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La droite autrichienne en croisade contre les minarets

Reuters

Les Suisses se prononcent le 29 novembre prochain sur une initiative voulant interdire la construction de minarets. L'Autriche, qui reconnaît officiellement l'islam, ce qui en fait une notable exception en Europe de l'ouest, n'est pas épargnée par le débat.

La reconnaissance de la religion musulmane en Autriche est historique: il s’agissait de permettre aux anciens sujets de la monarchie des Habsbourg de se sentir acceptés dans l’Empire.

Mais le nombre de musulmans vivant sur le sol de l’actuelle Autriche est resté longtemps faible. La première mosquée n’a été construite qu’en 1979 à Vienne. La population musulmane avait fortement augmenté avec l’immigration suivant la deuxième Guerre mondiale.

Depuis, la présence musulmane a presque triplé en Autriche. Le désir de mosquées s’est fait plus fort, en même temps qu’a augmenté la résistance des partis de l’extrême-droite.

Interdiction de construire

«Pummerin statt Muezzin»: la cloche de la cathédrale de Vienne plutôt que le muezzin. Ce fut le slogan de Heinz-Christian Strache, chef du Parti autrichien de la liberté, le FPÖ, lors de la dernière campagne électorale dans la capitale autrichienne.

Le politicien n’en démord pas: à chaque campagne électorale, il milite pour une interdiction de la construction de minarets dans la Constitution autrichienne. Sans succès. Mais le parti a doublé son poids électoral.

Les autres partis de l’extrême-droite ne sont pas en reste. L’Alliance pour l’avenir de l’Autriche (BZÖ) du défunt Jörg Haider, s’est même trouvé un nouveau terrain de bataille avec l’islam et la lutte contre les minarets.

Dans plusieurs Länder, le parti demande le renforcement des dispositions réglant les permis de construire. Il veut notamment que les lieux de prière musulmans puissent être interdits pour «perturbation de l’image du lieu».

Les partisans du BZÖ affirment qu’il n’est pas admissible que les «les signes du pouvoir de l’islam» puissent être visibles dans l’Europe chrétienne. Aucun Land n’a adapté ses dispositions dans ce sens, mais la pression a déjà eu des conséquences.

Compromis: des minarets cachés

La mosquée de Vienne se dresse à 32 mètres de haut, sans choquer personne. Il y a 30 ans, sa construction, approuvée par le maire de l’époque Leopold Graz, avait encore été interprétée comme le symbole d’une ville désireuse «d’être un foyer accueillant et amical pour tous ceux qui vivent et travaillent ici.»

La construction de la deuxième mosquée, à Telfs dans le Tyrol, a déjà donné davantage de fil à retordre au maire de la ville. Des habitants firent recours contre la tour de 20 mètres de haut et le FPÖ avait menacé d’aller jusqu’au Tribunal administratif.

Après de longues négociations, un compromis – avec une tour de 15 mètres – avait été accepté de part et d’autre. Aucun muezzin ne fut autorisé. La mosquée a finalement été inaugurée en 2006.

Une troisième mosquée est en construction à Bad Vöslau, après une pluie d’oppositions – quand bien même la construction ne posait aucun problème architectural. Ici, il a été convenu que les minarets ne seraient que deux petites tourelles sur un côté arrière du toit.

Le besoin est là

Quelque 400’000 musulmans vivent en Autriche, soit près de 5% de la population. Pour le président de la communauté islamique Anas Schakfeh, il est clair que le pays devrait avoir davantage de mosquées. Il y a aussi quelque 200 lieux de prières, mais ceux-ci ne peuvent remplacer une mosquée.

Selon la conception islamique, une mosquée doit se dresser sur un terrain qui appartient à une communauté de croyance et elle doit être ouverte cinq fois par jour à tous les croyants pour la prière, de même que pour la prière du vendredi.

Le minaret n’est pas obligatoire, mais il correspond à une tradition et constitue un symbole montrant que des musulmans habitent à cet endroit.

Autre dispute: l’enseignement

Au début de l’année, une étude portant sur les 400 enseignants de religion musulmane vivant en Autriche avait suscité de fortes réactions. Elle avait montré qu’un cinquième d’entre eux sont opposés à la démocratie et que près de 10% trouvent compréhensible l’usage de la violence pour propager l’islam.

Les partis de droite ont exigé la prise immédiate de mesures, comme la surveillance de ces enseignants et un contrôle externe de leurs leçons. Mais la séparation entre l’Eglise et l’Etat ne le permet pas.

Depuis 1949, ce sont les Eglises reconnues par l’Etat qui sont responsables de l’enseignement de la religion et de la formation des maîtres. Seules exigences: que l’allemand soit la langue de cours et que les principes de l’éducation dans un Etat de droit soient respectés.

Personne ne voulant remettre en question la séparation entre l’Eglise et l’Etat, le ministre de l’éducation a trouvé un accord avec la communauté islamique: celle-ci s’engage à ce que ses enseignants aient non seulement une formation universitaire, mais qu’ils réussissent également un test d’allemand et qu’ils acceptent les principes de la démocratie.

Insuffisant, aux yeux des partis de droite autrichiens. Ils exigent désormais que l’islam perde sa reconnaissance étatique.

Joe Schelbert, swissinfo.ch
(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)

Votation. Les Suisses se prononcent le 29 novembre prochain sur une initiative contre la construction de minarets.

Interdiction. Ce texte l’inscription dans la Constitution fédérale de la phrase suivante, qui formerait le nouveau al. 3 de l’art. 72: «La construction de minarets est interdite.»

Construction. La discussion avait été lancée par plusieurs demandes de permis de construire de minarets en Suisse alémanique. Les habitants ont lancé des pétitions pour s’y opposer.

Islamisation. L’Union démocratique du centre (UDC/droite conservatrice) et l’Union démocratique fédérale (UDF/droite chrétienne) ont lancé l’initiative populaire fédérale en mettant en garde contre une «islamisation rampante» de la société. Le texte a été déposé le 8 juillet 2008 avec 115’000 signatures.

La Suisse compte quatre minarets, à Genève, Winterthour, Zurich et Wangen bei Olten.

Selon une étude publiée par la Commission fédérale des étrangers, il existe en outre près de 130 lieux de culte et de prières musulmans.

La plupart de ces lieux se trouvent dans des appartements privés ou dans des immeubles et ils ne sont pas reconnaissables.

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