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La Suisse défend son siège au FMI

Le ministre des finances, Hans-Rudolf Merz a défendu la position de la Suisse à Washington. Keystone

Au conseil d’administration du Fonds Monétaire International, les pressions s’intensifient contre la Suisse, de la part des pays émergents, mais aussi des Etats-Unis. Le ministre des finances Hans-Rudolf Merz a défendu vendredi le siège suisse.

Lors d’une conférence de presse tenue en marge du sommet des ministres du G-20 et à la veille des réunions d’automne du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM), Hans-Rudolf Merz a plaidé vendredi soir en faveur du maintien de la Suisse au conseil d’administration du FMI. Actuellement, la Suisse préside un groupe de vote qui comprend 7 autres pays, la plupart situés en Asie centrale.

Les pays émergents tels que la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique, l’Afrique du Sud ou la Turquie veulent depuis longtemps obtenir plus de voix au chapitre à l’organe politique du FMI. Appuyés par les Etats-Unis, ils amplifient leurs appels depuis le début de la crise mondiale, en 2007, en soulignant que les pays d’Europe sont sur-représentés par rapport à leur poids économique.

Vendredi, le conseiller fédéral a avancé plusieurs arguments pour défendre le siège suisse. Il a d’abord dissocié le cas de la Suisse de celui des membres de l’Union Européenne. Il a en effet fait valoir que le groupe dirigé par la Suisse ne comprend qu’un seul membre de l’Union Européenne, à savoir la Pologne. Il a aussi affirmé que l’importance de la place économique et financière de la Suisse, le rôle joué par le franc suisse et la contribution financière de Berne au fonctionnement du FMI justifient la préservation du siège occupé par la Suisse.

La montée au créneau de M. Merz reflète l’intensité des pressions qui s’exercent sur la Suisse, 19ème économie mondiale selon le FMI, et sur d’autres petits pays d’Europe qui disposent d’un siège potentiellement éjectable, notamment la Belgique, 20ème économie mondiale, et le Danemark, 31ème seulement.

Vers une nouvelle répartition

La Suisse et les autres pays d’Europe reconnaissent le caractère désuet de la répartition des voix au FMI, mais ils avancent des idées de compromis pour y conserver leur autorité. L’Allemagne propose ainsi que les membres de l’UE libèrent deux sièges et abandonnent la tradition qui confère à un responsable européen la direction du FMI. La Belgique propose, elle, de s’en tenir à un transfert d’au moins 5% des droits de vote à certains pays émergents. De son côté, la Suisse est favorable à une nouvelle distribution des quotes-parts, mais elle souhaite que cette nouvelle donne profite avant tout aux pays en développement qui sont les moins bien représentés, ce qui semble exclure la Chine.

Mais les pressions de la Chine et des Etats-Unis sont énormes. La Chine exige plus de concessions de l’Europe. Quant à l’Administration Obama, elle « met clairement les Européens au défi de procéder à un ajustement », indique Daniel Hamilton, ancien responsable au Département d’Etat américain et aujourd’hui directeur du Centre pour les Relations Transatlantiques à l’université Johns Hopkins, à Washington.

Juste avant les réunions du FMI et de la Banque Mondiale, les Etats-Unis ont d’ailleurs manifesté leur impatience, en prenant la décision hautement inhabituelle de bloquer la résolution qui élargit depuis 1992 le conseil du FMI à 24 sièges, ce qui reviendrait à réduire le directoire aux 20 sièges normalement prévus par le règlement de l’organisation, et ce, à partir du 1er novembre, date d’expiration du mandat du conseil actuel.

Mais pourquoi les Etats-Unis soutiennent-ils la Chine et d’autres pays émergents aux dépens de leurs alliés européens traditionnels ? «Ce qui préoccupe les Etats-Unis, c’est que, si les pays émergents ne sont pas intégrés au conseil du FMI, ils continueront d’être des acteurs sans responsabilité dans le système financier international», explique Daniel Hamilton.

«L’attitude de l’Administration Obama s’inscrit dans une certaine vision du monde, peut-être s’agit-il aussi de quelque chose qui peut être utilisé comme une tactique de négociation pour obtenir des concessions de la Chine sur d’autres terrains, les échanges commerciaux ou la politique étrangère», estime pour sa part Ian Vasquez, directeur du Centre pour la Prospérité et la Liberté Mondiales à l’Institut Cato, basé à Washington.

L’hégémonie états-unienne critiquée

Si la part de la Suisse dans l’économie mondiale a récemment diminué, celle des Etats-Unis, n’a pas augmenté. Du coup, certains appellent les Etats-Unis à balayer devant leur porte, au lieu de prôner la seule réduction de la place des Européens au FMI.

«La crédibilité des Etats-Unis comme de l’Europe n’est pas bonne sur ce dossier et je crois qu’une mesure parallèle à la baisse des sièges occupés par les Européens serait pour les Etats-Unis de renoncer à leur position de veto au FMI», déclare ainsi Daniel Hamilton.

Longtemps tabou, la remise en cause de la domination des Etats-Unis au FMI intervient surtout au niveau universitaire. Mais les tensions politiques sont telles en ce moment que la Belgique, qui se trouve aussi dans le collimateur des Américains, et qui assure la présidence tournante de l’UE, évoque désormais publiquement l’idée que les Etats-Unis abandonnent leur veto de facto. En acceptant de réduire leur part au capital du FMI à moins de 17%.

Le FMI, que Ian Vasquez et d’autres intellectuels de la droite américaine aimerait «fermer parce qu’il est devenu obsolète dans le contexte d’une économie mondiale globalisée et libéralisée», est un enjeu à la fois politique et économique pour ses membres, que ce soit les Etats-Unis, la Chine ou la Suisse.

«Avoir un siège au FMI est une affaire de prestige et d’influence», indique Daniel Hamilton de l’université Johns Hopkins. «C’est vrai», note Ian Vasquez, «mais l’autre raison pour laquelle tout le monde veut un siège au FMI est que l’organisation est plus riche que jamais, avec des ressources inutilisées de plus d’un milliard de milliards de dollars. C’est sans précédent dans l’histoire du FMI et c’est quelque chose que les gouvernements et les politiciens ne peuvent s’empêcher de convoiter.»

Le groupe de vote de la Suisse au FMI est surnommé le Helvétistan

Outre la Suisse, il rassemble la Pologne, la Serbie, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Turkménistan, l’Azerbaïdjan et, dernier venu, le Kazakhstan.

Au total, ce groupe dispose d’une quote-part de 2,8% du capital du FMI qui assure à la Suisse un siège au conseil d’administration de l’organisation.

Par comparaison, les Etats-Unis ont une quote-part de 17,5%, ce qui leur confère un droit veto de facto au sein de l’institution.

Il y a 24 sièges au conseil d’administration du FMI.

Hors le siège occupé par la Suisse, l’Europe de l’ouest dispose de 8 sièges.

Les Etats-Unis menacent de ramener le nombre de sièges à 20 seulement d’ici le 1er novembre.

La réforme de la représentation au FMI a été lancée en 2008, sur la base d’un plan soumis par son directeur général, le Français Dominique Strauss-Khan.

Un transfert de plus de 2,5% des droits de vote a d’abord été effectué au profit de la Chine, de la Turquie et de la Corée du Sud.

Un second transfert de 5% des droits de vote doit intervenir dans les prochaines semaines.

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