le taux de chômage atteindra au moins 10% en 2010», juge-t-il.

Matthew Allen, swissinfo.ch
(Traduction/adaptation de l’anglais: Pierre-François Besson)

La Suisse a enregistré en décembre un taux de chômage de 4,4%, ce qui représente 172’740 personnes sans emplois.

L’Espagne a terminé l’année sur un taux estimé de 19,3%, soit quatre millions de chômeurs.

En décembre, l’Allemagne a enregistré un chômage à 7,8% (3,28 millions de personnes) et la Grande-Bretagne 7,9% (2,5 millions de personnes).

Les taux ont atteint 9,3% en Grèce au quatrième trimestre et 9,1% en France (2,58 millions de chômeurs).

Hors d’Europe, les Etats-Unis sont passé à un taux à deux chiffres alors que la Japon conserve un chômage limité à 5,2% (3,3 millions de chômeurs).

Pour Neuchâtel, canton horloger et exportateur par excellence, le taux de chômage atteint en décembre le niveau sans précédent depuis le début de la statistique en 1936 de 7,2%. Le taux de plus élevé du pays avec Genève.

L’industrie de la montre connaît le taux le plus élevé – et de loin – de l’économie suisse, soit 13,1% de chômeurs. En ville de La Chaux-de-Fonds – souvent affublé du qualificatif de «métropole horlogère» – le chômage atteint 9,9%.

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