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La Birmanie prête à organiser le retour des réfugiés rohingyas

Aung San Suu Kyi s'est adressée aux Birmans pour la première fois après plus de trois semaines de troubles dans l'ouest de la Birmanie. KEYSTONE/AP/AUNG SHINE OO sda-ats

(Keystone-ATS) La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi s’est dite “prête” à organiser le retour des réfugiés rohingyas. Si elle a condamné “toutes les violations des droits humains”, elle n’a pas apporté de solution concrète à ce que l’ONU dénonce comme une épuration ethnique.

“Nous sommes prêts à débuter la vérification” des identités des réfugiés en vue de leur retour, a-t-elle déclaré dans un discours télévisé en anglais (et sans sous-titres en birman). Mais elle n’a pas précisé si les critères de retour, très restrictifs normalement, seraient assouplis.

L’opinion publique birmane est chauffée à blanc par les critiques internationales sur le sort des plus de 421’000 membres, dont plus de 250’000 enfants, de la minorité musulmane des Rohingyas, réfugiés au Bangladesh, qui ont fui l’Etat Rakhine (ouest de la Birmanie). L’armée y mène une vaste opération de représailles depuis des attaques, le 25 août, de rebelles rohingyas.

Devant les ambassadeurs réunis à Naypyidaw pour cette adresse à la Nation, le prix Nobel de la paix de 1991, très critiquée pour son silence et sa froideur durant plus de trois semaines de crise, a appelé à la fin des divisions religieuses entre majorité bouddhiste et minorité musulmane. Un message d’apaisement destiné surtout à la communauté internationale.

ONG pas satisfaites

“Nous sommes profondément désolés pour les souffrances de tous ceux qui se sont retrouvés pris au piège de ce conflit”, a-t-elle encore dit, évoquant les civils rohingyas ayant fui en masse au Bangladesh mais aussi les bouddhistes ayant fui leurs villages. La dirigeante birmane a également affirmé que l’armée avait reçu des instructions afin de “prendre toutes les mesures pour éviter les dommages collatéraux et que des civils ne soient blessés” lors de son opération.

Amnesty International a toutefois regretté qu’elle n’ait pas condamné explicitement le rôle de l’armée, estimant que l’ex-icône de la démocratie pratiquait la “politique de l’autruche”. “Il existe des preuves écrasantes que les forces de sécurité sont engagées dans une campagne de nettoyage ethnique”, affirme l’ONG.

“Il y a toujours des fumées d’incendies qui s’élèvent au-dessus de l’Etat Rakhine (…). Ce n’est pas comme si tout s’était arrêté le 5 septembre”, a renchéri Phil Robertson, de Human Rights Watch, images satellites à l’appui. L’ONG a répété mardi son appel à l’imposition par l’ONU de sanctions contre la Birmanie.

De son côté, la nouvelle Mission indépendante d’enquête de l’ONU sur les abus contre les Rohingyas veut un accès “sans entrave” au pays et six mois de plus. Après le discours d’Aung San Suu Kyi, elle a demandé mardi à Genève au gouvernement de publier la totalité du rapport de sa propre Commission d’enquête.

Au coeur des discussions à New York

Cette crise devrait figurer en bonne place mardi à l’Assemblée générale de l’ONU. Le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson a répété lundi sa position depuis New York: “personne ne veut assister au retour d’un régime militaire, il est donc vital qu’Aung San Suu Kyi et le gouvernement civil disent clairement que ces abus doivent cesser”. Dans son discours, la dirigeante n’a pas évoqué toutes ces accusations et n’a pas non plus employé le terme rohingya.

“Cet engagement au retour des réfugiés selon les termes de l’accord de 1992 est quelque chose de nouveau et d’important”, estime toutefois Richard Horsey, analyste indépendant basé en Birmanie: une simple preuve de résidence en Birmanie devrait être demandée, pas une preuve de citoyenneté – que les Rohingyas n’ont pas, étant apatrides.

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