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Blatter, président indéfendable, sauf à la FIFA

Elu pour la première fois en 1998 à la présidence de la FIFA, Sepp Blatter est candidat à sa succession pour la quatrième fois. Keystone

La majorité de la presse suisse est d'accord: le président Sepp Blatter porte la responsabilité de la corruption à la Fédération internationale de football. Mais sa réélection pour un cinquième mandat est prévisible, et son pouvoir sort renforcé de l'arrestation mercredi de sept fonctionnaires vedettes de la FIFA à Zurich

«L’Amérique sort le carton rouge», «La FIFA taclée, mais Blatter reste debout», «Ça suffit, Monsieur Blatter», «Blatter gagnant, pas perdant» «Monsieur Blatter, dégagez». La presse suisse s’en donne à cœur joie après les 14 inculpations engagées par la justice américaine et, surtout, les sept arrestations de Zurich.

«Il faudrait créer un album Panini des membres de la FIFA suspectés de corruption», propose «La Liberté» à propos des scandales de l’attribution des Coupes du monde à la Russie (2018) et au Qatar (2022). «Cette opération survient deux jours avant l’élection du nouveau président de la FIFA. Une manœuvre de déstabilisation? Plutôt une décision opportuniste. Les Américains ne pouvaient choisir meilleur moment pour cueillir ces cadres réunis à Zurich avant l’élection du président», commente le quotidien fribourgeois

«Pourriture»

«Deux affaires distinctes, l’une aux Etats-Unis, l’autre en Suisse, des accusations de corruption d’un côté, de blanchiment d’argent et de gestion déloyale de l’autre: la charge est sans précédent», pour la «Tribune de Genève». «Sepp Blatter finira-t-il lui-même sur le banc de la justice? Pas certain, il sait se protéger. Coupable, pourtant, il l’est, au moins par complicité ou laisser-faire. Est-ce par simple cupidité, par vanité ou par goût immodéré du pouvoir? Il s’est fait tout-puissant en laissant la pourriture se développer dans la plus haute instance du football mondial.»

Le «Tages Anzeiger» et le «Bund» ne comprennent pas, eux, «comment Blatter a pu échapper aux scandales». «Il semble peu probable qu’il n’ait pas été au courant des nombreuses affaires illégales qui se tramaient autour de lui. Il les a simplement tolérées aussi longtemps que son maintien à la tête de l’institution était possible. Il n’a lancé le processus de réforme qu’au moment où aucune autre option n’était envisageable.»

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Pour le quotidien alémanique, aucun autre milieu ne pourrait tolérer une telle nouvelle candidature. «Au sein de la FIFA pourtant, il peut jouer à l’innovateur – et ce probablement encore pour quatre ans. Cela résume parfaitement l’état des choses au sein de la Fédération.»

La «Neue Zürcher Zeitung» estime qu’il reste à «nettoyer les écuries d’Augias». «L’explosion simultanée de deux pétards […] pèsera sur le déroulement du Congrès. Quoi qu’il soit décidé, la FIFA sentira encore plus fort la corruption». Et le quotidien zurichois, lui, est convaincu que cela devrait déteindre aussi sur la réélection prévisible de Blatter. «Il devra vivre avec ces dommages collatéraux, car il porte la responsabilité d’une culture qui a vu le jour durant son mandat et sur laquelle il a tout au moins fermé les yeux.»

«Ce n’est qu’un début»

Estimant que «ce n’est qu’un début», «L’Agefi» publie le commentaire peut-être le moins dur pour le Suisse Blatter dans la presse de ce jeudi. «Cette immense fédération couvre le monde, avec des régions et des Etats dans lesquels la corruption, qu’elle soit active ou passive, n’est pas considérée comme un péché capital. Le football y a pris des dimensions financières et surtout émotionnelles démesurées. Il n’est nullement certain qu’un autre, élu selon les mêmes règles, eût fait beaucoup mieux.» Et le quotidien économique de conclure sur une question: «la taille et l’étendue de cette organisation dans un domaine aussi sensible ne sont-elles pas des problèmes en soi?»

La justice américaine n’a pas mis le président de la FIFA en cause mercredi, mais «Le Temps» est convaincu qu’«il a beau dire, ce scandale planétaire ternit d’une manière définitive sa fin de règne. Même réélu vendredi, le Valaisan restera associé à l’affairisme et à la corruption. Peut-être regrette-t-il aujourd’hui de ne pas s’être retiré à temps: […] L’heure est au sport éthique et Sepp Blatter vient de s’entendre siffler la fin de l’impunité.»

«Blatter est un malin»

La «Südostschweiz» relativise: «Les accusations font partie du quotidien de la FIFA […], il y a peu de chances pour que l’affaire y change quelque chose, à la veille de la pompeuse élection du président. […]  Blatter est un malin. Depuis des années il repousse les attaques avec succès, il a encore évincé les candidats qui voulaient le chasser du trône. Son pouvoir est même accru depuis hier puisque les personnes arrêtées par les autorités suisses sur demande américaine appartiennent surtout au camp adverse. Si comique que cela en ait l’air, Blatter sort gagnant.»

La «Berner Zeitung» relève que parmi les fonctionnaires de la FIFA arrêtés, il y a le vice-président Jeffrey Webb des Iles Caïman, «un poids lourd», le «prince héritier qui aurait pu occuper une bonne position dans la course autour de la succession de Blatter»: «à cet égard, il sera intéressant de voir ce que donnent les investigations».

Les «péchés capitaux» de Blatter

De son côté, «L’Hebdo» énumère durement les «péchés capitaux» de Sepp Blatter: orgueil («il a constamment besoin de se donner une importance qu’il n’a pas»), luxure («il aime l’argent pour lui-même, les femmes, comme tout grand séducteur, et le luxe parce que c’est tout de même bien agréable»), la paresse («il a même eu la flemme de faire campagne»), l’envie («sa soif de reconnaissance jamais étanchée»), etc…»

«Trop, c’est trop», enchaîne «Le Matin»: «La preuve existe que plus personne ne maîtrise le monstre qu’est devenu le football business. Discours après discours, Sepp Blatter n’a cessé de répéter qu’il œuvrait pour le bien du sport le plus populaire du monde. En démissionnant avant le Congrès électoral, ou simplement en renonçant à se présenter demain, le président a une dernière chance de prouver qu’il en est capable.»

La «Tribune de Genève» va jusqu’à écrire: «Dégagez Monsieur Blatter! Vous n’avez plus rien à faire à la tête de la FIFA. Contentez-vous de répondre de vos erreurs et d’assumer vos responsabilités après dix-sept ans d’un règne peu digne. Faites-le pour le sport, pour le football et aussi pour votre pays. Car l’opprobre de votre action rejaillit sur la Suisse, dont la réputation internationale était justement à refaire.»

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