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La Confédération viole les droits des requérants, selon une étude

La liberté de mouvement des requérants d'asile est limitée de manière disproportionnée, selon un avis juridique de l'Université de Zurich (archives). KEYSTONE/LUKAS LEHMANN sda-ats

(Keystone-ATS) La Confédération, les cantons et les communes limitent de manière disproportionnée les droits fondamentaux des requérants d’asile en restreignant leur liberté de mouvement, notamment par des interdictions de périmètre. C’est la conclusion d’un avis juridique.

“Les assignations et les interdictions territoriales collectives portent atteinte à la liberté de mouvement, car elles ne reposent pas sur une base légale ni ne poursuivent un intérêt public digne de protection”, écrivent les deux auteures de l’étude. Ce rapport, publié lundi, a été réalisé par le Centre de compétence pour les droits humains de l’Université de Zurich.

Ces restrictions ne sont pas non plus compatibles avec le principe du perturbateur contenu dans le principe de proportionnalité, poursuit l’étude, élaborée sur mandat de la Commission fédérale contre le racisme (CFR). Cette dernière a pris cette initiative parce que la liberté de mouvement des requérants a été restreinte à plusieurs reprises, ce qui a suscité des polémiques.

En 2013 par exemple, la Confédération et la commune de Bremgarten (AG) ont passé un accord interdisant aux requérants de pénétrer dans les installations scolaires et sportives du lundi au vendredi de 07h00 à 18h00 sans l’autorisation des autorités. Les pensionnaires des centres de Nottwil (LU) et Alpnach (OW) n’ont pas non plus accès à l’ensemble de la commune.

La CFR souhaitait clarifier si ces restrictions sont compatibles avec les doits fondamentaux et les droits humains garantis par la Constitution fédérale et les traités internationaux ratifiés par la Suisse.

Les centres ferment leurs portes trop tôt

Les deux juristes ont aussi passé à la loupe les horaires de sortie en vigueur dans les centres d’hébergement gérés par la Confédération. Elles constatent que cette réglementation constitue une atteinte au moins indirecte à la liberté de mouvement, fondée sur une base légale suffisante.

“Elle sert au maintien du bon fonctionnement de l’établissement et à l’application effective des procédures d’asile et poursuit donc un intérêt public admissible”, explique l’étude. Mais elle va “au-delà de ce qui est nécessaire au niveau personnel et temporel” et, au bout du compte, elle n’est pas compatible avec l’article 10 (al. 2) de la Constitution fédérale, faute de proportionnalité.

La CFR enjoint donc la Confédération et les cantons de réviser la réglementation des heures de sortie, trop restrictive. Dans ses recommandations, la CFR demande aussi que les interdictions de périmètre individuelles ne soient prononcées qu’en cas de trouble ou de menace concrets d’une certaine intensité à l’encontre de la sécurité et de l’ordre publics.

Les sentiments subjectifs d’insécurité et la peur d’autrui ne sont pas suffisants pour limiter la liberté de mouvement des requérants d’asile, précise la commission. Exemple de restriction inadmissible: des requérants d’asile ne doivent pas utiliser un parc public au motif que des passants se sentent gênés qu’ils soient réunis sur des espaces verts publics et boivent de la bière.

L’avis de droit relève en outre qu’une restriction de la liberté de mouvement peut également intervenir de manière implicite, si l’on fait par exemple comprendre aux requérants que leur présence n’est pas souhaitée en certains lieux.

L’Etats est responsable

Les juristes consultées étaient aussi invitées à trancher la question de savoir à qui les atteintes aux droits fondamentaux des requérants d’asile sont imputables lorsqu’elles sont le fait de tiers privés qui ont été chargés par l’Etat ou le canton de l’encadrement des requérants. Leur réponse: la responsabilité est imputable à l’Etat.

Selon la CFR, le débat public sur les demandeurs d’asile est trop souvent instrumentalisé politiquement et utilisé pour consolider des préjugés et des stéréotypes négatifs. C’est oublier que les requérants d’asile bénéficient des mêmes droits fondamentaux que quiconque.

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