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L’avenir multimédia et polyphonique de TV5 Monde

Keystone

Après plusieurs mois de forte tension, la France, la Belgique, le Canada et la Suisse sont parvenus à un accord qui préserve l'indépendance de TV5 Monde. Interview de Gilles Marchand, l'un des acteurs de dénouement.

Devant le Club suisse de la presse, Gilles Marchand – directeur de la Télévision suisse romande et acteur clé dans le dénouement de cette crise – a souligné cette semaine l’importance de l’accord conclu le 29 avril dernier. Un compromis qui doit encore être entériné – probablement cet automne – par les ministres de la communication des pays concernés.

Gilles Marchand a également rappelé le rôle essentiel de la chaine francophone pour l’audiovisuel public suisse (SRG SSR idée suisse) qui diffuse par ce canal 5000 heures de programme par année pour un public potentiel de 176 millions de foyers dans le monde.

swissinfo: La Suisse s’est fortement profilée pour maintenir l’indépendance de TV5. Est-ce grâce à sa représentation bicéphale Etat-SSR lors des négociations?

Gilles Marchand : Très clairement oui. J’ai pu tenir un discours de professionnel. Ce qui n’était pas forcément le cas des autres pays, représentés uniquement par des hauts-fonctionnaires.

swissinfo: Comment s’est dénouée la crise?

G. M.: Dans un premier temps, la France a émis l’idée que l’ensemble de son audiovisuel public extérieur soit regroupé au sein d’une seule entité englobant TV5 Monde.

Or, TV5 Monde est autonome avec des actionnaires indépendants qui n’ont rien à voir avec l’Etat français, même si la France est majoritaire.

Nous nous sommes donc opposés à cette absorption. La France s’est dès lors demandé comment collaborer avec les autres partenaires, tout en cherchant à mettre plus de cohérence dans son audiovisuel public tourné vers le monde.

L’accord trouvé le mois dernier n’exclut pas d’éventuelles synergies avec France 24, Radio France Internationale, la Télévision Suisse Romande, la Radio Télévision Belge de la communauté Francophone ou Radio Canada. Mais l’avenir de TV5 doit être pensé pour lui-même et non comme un élément de l’audiovisuel public français.

swissinfo: Sur le plan budgétaire, la France reste le principal contributeur. Les autres partenaires ne devraient-ils pas payer plus pour mieux se faire entendre?

G. M.: Le ministère français des affaires étrangères détient environ 49% des actions de TV5 Monde, auquel il faut ajouter d’autres participations publiques françaises, comme celle de France Télévisions, de l’INA, d’Arte France. Ce qui était important pour nous, c’était que l’Etat français reste sous la barre des 50%.

Cela dit, la France a une voix prépondérante puisqu’elle finance majoritairement TV5 Monde et ses programmes. Et «qui paie, commande»! Mais je n’ai pas l’impression que la SSR et la Confédération suisse sont prêtes à payer plus pour TV5 Monde.

Il faut donc vivre avec les volumes actuels et tenter de les utiliser au mieux.

swissinfo: Un élargissement aux pays francophones d’Afrique est-il possible?

G. M.: Nous sommes ouverts à la diffusion de programmes des télévisions du Sud. Nous le faisons déjà à travers le Conseil International des Radios-Télévisions d’Expression Française (CIRTEF). Mais nos partenaires africains ne sont pas encore assez forts pour participer au financement de TV5Monde.

swissinfo: Comment voyez-vous le développement de TV5 à l’ère digitale?

G. M.: Comme toutes les télévisions généralistes, TV5 sera distribuée sur plusieurs écrans et son contenu sera de plus en plus interactif et participatif, même si la diffusion linéaire avec un récepteur TV traditionnel subsistera.

Les chaînes de télévision deviennent des producteurs de contenu audiovisuel distribué à différents moments sur plusieurs écrans. TV5 va naturellement participer à cette dynamique. Je pense par exemple que la distribution de programmes TV par Internet est promise à un bel avenir. TV5 doit donc être capable d’y déposer ses propres contenus.

La TSR vient de lancer en partenariat avec TV5 Monde, un site multimédia interactif – geopolitis.ch – qui passera ultérieurement à la télévision sous forme d’émission. Ce concept qui va encore s’enrichir à l’avenir est emblématique des développements que nous pouvons avoir avec TV5 Monde.

Interview swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

La télévision internationale francophone TV5 Monde est née en 1984.

Première chaîne de télévision internationale de langue française, elle est le fruit d’une coopération entre cinq gouvernements (Suisse, France, Belgique, Canada, Québec) qui en sont responsables.

TV5 Monde regroupe leurs télévisions publiques respectives, soit pour la Suisse SRG SSR idée suisse. Sur un budget annuel d’environ 143 millions de francs, la Suisse verse 8,7 millions de francs.

La SSR détient 11,1% du capital action de TV5 Monde.

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