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La Suisse engage ses forces spéciales à Tripoli

Les forces spéciales de l’armée ont notamment pour mission de protéger des personnes à l’étranger. Keystone

Depuis la chute du régime Kadhafi, de nombreux pays cherchent le contact avec le nouveau gouvernement libyen. La Suisse a elle aussi rouvert son ambassade à Tripoli. Et d’ici quelques jours, ce sont des soldats d’élite qui veilleront à la sécurité.

Combien de soldats et de quelles unités seront engagés à Tripoli? «Pour des raisons de sécurité», Adrian Sollberger, porte-parole du ministère des Affaires étrangères (DFAE), ne le dira pas.

Quelques jours avant le déploiement de ces soldats d’élite, les présidents des commissions parlementaires de politique de sécurité et des affaires étrangères n’en savaient guère plus. L’ordre de marche détaillé ne sera venu qu’au dernier moment, nous a expliqué Chantal Galladé, présidente de la commission de politique de sécurité de la chambre basse.

Pourtant, la menace à Tripoli serait plutôt faible en ce moment et rares sont les pays qui font surveiller leur ambassade comme la Suisse va le faire. Il en sera tenu compte pour déterminer le nombre de soldats et la durée de leur engagement. Moins la menace sera jugée importante, moins nombreux seront les hommes de l’unité d’élite DRA 10 à être envoyés sur place, explique Chantal Galladé.

Adrian Sollberger confirme (par écrit) que la situation à Tripoli est «relativement stable». «Mais il existe pour les étrangers un certain nombre de risques dus entre autres au grand nombre d’armes en possession de différents groupements (milices et autres) et de la population. Il existe également un risque d’augmentation de la criminalité», note encore le porte-parole du DFAE.

Des soldats suisses au lieu de mercenaires

Depuis sa réouverture en octobre dernier, l’ambassade suisse en Libye était protégée par l’entreprise de sécurité privée britannique Aegis. Accusée de participer à des actes de guerre, qualifiée d’«armée privée» dans un rapport de la commission de politique de sécurité, celle-ci avait créé la polémique en 2010 en décident d’installer son siège social à Bâle.

Sur demande de la commission, le gouvernement a donc décidé en décembre de remplacer les mercenaires d’Aegis par des soldats suisses, et ceci malgré l’opposition des conservateurs de l’UDC, qui refusent par principe tout engagement de soldats suisses armés à l’étranger, en invoquant la neutralité.

A la fin de l’année, le ministère de la Défense, de la Protection de la population et des Sports a laissé entendre que la mission pourrait être confiée au DRA 10 (Détachement de reconnaissance de l’armée 10) ou au Détachement spécial de la police militaire.

Le DRA 10 est une unité d’élite pour la protection de personnes, de troupes et d’installations dans des zones à haut risque à l’étranger. Le sauvetage et le rapatriement de citoyens suisses dans des territoires en crise font également partie de ses missions.

A l’époque où la Suisse avait envisagé d’exfiltrer ses deux otages retenus par le régime Kadhafi, c’est cette unité qui était prévue pour mener à bien l’opération.

Sécurité privée

L’ambassade de Tripoli sera la seule représentation helvétique à l’étranger où des soldats suisses veilleront à la sécurité. Selon le DFAE, toutes les autres sont suffisamment protégées. C’est en première ligne l’Etat hôte qui est responsable de la sécurité, mais les ambassades peuvent aussi prendre des mesures supplémentaires. C’est ainsi que presque la moitié d’entre elles sont protégées subsidiairement par des sociétés privées, le plus souvent locales, «une pratique très courante de la part de nombreux pays», souligne Adrian Sollberger.

Cette protection «peut être due à des raisons très différentes», écrit encore le porte-parole du DFAE, qui cite «la criminalité, les risques d’attentats, la prévention par rapports à des risques particuliers, etc» et précise que les tâches confiées à ces sociétés de surveillance peuvent avoir «un caractère simple (rondes de nuit ou les jours fériés) ou constituer un cahier des charges plus complexe, selon la situation».

Des précédents à Alger et à Téhéran

En 1998, après sa réouverture, l’ambassade suisse à Alger a été protégée par des soldats professionnels du corps des garde-fortifications. A l’époque, des étrangers avaient été à plusieurs reprises victimes des groupes islamistes armés sévissant en Algérie.

Les spécialistes du DRA 10 ont déjà été envoyés en 2006, avec une trentaine d’autres soldats pour la protection de l’ambassade à Téhéran. Le parlement avait par la suite reproché au gouvernement de ne pas l’avoir informé à temps de cet engagement.

Le parlement tranchera

Selon la loi, le gouvernement ne peut décider seul d’envoyer des soldats à l’étranger que pour des missions n’excédant pas trois semaines. Dans ce cas, il doit informer en premier les présidents des commissions de politique de sécurité et des affaires étrangères des deux chambres. Le parlement doit être informé ensuite.

Dans le cas de l’ambassade de Tripoli, le DFAE estime que l’engagement va de toute façon durer plus longtemps. c’est pourquoi le gouvernement présentera un message au parlement encore à la session de printemps.

L’armée suisse participe à des missions de maintien de la paix à l’étranger depuis 1953.

Actuellement, 273 hommes et femmes, du simple soldat au divisionnaire, sont ainsi engagés dans 17 pays de quatre continents. La grande majorité sont des militaires de milice.

Depuis 1990, la Suisse envoie également à l’étranger des observateurs militaires non armés. En ce moment 17 officiers remplissent cette fonction, soit 11 au Proche-Orient, 3 au Congo, 1 au Burundi et 2 au Sud du Soudan. Ils agissent dans ces zones de conflit sur mandat du Conseil de sécurité des Nations unies.

Depuis 1999, la SWISSCOY fait partie de la KFOR, contingent de maintien de la paix de l’OTAN au Kosovo. Elle est actuellement forte de 220 hommes et femmes volontaires et armés pour leur autodéfense. Son mandat a été prolongé par le parlement jusqu’en 2014.

Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez

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