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L’OIF «cautionne les mécanismes vertueux» au Togo

Selon le vice-président de la commission nationale des droits de l’homme Tchangaï Tchatcha, la Francophonie est la seule organisation à avoir aidé son institution pour la présidentielle de 2010. swissinfo.ch

Au Togo, qui a connu une élection présidentielle sans violences en mars dernier, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a accompagné le dialogue politique et le processus électoral. Mais la transition vers la démocratie n’est pas gagnée.

«Faure est fou!» Lomé à la mi-journée, un mercredi de la fin septembre. Une poignée de manifestants hurlent leur haine du pouvoir en place. Ils s’agitent, courent en tous sens, prennent quelques journalistes occidentaux à témoin.

Face à une escouade de policiers en armes, comme tous les samedis et tous les mercredis, ces partisans de l’opposition réclament la démission de Faure Gnassingbé, président réélu en mars 2010 après une première élection engrangée en 2005, accompagnée de violences et de plusieurs centaines de morts.

Cette fois-ci, la présidentielle s’est déroulée dans le calme. Le pouvoir l’a emporté, et l’opposition s’est divisée. Le président du principal parti d’opposition a accepté d’entrer dans la coalition gouvernementale, dite de «redressement national».

Son lieutenant Jean-Pierre Fabre s’est lui présenté à l’élection, qu’il a perdue, au moins selon la version officielle. L’Union européenne a relevé «certaines déficiences» et la Francophonie «des difficultés notables» lors du scrutin mais ont accepté son résultat, en soulignant les progrès par rapport à 2005.

«La clé politique est trouvée»

Ancien directeur du Bureau régional de la Francophonie, Etienne Alingué observe que la situation du Togo reste fragile mais que les politiques entrés dans la coalition recherchent une approche consensuelle de la gestion du pays. En clair, «éviter que les choses ne dégénèrent, comme cela est le cas souvent dans ce type de pays en transition».

Pour Etienne Alingué, «la clé politique est trouvée, même si elle n’est pas parfaite. Le Togo peut travailler à son développement, et il a beaucoup d’atouts.» Au yeux de ce haut cadre de l’OIF, il est du devoir de la communauté internationale et de la Francophonie de «cautionner les mécanismes vertueux qui se mettent gentiment en place».

Sur la base de sa Déclaration de Bamako, qui postule la nécessité de l’Etat de droit, des droits de l’homme, des libertés fondamentales et autre bonne gouvernance, l’OIF a accompagné le dialogue politique et le processus électoral de la présidentielle de mars 2010.

Les bénéficiaires de son appui sont des organes clés de tout fonctionnement un tant soit peu démocratique, même si, au Togo, ils restent souvent fortement liés au pouvoir, au moins dans l’élection de leurs membres ou leur financement.

C’est le cas de la commission électorale nationale indépendante (CENI), politisée et critiquée pour son travail lors du scrutin, et qui se sent injustement mise en cause. «La CENI ne sait pas où des fraudes ont pu se passer, s’il y en a eu», assure son président Issifou Taffa Tabiou.

Délais de recours trop brefs

Plus haute juridiction de l’Etat, la Cour constitutionnelle juge notamment de la constitutionalité des référendums électoraux. Si son président Aboudou Assouma regrette en particulier les délais très brefs laissés aux candidats pour adresser un recours à la cour lors du scrutin de mars, il rappelle que la question est du seul ressors du législateur.

«Nous avons reçu quatre requêtes, en particulier sur le décompte des voix. Mais sans qu’aucune preuve ne puisse être apportée. (…) La cour a donc effectué un léger aménagement des résultats définitifs.»

Autre jalon du dispositif politique togolais appuyé par l’OIF, la commission nationale des droits de l’homme est une institution de l’Etat chargée de défendre les droits de l’homme lorsqu’un problème oppose un citoyen à l’Etat et de vulgariser ces droits. Son moyen d’action: émettre des avis, dénoncer les cas.

Son vice-président, Tchangaï Tchatcha (voir audios), reconnaît que la dépendance financière à l’égard de l’Etat «fragilise» son travail. Le médecin juge «relativement bonne» la liberté de la presse au Togo mais signale un «grand manque: la culture démocratique et des droits de l’homme» dans le pays.

Ne pas jouer avec le feu

Alors que certains opposants au pouvoir sont empêchés de manifester, la commission indique avoir dénoncé cette violation du droit auprès de l’exécutif. «J’ai peur que personne ne maîtrise certains événements. (…) La commission a averti de ne pas jouer avec le feu», indique Tchangaï Tchatcha.

Et les prisonniers politiques? «Je ne serais pas sérieux si je donnais un chiffre», répond Tchangaï Tchatcha, jurant aussi que sa commission n’a jamais été empêchée de dire ce qu’elle pensait dans les médias togolais. Des médias eux-mêmes «régulés» par la haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC).

«Nous sommes une jeune démocratie et la conscience de leur responsabilité n’est pas évidente chez les journalistes, affirme son président Philippe Evegnon. La presse togolaise doit passer de la presse de combat à la presse d’information.»

Dans tous les sens du terme, au Togo, la route est parsemée de nids de poule. Mais aux yeux d’Etienne Alingué, le pays «sort gentiment du système mis en place depuis 40 ans. (…) Et je l’ai constaté en six ans, au Togo, la parole s’est libérée».

L’Etat togolais a mis en place en 2009 une Commission vérité, justice et réconciliation, présidée par l’archevêque Nicodème Barrigah-Benissan et soutenue par l’OIF.

Ses recherches portent sur les violences enregistrées dans le pays entre 1958 et 2005. Elle devra identifier les causes, proposer des mesures d’apaisement et de réparation pour les victimes et des réformes institutionnelles.

Après un mois de récolte, elle indique avoir déjà enregistré 3000 dépositions dont le dépouillement n’a pas commencé.

AI juge que la situation de violations massives des droits humains n’est plus, comme en 2005 encore, le lot du Togo. Globalement, le pays est en progrès. Autre avancée, selon AI, l’abolition de la peine de mort en 2009.

Reste que les «violations graves des droits civils et politiques» n’ont pas disparu au Togo – mauvais traitements et décès inexpliqués en prison, médias victimes de menaces, etc.

A l’occasion de la présidentielle de cette année, des opposants ont été arrêtés et certains viennent seulement d’être libérés, précise Manon Schick, porte-parole de la section suisse.

Sur la question des 500 morts de la présidentielle de 2005, personne n’a été trainé en justice, déplore AI, qui indique craindre en outre que la Commission vérité, justice et réconciliation ne soit qu’une commission alibi.

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