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La Suisse décourage les trafiquants d’art

Keystone Archive

Dès 2004, le propriétaire d’un bien culturel dérobé pourra exiger sa restitution pendant 30 ans.

Le parlement s’est mis d’accord sur une nouvelle loi… Qui permettra enfin d’appliquer la Convention de l’UNESCO de 1970.

Bientôt, la Suisse ne fera plus figure d’exception en matière de réglementation du commerce de l’art. Mardi, par 123 voix contre 42, les députés de la chambre du peuple se sont ralliés aux sénateurs de la chambre des cantons.

Les récents pillages en Irak ont montré la nécessité de disposer d’une loi efficace, confie la porte-parole de la commission de la chambre du peuple.

Et Vreni Müller de préciser que l’adoption de cette nouvelle loi est d’autant plus importante que la Suisse est l’une des plaques tournantes du commerce de l’art.

Cela dit, la mise sous toit de cette nouvelle loi – qui entrera en vigueur dès l’année prochaine – aura suscité de vifs débats.

Emmenée par l´Union démocratique du centre (UDC/droite dure) et les libéraux, une minorité de parlementaires a plaidé en faveur d’un délai de prescription de 20 ans. Mais en vain.

«Il s´agissait de défendre les intérêts de nos marchands d´art et de leur envoyer des signaux positifs», explique le député saint-gallois de l’UDC Theophil Pfister.

«Il n’y a aucune raison de prolonger la période d´incertitude sur 30 ans», estime de son côté Christine Wirz von Planta, députée libérale bâloise.

Un argument qui n’est toutefois pas partagé par la députée Maya Graf. L’écologiste bâloise rétorque en effet qu’«un délai plus court favoriserait le commerce illégal».

Prix d´achat déterminant

Le mode de calcul de l’indemnisation (versée à un acheteur de bonne foi qui est contraint de restituer un bien) a également suscité un débat nourri.

Par 110 voix contre 60, la chambre du peuple a toutefois accepté de suivre celle des cantons ainsi que le gouvernement en ne tenant compte que du prix d´achat de l’œuvre dérobée.

Plusieurs députés de droite avaient pourtant demandé que l’inflation, voire la plus-value réalisée par l´objet volé, soient prises en considération, surtout pour un délai aussi long que 30 ans. Mais en vain là aussi.

«Nous ne pouvons admettre que l´acquéreur de bonne foi soit spolié au moment de la restitution du bien, justifie le député libéral neuchâtelois Rémy Scheurer. C´est une trop grande injustice.»

Primes à la spéculation

L’option du remboursement de la moitié de la valeur marchande du bien qui doit être restitué n’a pas été retenue non plus. Pour Rudolf Strahm, il s’agissait «de véritables primes à la spéculation».

En outre, poursuit le socialiste bernois, les propositions de calcul basées sur la plus-value ou le cours monétaire sont excessivement floues et donc sujettes à des expertises contradictoires.

Défendant son projet, le gouvernement a mobilisé les députés sur une considération profondément humaine.

«Mettez-vous du côté de la victime qui a été dépouillée, leur a lancé le président de la Confédération Pascal Couchepin. Non seulement elle a perdu son bien durant des années, mais elle doit encore le racheter au minimum à son prix d´achat.»

Un sujet d’actualité

En éliminant ces dernières divergences, la chambre du peuple permet à la Suisse de se doter d´une législation sur l´importation, l´exportation, le transit et le retour de biens culturels volés.

«Le pillage du patrimoine irakien, souligne encore le président de la Confédération, nous prouve à quel point une telle réglementation était nécessaire.»

La nouvelle loi devrait entrer en vigueur au milieu de l´année prochaine. Elle servira à appliquer la Convention de l´UNESCO de 1970 sur le transfert international des biens culturels.

Un traité dont la ratification a été acceptée par les deux Chambres du parlement.

swissinfo et les agences

– Interpol n’hésite pas à mettre sur un pied d’égalité le commerce illicite d’objets d’art et celui de la drogue ou des armes.

– En 1999, par exemple, 50 000 infractions concernant des biens culturels ont été répertoriés.

– Mias moins d’un quart des Etats membres d’Interpol déclarent ce type de vols.

– De nombreuses régions dans le monde subissent des atteintes irrémédiables à leur patrimoine culturel. La Chine, le Mali ou le Pérou figurent parmi les plus touchés.

– Avec les Etats-Unis, l’Angleterre et la France, la Suisse est l’une des plaques tournantes de ce commerce. Ca ne devrait plus être le cas en 2004.

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