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L’effet Fukushima pèse sur le débat énergétique

Dans ses négociations avec l'UE, la Suisse peut compter sur l'atout que constituent ses cours d'eau de montagne. Keystone

Le tsunami politique provoqué par la catastrophe nucléaire de Fukushima, au Japon, va-t-il peser sur les négociations que la Suisse et l’Union européenne ont entreprises dans le domaine de l’énergie? Techniquement, il pourrait faciliter leur conclusion. Mais politiquement, c’est autre chose.

«Il est possible de négocier (avec l’Union européenne). Il y a des développements positifs. La perception que tout est bloqué est fausse.» La ministre suisse Doris Leuthard, cheffe du Département fédéral de l’environnement des transports, de l’énergie et de la communication, s’était montrée très optimiste à l’issue de la visite qu’elle avait effectuée à Bruxelles le 19 avril dernier.

Son principal interlocuteur du jour, le commissaire européen à l’Energie, Günther Oettinger, s’était, il est vrai, montré très avenant à l’égard de Berne. Selon lui, il devrait en effet être possible de surmonter «à la fin de l’automne» toutes les difficultés techniques qui émaillent encore les négociations que la Suisse et l’Union européenne (UE) ont lancées en 2007 dans le domaine de l’énergie. Ces pourparlers visent à libéraliser le marché suisse de l’électricité sur le modèle de l’Union.

Bassins d’accumulation

Les Suisses, en outre, réclament leur intégration permanente dans les nouvelles organisations européennes de coopération des régulateurs d’énergie (Acer) et de gestionnaires des réseaux électriques (Entsoe) qui ont été créées.

La révolution énergétique que provoquera inévitablement la catastrophe de Fukushima, qui se traduira par une réduction de la dépendance au nucléaire, pourrait en théorie aider la Commission européenne et la Suisse à parvenir à leurs fins.

D’une part, le syndrome de Fukushima accroît l’attrait pour l’Union de la «batterie européenne» qu’est la Suisse, grâce à ses bassins d’accumulation d’électricité hydraulique. D’autre part, elle contribuera sans doute à vaincre les réticences de Berne vis-à-vis de deux exigences de l’UE. La suppression, fût-elle progressive et moyennant certaines compensations financières, des contrats d’approvisionnement à long terme que les opérateurs suisses ont conclus avec Electricité de France (EdF), tout d’abord.

Des tests de résistance

La valeur financière de ces contrats risque en effet de se réduire comme peau de chagrin au cas où les centrales en question – celle de Fessenheim, en particulier – ne réussiraient pas avec brio les tests de résistance que l’Union va mener, d’ici à la fin de l’automne.

La reprise par la Suisse des objectifs de l’UE en matière de réduction des gaz à effets de serre, ensuite, qui prévoient notamment de porter à 20% la part des énergies renouvelables dans la consommation européenne d’électricité à l’horizon 2020.

La Suisse et l’Union européenne ont «le même intérêt à trouver un accord dans le domaine de l’électricité, y compris sur les renouvelables», avait relevé Doris Leuthard le 19 avril. Il reste toutefois à savoir si le renforcement de cet intérêt mutuel, qui passera également par des échanges d’informations sur les stress-tests des centrales nucléaires menés en Suisse et prévus dans l’Union, suffira à convaincre l’Union d’aplanir l’obstacle majeur, de nature institutionnelle, qu’elle a elle-même dressé devant la conclusion de nouveaux accords avec Berne.

Blocages idéologiques

«Nous sommes conscients que les questions institutionnelles demeurent une pierre d’achoppement», a reconnu Doris Leuthard à Bruxelles. Elles pourraient «tout bloquer à la fin», a-t-elle ajoute, en notant par ailleurs qu’il est de toute façon «illusoire» d’espérer que des solutions soient trouvées dès l’automne.

L’UE ne veut plus tailler des compromis sur mesure pour la Suisse. Elle réclame, en priorité, l’instauration de mécanismes institutionnels qui permettraient d’accélérer l’adaptation de ses accords avec la Confédération aux développements de la législation et de la jurisprudence communautaires, de surveiller plus étroitement la bonne application des accords ou encore de résoudre plus efficacement les différends entre les deux partenaires.

Du côté suisse aussi des blocages d’ordre idéologique pourraient refaire surface. Le drame de Fukushima a engendré un sentiment d’insécurité et pourrait renforcer, en Suisse, la position de ceux – les cantons, par exemple, à qui appartiennent d’importantes sociétés énergétiques – qui rechignent à ouvrir complètement à la concurrence le marché de l’électricité. Ainsi que la méfiance que nourrit traditionnellement la population helvétique à l’égard des mouvements de libéralisation, fussent-ils bien encadrés.

Cela risque clairement d’affecter la dynamique interne qui est nécessaire pour mener à bien les négociations avec l’Union européenne.

La Suisse, «château d’eau de l’Europe», produit la plus grande partie de son électricité (35,83 milliards de kilowatt/heure par an) avec ses centrales hydroélectriques.

Dans le monde, seules la Norvège, l’Islande et l’Autriche présentent un taux plus élevé.

La Suisse dispose d’environ 1600 centrales hydroélectriques et 190 barrages (le plus haut, de 285 mètres, étant la Grande Dixence en Valais).

Les deux tiers de l’énergie hydroélectrique proviennent des cantons de montagne d’Uri, des Grisons, du Tessin et du Valais.

L’exploitation de la force hydraulique génère un chiffre d’affaires d’environ2 milliards de francs.

 

La Confédération entend promouvoir le renouvellement et le développement des centrales existantes. L’objectif est d’augmenter la production moyenne d’au moins 5% d’ici 2030.

(Source: Office fédéral de l’énergie)

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