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La Suisse forme les sauveteurs libanais

Pierre Vaudan

La Croix Rouge libanaise a entrepris un immense chantier de réformes et confié la formation de son personnel médical à une équipe de médecins suisses. Le partenariat a été officiellement lancé jeudi et durera trois ans. Tour d'horizon.

Jeudi dans une salle de conférence de l’Hôtel Monroe situé en bord de mer à Beyrouth, c’est l’effervescence. Autour d’une immense table disposée devant un écran géant, médecins urgentistes et anesthésistes, ambulanciers ou enseignants formant le team helvétique sont rivés sur leur clavier d’ordinateur pour peaufiner le cours qui commence demain.

En bout de table, les deux coordinateurs du projet, Béatrice Crettenand-Pecorini et Olivier Hagon, dictent leurs dernières consignes, manifestement heureux d’être enfin à pied d’œuvre après 11 mois de préparation. Objectif: former vingt-cinq instructeurs libanais aux meilleures techniques de premiers secours, afin de standardiser les méthodes d’intervention de la Croix Rouge libanaise à l’échelle du pays.

Le projet, soutenu par la Direction du développement et de la coopération (DDC), s’inscrit dans un immense chantier de réformes décidé par l’organisme après la guerre de juillet 2006, et dont le volet «formation» a été confié à la Suisse.

Du sur mesure

Mais qu’est-ce qui a convaincu les Libanais de porter leur choix sur le projet suisse alors que 6 ou 7 propositions étaient en lice? «L’approche que nous avons proposée est assez innovante, avance Béatrice Crettenand-Pecorini, infirmière anesthésiste, ambulancière et enseignante membre du Corps Suisse d’aide humanitaire (CSA). En fait, nous n’avons pas voulu venir avec un cours tout prêt sous le bras. Nous voulions proposer quelque chose qui colle réellement à la réalité libanaise.»

Avec Olivier Hagon, elle fera ainsi deux séjours préparatoires au Liban durant lesquels ils suivront les équipes de secouristes pour s’imprégner de leurs conditions de travail. «Nous avons visité une quinzaine des 43 centres de la Croix Rouge libanaise disséminés dans le pays. Nous voulions identifier leurs réels besoins et, surtout, insiste Béatrice, adapter notre enseignement à la réalité du terrain.»

Une approche payante, comme le confirme le directeur de la Croix Rouge libanaise, Georges Kettaneh. «Les Suisses nous ont séduit car en plus d’être clairs et précis, ils ont d’emblée voulu s’adapter à nos véritables besoins et étaient d’accord pour garantir un suivi durant au moins trois ans. C’est exactement ce que nous recherchions.»

Un travail extraordinaire

Les deux médecins tireront nombre d’enseignements de cette expérience de terrain. «Les Libanais qui travaillent dans ces centres font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, confie Béatrice. Ce sont des bénévoles qui travaillent comme ingénieur ou agent d’assurances la journée et qui se dévouent sans compter le soir ou les weekends. Mais croyez-moi, ce qu’ils réussissent à faire dans ces conditions est extraordinaire.»

Faute de formation globale pourtant, chacun de ces centres a fini par développer ses propres méthodes. «Dans certains centres, les secouristes ont mis au point des techniques très pointues en créant leur propre formation grâce à des informations glanées sur internet ou en se procurant des livres ou de la documentation, explique Béatrice. Dans d’autres par contre, on est un peu restés à la traîne avec parfois des erreurs graves notamment en matière d’hygiène. D’où la nécessité d’une remise à niveau pour tout le monde.»

Une neutralité vraiment exemplaire

Béatrice, qui enseigne en Suisse l’histoire du CICR aux ambulanciers, a aussi été très impressionnée par la manière dont les secouristes libanais vivent l’un des grands principes de l’Organisation qu’est la neutralité. «Etre neutre chez nous est relativement facile, souligne Béatrice. Mais ici, alors que la religion est omniprésente et la cause de nombreux conflits, ce n’est pas un vain mot. J’ai été vraiment touchée par la rigueur de leur engagement dans ce domaine. Cela m’a beaucoup appris.»

Pour l’heure, les médecins suisses vont donc dispenser un premier module médical en guise d’entrée en matière. Immobilisation des patients, mise en sécurité ou mesures d’hygiènes sont entre autres au menu d’un cours qui s’étendra sur deux semaines. Puis suivront un exercice de secours dans une situation où il faut faire face à de nombreux blessés à la fois, un module dédié à la traumatologie et, enfin, un nouvel exercice de blessés de masse qui ne correspond que trop, hélas, à une réalité encore récemment vécue au Liban.

Un entrainement dont chacun espère secrètement ici dans la salle de conférence du Monroe, qu’il restera un simple exercice.

swissinfo, Pierre Vaudan, Beyrouth

La DDC participe au projet de formation des secouristes libanais à hauteur de 310’000 dollars pour la première année.
La Croix rouge libanaise regroupe 2600 volontaires répartis dans 43 services médicaux d’urgence à travers le pays.
En 2006, ils ont effectués quelque 166’000 interventions, dont 50% de premiers soins dans les services médicaux d’urgence et 40% de premiers soins avec transports médicaux d’urgence.

Après la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah libanais, la Croix Rouge libanaise et le CICR ont décidé conjointement de lancer un immense chantier de réformes.

«La Croix Rouge libanaise a été créée durant la guerre civile dans un climat d’urgence, souligne Sandrine Tiller, coordinatrice de la coopération entre les deux organismes. Une telle restructuration s’imposait.»

Le chantier porte ainsi sur cinq axes principaux: les équipements, l’infrastructure, la standardisation des ambulances, les ressources humaines et la formation.

Pour 2008 seulement, la participation du CICR dans ce dossier s’élève à 1,3 million de dollars.

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