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«La bonne image d’un pays peut atténuer un scandale national»

Ein Taschenmesser
La croix suisse sur le couteau est protégée par le droit des marques. Gaetan Bally/Keystone

Les banques, les compagnies aériennes ou encore les sociétés horlogères helvétiques bénéficient de la bonne réputation de la Suisse sur le plan international. Les scandales, tels que le sauvetage d'UBS voici dix ans ou le grounding de Swissair en 2011, ont-ils écorné l'image du pays? 

Le récent différend entre Victorinox et armasuisse souligne l’importance du label «made in Switzerland» pour les entreprises. L’Office fédéral de l’armement accuse le fabricant du célèbre couteau suisse à croix blanche d’utiliser illégalement la marque «Swiss Army» aux États-Unis et demande réparation. Les deux parties sont finalement parvenues à un accord à l’amiable. Armasuisse doit enregistrer la marque en Amérique du Nord, tandis que Victorinox pourra l’exploiter sous une licence à long terme. Un véritable compromis helvétique: l’un détient les droits, l’autre continue à commercialiser un produit de qualité suisse à travers le monde. 

Sans nul doute, l’origine suisse accroît la valeur des biens et des services en tous genres. Le label «Swiss made» ou la croix suisse constituent un gage de fiabilité et de qualité, évoquant l’image d’un paysage alpin idyllique auprès des consommateurs du monde entier. À l’inverse, les scandales qui secouent les entreprises et l’industrie nuisent-ils à la bonne réputation du pays? Les crises et les affaires helvétiques marquent-ils les esprits à l’international? «Les marques suisses sont extrêmement stables», selon Daniel Trachsler, de Présence Suisse, unité du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) qui promeut l’image de la Suisse à l’étranger. Il s’exprimait lors d’un événement à l’ambassade de Suisse à Berlin. 

Les clients suisses plus vindicatifs 

L’unité qu’il représente a été créée en 2001, en réaction à l’affaire des fonds juifs en déshérence dans le but de préserver l’image de la Suisse. L’objectif a été atteint: cette affaire n’a égratigné la réputation du pays que momentanément. La grande banque UBS semble, elle aussi, s’en sortir plutôt bien après avoir frôlé la faillite en 2008. D’après Daniel Fischer, responsable du marketing pour la Suisse du numéro un bancaire helvétique, cette crise est tombée dans l’oubli au niveau international. Sur le marché intérieur en revanche, l’établissement a perdu de nombreux clients. Plusieurs années ont été nécessaires pour regagner la confiance des Helvètes. La nouvelle stratégie de la marque ne peut pas s’appuyer sur les aspects suisses traditionnels que sont la qualité et la fiabilité. Elle se concentre, de manière objective, sur des services concrets. 

Les scandales bancaires ont durablement porté préjudice à la réputation du secteur, mais pas à l’image de la Suisse. La marque suisse jouit toujours de la plus grande réputation. «Une bonne image du pays peut atténuer les scandales nationaux», confirme Daniel Trachsler. Elle vaut de l’or. «Les consommateurs paient volontiers une majoration de 100% pour une montre helvétique», déclare Stephan Feige, de la htp St. Gallen Managementberatung, citant une étude. Pour le fromage, une hausse de 50% demeure possible. L’entreprise proprement dite devient secondaire; seul le pays compte. «L’origine se distingue de la marque», poursuit l’expert en marketing. 

Ein Mann arbeitet an einer Uhr
L’industrie horlogère profite du «Swiss made». Melanie Duchene/Keystone

Nulle autre industrie ne profite autant du «Swiss made» que l’horlogerie. Celle-ci a établi, dès 1971, des règles strictes quant à l’utilisation du nom «Suisse» pour les montres. Cette appellation d’origine se trouve au cœur du marketing de la branche, «une garantie de qualité et de précision qui ne saurait être sacrifiée», relève Hanspeter Rentsch, vice-président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse. Cette dernière a toujours soutenu avec détermination la législation Swissness.

Cure de jouvence pour le label «made in Switzerland» 

Swiss n’a pas pâti de la reprise par le groupe allemand Lufthansa, du moins du point de vue entrepreneurial. «La plupart des clients internationaux n’ont pas connaissance du grounding de Swissair et ne s’y intéresseraient même pas», indique Bernhard Christen, responsable du marketing chez Swiss International Airlines. «Cet aspect n’est omniprésent qu’en Suisse.» De toute manière, la référence suisse ne constitue pas forcément un atout dans l’aéronautique. Si l’image de marque s’avère essentielle dans l’horlogerie, ce sont les prix qui intéressent les passagers aériens, explique Bernhard Christen. La compagnie la moins chère attire les clients. Il est, toutefois, important que Swiss exploite ses racines et sa référence à la Suisse au-delà de son nom, selon Bernhard Christen. «Nous n’avons pas du fromage à bord: nous avons de l’Emmental et de l’Appenzell.» Ces liens doivent exister. Sur ce point, le responsable marketing a contesté l’ambition de Lufthansa d’effectuer des économies pour les deux transporteurs par des achats centralisés. Il continue d’utiliser la référence à la Suisse pour renforcer l’image de haute qualité de la compagnie et se démarquer des concurrents à bas coût. 

L’image de la Suisse aurait besoin d’un renouveau, concède Daniel Trachsler. Depuis des décennies, la montagne, le fromage, les Alpes et l’horlogerie façonnent l’image du pays et la publicité pour ses produits: «Nous serions ravis de dégager des valeurs plus innovantes.»

La loi Swissness 

La législation «Swissness» est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Elle renforce la protection de l’appellation «Suisse» et de «la croix suisse», afin de préserver la valeur de la marque suisse. Ainsi, une croix suisse ne peut être utilisée pour commercialiser un produit que si une grande partie des ingrédients sont effectivement de provenance suisse et que ce dernier a été fabriqué en Suisse. Pour les produits alimentaires transformés, 80% des matières premières doivent provenir de Suisse. S’agissant des produits industriels, la principale étape de fabrication doit avoir lieu en Suisse: 60% du coût de revient au moins doivent être générés sur le territoire helvétique. L’utilisation purement décorative de la croix suisse ou de la désignation «Suisse» ne pose pas de problème et n’est pas liée à un cahier des charges si tant est qu’elle ne dégage pas l’impression qu’il s’agit d’un produit suisse.

Source: Institut fédéral de la propriété intellectuelle (https://www.ige.ch/fr.htmlLien externe

(Traduction de l’allemand: Zélie Schaller)

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