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La campagne électorale allemande s’empare de l’affaire

La diplomatie est requise dans le cas de l'espionnage présumé. Ici, l'ambassade de Suisse à Berlin (archives). KEYSTONE/CHRISTIAN BEUTLER sda-ats

(Keystone-ATS) Beaucoup de questions restent ouvertes dans l’affaire d’espionnage présumé effectué par un agent suisse en Allemagne. Alors que l’enquête suit son cours et que de nombreux détails non confirmés surgissent, la campagne électorale allemande s’est emparée du sujet.

Jeudi soir, la Chancellerie fédérale à Berne a confirmé que l’Office fédéral de la police (fedpol) s’est adressé au Service de renseignement de la Confédération (SRC) dans le cadre d’une procédure pénale autour de données volées en Allemagne. La pratique est courante lorsque la collaboration policière et l’aide judiciaire internationale ne sont pas possibles.

Le Conseil fédéral a été informé de la démarche de fedpol en 2011 par le ministre de la défense de l’époque, Ueli Maurer. L’activité du SRC dans cette affaire a cessé en 2014, poursuit la Chancellerie fédérale.

Le fait que le gouvernement suisse ait été au courant des présumées activités d’espionnage suscite des remous en Allemagne. Aussi, Berlin exige que toute la lumière soit rapidement faite, a déclaré vendredi Steffen Seibert, porte-parole de la chancelière Angela Merkel.

“Inacceptable”

Le ministre de la justice Heiko Maas a annoncé le même jour un examen complet de l’affaire. “S’il s’avère que la Suisse a espionné les autorités fiscales allemandes, ce serait tout à fait inacceptable”, a-t-il déclaré dans le journal Rheinische Post.

“Au lieu d’espionner les inspecteurs du fisc de Rhénanie du Nord-Westphalie, la Suisse devrait enfin sérieusement combattre la les activités financières douteuses et la fraude fiscale”, a ajouté Heiko Maas. Elle ferait mieux de surveiller “ceux qui se font des milliards sur le dos de la collectivité”.

Le ministre de la justice de l’Etat régional de Rhénanie du Nord-Westphalie, Thomas Kutschaty, du parti d’opposition SPD, demande lui des excuses officielles à la Suisse. Dans le magazine Spiegel, il qualifie d’acte criminel l’espionnage présumé du fisc allemand par le SRC.

Relations “au plus bas”

“Ceci montrerait que la Suisse n’hésite pas à commettre un délit pour couvrir ses banques et leur pratique commerciale qui est la fraude fiscale”, assène-t-il. Pour lui, les relations entre l’Allemagne et la Suisse ont atteint un plancher historique, a-t-il déclaré à l’agence dpa.

Mercredi, le ministre des affaires étrangères Didier Burkhalter a eu un échange téléphonique avec son homologue allemand Sigmar Gabriel sur l’affaire. “Il s’agit d’éclaircir les faits rapidement et de toutes parts”, a commenté une porte-parole allemande.

Nervosité

Un rien suffit à échauffer les esprit: des notices volées ont été découvertes vendredi dans la voiture d’un inspecteur du fisc à Düsseldorf, capitale de Rhénanie du Nord-Westphalie. Des médias ont immédiatement fait le lien avec les CD-Rom suisses contenant les données de fraudeurs allemands du fisc. Peu après, un procureur général a calmé le jeu, précisant que les notes n’avaient aucun lien avec un CD-Rom acquis en Suisse.

Le franc-parler des politiciens allemands est aussi à mettre en lien avec la campagne électorale: la Rhénanie du Nord-Westphalie, Land allemand le plus peuplé, tient des élections régionales dans une semaine. Les élections fédérales allemandes auront lieu cet automne. D’ailleurs, le chef du SPD et candidat à la Chancellerie Martin Schulz a exigé des discussions “très sérieuses” avec la Suisse.

Un vieux litige s’enflamme

A plusieurs reprises, le fisc allemand a acquis des données volées dans les banques suisses: le but était de sanctionner les Allemands déposant leur argent sur des comptes en Suisse pour éviter l’impôt dans leur pays. Avec onze CD-Rom achetés depuis 2010, la Rhénanie du Nord-Westphalie est à la pointe des efforts en ce sens.

Selon les extraits du mandat d’arrêt allemand émis contre l’agent secret suisse arrêté à Francfort la semaine dernière, sa mission était de déterminer comment l’Allemagne s’est procuré les CDs. C’est ce qu’il a fait, puisque le Ministère public de la Confédération a lancé des mandats d’arrêt contre trois inspecteurs du fisc allemand pour espionnage économique et violation du secret bancaire.

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