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La Suisse doit élaborer une stratégie pour l’Afrique, selon Caritas

L'engagement de la Suisse pour l'Afrique englobe également la question du climat. Sécheresses, famines et autres catastrophes se sont multipliées à cause des émissions des pays du Nord (photo d'illustration). KEYSTONE/EPA/STEPHEN MORRISON sda-ats

(Keystone-ATS) La politique africaine de la Suisse doit changer, selon Caritas. La stratégie économique est souvent dictée par une “volonté d’exploitation” et la coopération au développement reste “sous-financée”. Le Conseil fédéral doit élaborer pour 2020 une vision globale.

“Si elle veut adopter une vraie stratégie pour l’Afrique, la Suisse doit clarifier sa relation à ce continent et revoir ses perceptions empreintes de clichés”, a déclaré mercredi le directeur de Caritas Suisse, Hugo Fasel, devant les médias à Berne. Des clichés qui ont la vie dure et se reproduisent sans arrêt dans le monde politique. En tête de liste, celui d’appréhender l’Afrique comme une menace.

Quand l’on évoque ce continent dans les débats parlementaires, c’est généralement pour parler de problèmes migratoires, a regretté M. Fasel. Or l’Afrique ne peut se réduire à cette question. La stratégie de la Suisse face aux les pays africains “doit faire l’objet du même genre de traitement et de débats que sa stratégie européenne. Il faut un concept de respect mutuel et de partenariat.”

Le Conseil fédéral a soumis à consultation le projet de message sur la coopération internationale 2021-2024. Les délibérations parlementaires débuteront l’an prochain, notamment pour définir le crédit-cadre en la matière. Le gouvernement doit proposer une vraie stratégie pour l’Afrique avant cette échéance, selon Caritas, qui invitera des élus à intervenir pour réclamer cette nouvelle vision.

Financement climatique

Une telle stratégie passe par une mise en oeuvre de l’approche “Whole of Government” que réclame sans cesse le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) dans un programme et un profil clairs pour l’Afrique. Il faut une politique supra-départementale, ce qui implique en particulier que le Département des finances expose sa vision de la politique fiscale vis-à-vis des pays du Sud.

Hugo Fasel a fustigé les crédits alloués à l’Afrique. En plus de réduire ce continent à une question migratoire, il est illusoire de croire que les 600 millions de francs par an de la Direction du développement et de la coopération (DDC) permettront de maîtriser la migration. Plus important, la politique helvétique vis-à-vis de l’Afrique doit dépasser cette aide au développement de la DDC.

Par exemple, la Suisse doit compenser sa part des émissions de gaz à effet de serre des pays du Nord et apporter un soutien financier aux pays africains frappés par les dérèglements climatiques. “Pour avoir une influence, il faut porter l’aide au développement à 1% du PNB.” L’urgence de la question climatique en Afrique nécessiterait une aide de deux milliards de francs par an pendant au moins quatre ans.

Dans l’intérêt de la Suisse

La Confédération doit aussi clarifier la manière dont elle compte organiser à l’avenir l’accès au marché du travail local. Elle doit par ailleurs formuler ses propres intérêts: or la migration en provenance d’Afrique répond parfaitement aux intérêts de la Suisse pour ce qui est de combler certaines lacunes futures sur le marché de l’emploi, par exemple dans le domaine des soins infirmiers.

“De véritables partenariats avec les pays africains doivent tenir compte des intérêts des deux parties”, a souligné Marianne Hochuli, responsable du Secteur Etudes de l’ONG. De nombreux pays africains ont intérêt à ce que les jeunes puissent suivre une partie de leur formation à l’étranger et y travailler.

La Suisse doit donc créer des possibilités de séjour, formation et travail. Dans l’intérêt des deux parties également, elle doit mieux participer aux investissements de formation en Afrique.

Beaucoup à faire

Au lieu de créer des partenariats d’égal à égal, en termes économiques, la Suisse se cantonne à “une attitude d’exploitation et de destruction”, a déploré Martin Flügel, responsable Politique et affaires publiques de Caritas Suisse. Dans le négoce de matières premières, l’exemple le plus marquant, les décisions restent prises au nom du seul profit de la Suisse.

Et la politique ne cherche pas vraiment à changer cette vision. L’exemple le plus parlant est la récente visite du conseiller fédéral Ignazio Cassis dans une mine zambienne de Glencore. Le gouvernement devrait plutôt enfin fixer des exigences et conditions claires pour ces entreprises de matières premières en matière de respect des normes environnementales et des droits de l’homme.

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