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La guerre de l’atome reprend de plus belle

Keystone

Une demande d'autorisation pour une nouvelle centrale nucléaire a été déposée mardi et ce, pour la première fois depuis des décennies. Le monde économique applaudit mais les opposants ont aussitôt annoncé le lancement d'un référendum.

Aar et Tessin Electricité (Atel) a annoncé mardi le dépôt d’une demande de permis de construire pour une nouvelle centrale nucléaire. Le groupe d’électricité avait déjà annoncé en mars son intention de construire un réacteur de troisième génération à Däniken, à côté de la centrale de Gösgen (en fonction depuis 1979), entre Olten et Aarau.

Atel explique que le site soleurois remplit toutes les conditions techniques et que la population et les autorités locales sont favorables au nucléaire. Le groupe a entamé des discussions, notamment avec son homologue de Suisse romande EOS, car il cherche des partenaires pour ce projet estimé entre 6 et 7 milliards de francs.

La société ajoute que ce projet correspond à la politique énergétique du Conseil fédéral, qui prévoit notamment le remplacement ou la construction de centrales nucléaires dans le pays.

Pénurie dès 2020

Pour Atel, il est indispensable de miser, dans un premier temps, sur le nucléaire pour faire face à la pénurie d’électricité annoncée dès 2020, voire 2012. Quant au potentiel des nouvelles énergies renouvelables, il ne pourra être pleinement exploité qu’à long terme.

Les partisans de la nouvelle centrale indiquent qu’il pourrait manquer vers 2025, si rien n’est fait, près de l’équivalent de la production de trois centrales nucléaires ou quelque 40% de la consommation nationale actuelle.

Il reste peu de potentiel pour le développement de l’énergie hydraulique autochtone, qui répond à plus de la moitié de la demande suisse d’électricité.

Antinucléaires au créneau

Les milieux antinucléaires ont aussitôt fait savoir qu’ils s’opposeraient par voie de référendum à un tel projet, jugé «ni économique ni écologique».

L’Alliance «Non au nucléaire», qui regroupe près de 25 organisations, ajoute que les coûts de construction ont en fait doublé, voire quadruplé, depuis les dernières estimations, notamment en raison de la flambée des prix des métaux. La filière du nucléaire reste dangereuse et il n’y a toujours pas de solution au problème des déchets.

Greenpeace, membre de l’Alliance, estime que c’est une erreur de miser sur le nucléaire pour compenser la pénurie annoncée. «Il serait plus rentable de construire de nouvelles installations développant des sources d’énergie renouvelables», a indiqué à swissinfo Clément Tolusso, porte-parole.

«Horrifiée mais pas étonnée», la Fondation Suisse de l’Energie (SES) estime que c’est une erreur et qu’il y a un facteur risque, car «le nouveau type de réacteur prévu par Atel n’a pas encore été testé».

Et de rappeler qu’en remplaçant les chauffages électriques par des pompes à chaleur, la consommation d’électricité pourrait être réduite d’un tiers, soit l’équivalent d’une centrale nucléaire. La SES ajoute que «les grands producteurs d’électricité n’ont aucun intérêt pour les énergies renouvelables».

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L’économie favorable

Le monde économique ne voit pas les choses de cette façon. L’association faîtière economiesuisse salue le projet d’Atel. Son porte-parole Urs Näf estime que l’atome est favorable à l’environnement, bon marché et garantit un approvisionnement autonome en électricité.

Et l’Action pour une politique de l’énergie raisonnable (AVES) ajoute pour sa part qu’elle est convaincue que le recours au nucléaire est indispensable, qu’il ne faut plus perdre de temps et que les milieux politiques doivent maintenant faire avancer le dossier.

Le peuple tranchera

C’est le peuple suisse, en fin de procédure, qui pourrait avoir le dernier mot, la demande d’autorisation générale étant assujettie au référendum facultatif.

Atel rappelle que les derniers référendums ont démontré que la population du canton de Soleure est ouverte à l’énergie nucléaire. Le 30 octobre 2007, le Parlement cantonal a chargé le conseil d’Etat de Soleure de s’engager pour la construction rapide d’une centrale nucléaire dans le canton.

Mais la procédure pourrait durer jusqu’en 2024. En Suisse on compte généralement 16 à 18 ans pour mettre une nouvelle centrale en service. Or le Conseil fédéral a renoncé en février à réviser la législation pour accélérer les procédures.

swissinfo et les agences

Beznau-I et II (Argovie) ont été mises en service en 1969.

Mühleberg (Berne) en 1972.

Gösgen (Soleure) en 1979.

Leibstadt (Argovie) en 1984.

En tout, elles ont produit 26,5 milliards de kWh en 2007, soit 40% de la production nationale.

Dès 2020 Mühleberg ainsi que Beznau I et II devront être fermées pour raison d’âge. Gösgen a une longévité fixée jusqu’à 2040 et Leibstadt au moins jusqu’à 2045.

1990: le peuple suisse approuve un moratoire de dix ans sur la construction de nouvelles centrales nucléaires.

1998: le Conseil fédéral adopte le principe de la sortie du nucléaire.

2003: trois ans après la fin du moratoire, le peuple rejette deux initiatives, l’une pour un nouveau moratoire de dix ans, l’autre pour l’abandon progressif du nucléaire.

2005: la nouvelle loi sur l’énergie nucléaire confirme cette option, mais soumet les projets de nouvelles centrales au référendum facultatif.

2007: le Conseil fédéral décide le remplacement des centrales existantes et la construction de centrales à gaz pour prévenir une pénurie d’énergie.

2008: Atel dépose une demande d’autorisation générale auprès de l’Office fédéral de l’énergie pour une nouvelle centrale atomique dans le Niederamt soleurois.

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