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La boule à facettes ne brille plus pour Patrick Juvet

Patrick Juvet avec sa maman Jeanine en 2007 (archives). KEYSTONE/LAURENT GILLIERON sda-ats

(Keystone-ATS) “Où sont les femmes ?” et “I love America” vont resurgir dans les play-lists: le chanteur vaudois Patrick Juvet, star du disco dans les années 70, est décédé à l’âge de 70 ans, a annoncé à l’AFP jeudi son agent Yann Ydoux.

Le corps de l’artiste a été retrouvé dans un appartement à Barcelone. Les causes du décès ne sont pas encore établies. “Il y aura une autopsie, je l’avais eu au téléphone il y a trois jours, je l’avais trouvé bien”, a indiqué son agent.

“Patrick, c’est un personnage qui est plus profond, plus riche qu’on a pu le penser. C’est une grande perte”, a déploré auprès de l’AFP Jean-Michel Jarre, qui avait travaillé avec lui sur deux de ses albums, dont “Paris by night” (1977), renfermant “Où sont les femmes ?”, immense succès.

Les deux hommes avaient été mis en relation par une amie commune, productrice, car le Vaudois voulait changer de voie après une première période de chanteur de variété, “chanteur à minettes” comme il le disait lui-même.

“Prisonnier de ses tubes”

“C’est très triste”, a déclaré à l’AFP Amanda Lear, qui le connaissait bien. “Nous avons pratiquement débuté ensemble au début de la période disco. Je me souviens d’un duo en jumelles pour les Carpentier (show TV de variété célèbre des années 1960 à 1980) sur la chanson des ‘Demoiselles de Rochefort'”.

“Ça avait fait jaser à l’époque car il assumait le fait d’être efféminé, avec les cheveux longs et très maquillé comme Bowie”, poursuit-elle. “Il a été un des premiers à faire son coming-out sur sa sexualité (il se disait bisexuel, ndlr), c’était assez révolutionnaire pour l’époque, c’était quelque chose qui n’était pas assumé dans le milieu de la chanson”, complète Jean-Michel Jarre.

Amanda Lear insiste sur le fait qu’il “était prisonnier de ses tubes de l’époque”. “Il était obligé de chanter ‘I Love America’ et ‘Où sont les femmes ?’. On ne lui demandait rien d’autre alors qu’il avait enregistré plein d’autres chansons”.

“Il en était très frustré. Il n’était pas très heureux. Il s’était retiré en Espagne, car la France le boudait un peu. Il vivait à Barcelone. On s’est vus la dernière fois là-bas. Il ne buvait plus. Il me disait qu’il essayait de s’en sortir”.

Compositeur pour Cloclo

La carrière de Juvet “a connu des hauts et des bas, des périodes fastes, d’autres moins, un peu comme Renaud”, a résumé Yann Ydoux, qui a rencontré le chanteur il y a 22 ans.

L’artiste, né en 1950 à Montreux (VD), s’était formé au piano au conservatoire de Lausanne, puis avait travaillé comme mannequin. Au début des années 1970, il débarque à Paris et se fait d’abord connaître en composant des chansons, notamment “Le lundi au soleil” pour Claude François, rappelait-il dans une interview au Journal de Saône-et-Loire en 2013.

Eddie Barclay lui met alors la pression: “Soit tu fais un tube, soit tu rentres chez toi en Suisse !” Ce sera “La musica” en 1972. En 1973, il représente la Suisse au Concours Eurovision de la chanson avec “Je vais me marier Marie”, sur un texte de Pierre Delanoë. Parmi ses autres succès figure “Rappelle-toi minette” (1975).

Succès et polémique

A la sortie de “Où sont les femmes ?” en 1977, Juvet avait reçu de nombreuses lettres d’insultes du Mouvement de libération des femmes (MLF) pour des paroles jugées trop sexistes. On y entendait notamment “Elles ne parlent plus d’amour/ Elles portent les cheveux courts/Et préfèrent les motos aux oiseaux/Elles ont dans le regard/Quelque chose d’un robot…”

“I Love America”, autre carton sur les dancefloors (1978), est lui né de la rencontre de Juvet, installé aux Etats-Unis, avec des producteurs réputés du genre, Henri Belolo et Jacques Morali, et a été cosigné avec Victor Willis, pilier des Village People.

Un choriste nommé Balavoine

Chose peu connue du grand public, Daniel Balavoine a débuté sa carrière comme choriste pour Juvet.

Les années 1990 ont été une traversée du désert pour Juvet, qui a sombré dans diverses addictions comme il le contait lui-même dans les médias.

La tournée “Age tendre et tête de bois”, à partir des années 2000 l’avait remis sous les projecteurs. Dans cet “all-star” des vedettes populaires, on retrouvait à ses côtés des artistes tels Dave, Sheila, Michèle Torr ou encore Stone et Charden.

“Quand je l’ai retrouvé pour cette tournée, il sortait d’une passe difficile, a expliqué à l’AFP Christophe Dechavanne, producteur de la tournée. Ce métier est difficile quand on n’est pas sans arrêt au top. J’ai eu le plaisir de le voir reprendre un immense goût pour la vie et la scène. Il faisait attention à lui avec un régime. J’ai assisté avec bonheur à tout ça”.

“Patrick avait encore pleins de projets, notamment un nouvel album en tant que compositeur”, a ajouté son agent. “Joyeux camarade des belles années Disco, magnifique mélodiste, un garçon si gentil, si affable”, a écrit Sheila sur Facebook.

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