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L’e-mail, fossile ringard, ou classique indétrônable ?

Les réseaux sociaux, pur produit du 21e siècle. Keystone

Le développement des réseaux sociaux sur Internet et sur mobile va-t-il sonner le glas du courrier électronique classique ? La question resurgit périodiquement, mais pour les spécialistes, Facebook ne tuera pas plus l’e-mail qu’Internet n’a tué le téléphone… ou la lettre.

Si l’on en croit David Zeitlyn, professeur à l’Université britannique du Kent, l’e-mail n’aurait plus que dix ans à vivre. A l’appui de sa thèse, une étude parue en novembre 2009, qui montre que si 98% des internautes de plus de 65 ans utilisent le mail, cette proportion n’est plus que de 86% chez les 15-24 ans. Et si l’on parle d’utilisation régulière dans la même tranche d’âge, elle tombe à 51%.

Pour les jeunes, ouvrir une boîte de courrier électronique, entrer un mot de passe, trouver ses messages parmi la foule de ceux non sollicités – qu’on les nomme spam ou pourriels -, les ouvrir et les lire, ce serait désormais trop compliqué et pas assez «tendance».

Avec un réseau social comme Facebook ou Twitter par contre, on est connecté en permanence, les messages s’affichent en temps réel et on peut choisir de les garder pour soi ou de les publier pour la communauté de ses amis. Communauté où le spam est pratiquement inconnu, et où tout est tellement plus «fun»…

Comme le téléphone ou la lettre

Pour autant, Stéphane Koch, président de l’Internet Society Geneva ne voit pas disparaître le bon vieil e-mail. «Il est vrai que les nouvelles générations sont beaucoup plus à l’aise avec les outils des réseaux sociaux, concède-t-il. Mais néanmoins, un réseau comme Facebook a un système de messagerie interne identique à l’e-mail. Et pense introduire également une messagerie e-mail classique».

«En outre, la majorité des gens ne sont pas sur les réseaux sociaux», rappelle le spécialiste. Si Facebook a passé récemment la barre des 400 millions de membres (sur 1,5 milliard d’internautes recensés dans le monde), Twitter reste nettement plus confidentiel. Sans parler des autres..

Stephanie Booth, qui fut une des premières bloggeuses de Suisse, ne croit pas non plus à la mort de l’e-mail, «pas plus qu’à celle du téléphone, ni de la lettre».

«Avec les nouveaux modes de communication, on assiste simplement à un déplacement, explique cette consultante spécialisée dans l’Internet social. Il y a des choses que l’on faisait par e-mail et que l’on fait mieux par messagerie instantanée, par sms ou par blog, mais ça ne veut pas dire que le mail va complètement mourir.»

«La question, résume Stephanie Booth, c’est où se répartissent nos différentes activités d’expression, de publication et de communication.»

Le meilleur outil

«Dans certains cas, un message court, comme Twitter permet de les envoyer, sera peut-être l’idéal, et dans d’autres cas, un mail permet de s’étendre un petit peu plus, d’être plus précis et de mieux se faire comprendre, renchérit Stéphane Koch. Il s’agit juste de voir quel est le type d’outil le plus approprié pour tel ou tel type d’échange.»

Ce qui est certain, c’est que surfer sur tous ces réseaux prend beaucoup de temps. Qu’on n’utilisera pas à autre chose. «On passe moins de temps sur l’e-mail parce qu’on passe plus de temps sur un réseau social, note le spécialiste. Mais on échange quand même. Et on échange plus qu’auparavant».

Lorsque ces échanges sont professionnels, le mail en tous cas semble pour l’instant indétrônable. En octobre 2009, une étude du cabinet de consultants américain Forrester, portant sur 3700 professionnels des deux côtés de l’Atlantique, a montré que 77% des échanges et du travail de collaboration dans leurs entreprises se fait par e-mail, alors que les outils «web 2.0» (wikis, blogs, réseaux sociaux) ne dépassent pas 5% d’utilisation.

Indispensable

Longue vie au mail, donc ? Oui, à condition d’apprendre à mieux s’en servir. «Trop de gens ne savent pas filtrer, prioriser leurs messages, note Stephanie Booth. Quand vous arrivez dans une entreprise, on vous donne un compte e-mail, un mot de passe, mais on ne vous apprend pas à gérer votre messagerie».

Résultat: le mail devient une sorte de «fous-y tout, que l’on utilise à tort et à travers, alors que dans certains cas, il faudrait utiliser le téléphone, la messagerie instantanée, ou le blog».

Voire les outils du futur, comme Google Wave, qui mêle messagerie classique, messagerie instantanée, wiki et réseau social, le tout associé à un correcteur orthographique et à un traducteur instantané, qui peuvent travailler de concert.

Stéphane Koch et Stephanie Booth, qui ont tous deux testé la «bête» ne sont pour l’instant pas totalement transportés d’enthousiasme et se demandent encore quelle sera son utilité réelle. Mais la seconde se souvient que dans un premier temps, elle avait dit la même chose de Twitter, dont elle ne peut plus se passer aujourd’hui.

En attendant, pour accéder à ces «nouveaux services qui vont tuer l’e-mail», il faut toujours commencer par s’inscrire en fournissant… une adresse e-mail !

Marc-André Miserez, swissinfo.ch

e-mail, ou courriel pour les francophones. Ce message électronique qui arrive sous forme de texte, auquel on peut joindre des images, du son ou de la vidéo et qui attend dans une boîte aux lettres jusqu’à ce qu’on l’ouvre, qu’on y réponde ou qu’on le jette à la poubelle, est plus ancien que l’Internet même, puisque les premières communications entre ordinateurs d’universités américaines remontent à 1965.

Messagerie instantanée, ou chat (bavardage) en anglais, ou clavardage (bavardage par clavier) au Québec. C’est le dialogue, ou la conversation à plusieurs, chacun derrière son écran, avec les messages qui s’affichent en temps réel. Date de la fin des année 80, disponible pour le grand public dès 1996. Rapidement, on y a ajouté le son et l’image (par webcam), toujours en temps réel.

Blog. Site internet personnel très facile à créer et interactif. On y dépose des billets, des images, de la vidéo… ce qu’on veut et les lecteurs peuvent ajouter leurs commentaires. Les blogs ont démarré à la fin du 20e siècle et ont connu un développement fulgurant à partir de 2004.

Wiki. Contemporain du blog, il s’agit d’un site internet dont les pages sont modifiables par tout ou partie des visiteurs. C’est le domaine de l’écriture collective et collaborative, dont l’encyclopédie Wikipédia est l’exemple le plus fameux.

Réseaux sociaux. Purs produits du 21e siècle et de l’internet participatif (web 2.0), ils combinent messagerie, blog, wiki et fonctionnent comme des communautés, où chaque nouveau membre doit s’inscrire et d’une certaine manière être agréé par les autres pour pouvoir communiquer.

Facebook est le plus connu. Tirant son nom des albums photo que les étudiants américains gardent comme souvenir de leurs camarades de classe, il a d’abord servi uniquement à ces retrouvailles d’anciens élèves. Né en 2004, il s’est ouvert à tous deux ans plus tard et serait aujourd’hui le deuxième site le plus visité au monde. En décembre 2009, il a passé la barre des 400 millions de membres.

Twitter. Ouvert au public en 2006 également, c’est la version «speedée» du réseau social, où les messages ne dépassent pas 140 signes (le format d’un sms). On y dit en général sur le moment ce qu’on est en train de faire. Doit son succès à sa simplicité.

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