Des perspectives suisses en 10 langues

La presse suisse sous le choc du drame norvégien

En Norvège, l'heure est au recueillement. Keystone

La presse suisse de lundi est horrifiée par le massacre perpétré vendredi en Norvège. Mais au-delà de l’émotion, elle constate généralement qu’à avoir trop focalisé sur le terrorisme islamique, on en a trop vite oublié un ennemi intérieur imprévisible.

Les journaux suisses consacrent leurs gros titres à la tuerie. Une large part des reportages traite de la douleur et du recueillement du peuple norvégien après le drame. Dans les titres comme dans les commentaires, une même constatation revient souvent: face à un tel massacre, les Norvégiens ont «perdu leur innocence» et resteront marqués pendant de longues années encore.

Les photos de première page sont d’ailleurs généralement en adéquation avec ces propos. La plupart des journaux insistent sur l’émotion et le traumatisme avec des images montrant des scènes de recueillement, des parterres de fleurs ou des gens en pleurs.

Ennemi intérieur

Dans leur analyse, les journalistes constatent en premier lieu que, depuis les attentats du 11 septembre 2001, les pays occidentaux ont peut-être beaucoup trop focalisé leur attention sur le terrorisme islamisme et oublié l’«ennemi intérieur», comme le désigne par exemple la Neue Zürcher Zeitung.

«Dans les premières réactions, beaucoup ont considéré l’attaque à la bombe de vendredi comme des représailles contre l’engagement de la Norvège dans des conflits internationaux. On n’était en revanche pas préparé à un terroriste blond, aux yeux bleus ayant grandi dans le pays», souligne le grand quotidien zurichois.

«Ainsi, aux premières heures de la double attaque, les craintes se sont immédiatement portées sur une éventuelle piste islamique. Ecartée, celle-ci serait cependant apparue moins incompréhensible que l’acte d’un ‘Terminator’ au regard d’ange», estime quant à lui le quotidien fribourgeois La Liberté.

«L’Europe aurait-elle négligé l’extrémisme de droite?» se demande pour sa part la Tribune de Genève.

Difficile à prévoir

Dans le cas de la Norvège, le terroriste, qui se déclare être un fondamentaliste chrétien, avait justement pour but de dénoncer l’islamisation de l’Europe.

Dans son commentaire écrit dans le Giornale del popolo, l’évêque de Lugano s’émeut d’ailleurs de cette étiquette: «Mais de quel christianisme est-on en train de parler? S’il y a un ‘fondamentalisme chrétien’, c’est celui de Mère Teresa de Calcutta, de Jean-Paul II et de tant d’autres qui se sont identifiés avec la figure du Fondateur du christianisme.»

Quoi qu’il en soit, quelles que soient les motivations du tueur, il n’en reste pas moins que ce genre d’acte est difficile à prévoir. «Ce qui choque le plus, c’est certainement sa froide détermination. Cet homme de 32 ans a réussi durant toutes ces années à déjouer l’attention de ses proches et voisins, avant d’arriver à ses fins», écrit par exemple le grand quotidien populaire romand Le Matin.

«Reste que comme aux Etats-Unis, en Suisse (massacre de Zoug en 2001), en France (tuerie de Nanterre) ou en Finlande (tuerie dans un lycée), le système démocratique semble totalement impuissant à détecter les signaux avant-coureurs de ce type d’opération isolée mais longuement et minutieusement préparée», renchérit La Liberté.

Pour les commentateurs, ce genre de terroriste intérieur est d’autant plus difficile à dépister qu’il agit souvent seul. La Berner Zeitung en dresse d’ailleurs un portrait-robot: «La nouvelle menace pousse sur son propre fumier. Elle est parmi nous. L’auteur se perçoit comme le créateur tout puissant de sa propre société fermée. Il est un insulaire. Il est en guerre contre le monde.»

La Suisse «dans le viseur»

Plusieurs journaux rappellent que l’auteur de la tuerie en Norvège voyait aussi la Suisse comme un pays trop multiculturel. «Il avait la Suisse dans le viseur», écrit ainsi le grand quotidien de boulevard alémanique Blick.

On apprend ainsi que le terroriste faisait figurer la Suisse au 4e rang des pays ayant une politique trop laxiste en matière d’immigration, après la Norvège, la Suède et l’Allemagne, et qu’il avait identifié 498 politiciens suisses coupable, selon lui, de «trahison».

L’auteur présumé des attaques Norvège doit comparaitre lundi pour la première fois devant un tribunal d’Oslo qui doit ordonner son maintien en détention. Des médecins examineront également la santé mentale de cet homme de 32 ans.

L’audience est prévue vers 13h00. L’homme reconnaît les faits mais pas sa responsabilité criminelle. Lors des interrogatoires, il a dit qu’il était seul.

Le tueur présumé veut une audience publique et se présenter en uniforme, a déclaré pour sa part son avocat. Mais selon les médias, la police demandera une audience à huis clos. Il reviendra au juge de décider si l’audience sera ouverte au public ou non.

L’homme a déclaré avoir préparé depuis 2009 l’opération qui a tué au moins 93 personnes. Le tueur présumé a confectionné une bombe, qui a explosé près des bureaux du Premier ministre dans le centre d’Oslo et tué sept personnes.

Il a ensuite gagné la petite île d’Utoeya, au nord d’Oslo, où il a tué méthodiquement 86 adolescents rassemblés pour un camp des jeunes travaillistes. Il s’est rendu à l’arrivée de la police, plus d’une heure après le début de la fusillade.

Source: ATS

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision