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La Suisse marie des unis technologiques francophones

Une Francophonie en marche à Montreux, y compris en matière académique. swissinfo.ch

Au sommet de Montreux, la Suisse présentera aux gouvernants une initiative qui veut faire de la culture francophone un vecteur d’innovation technologique. Un regroupement d’universités du Nord et du Sud qui rappelle étrangement l’Agence universitaire de la Francophonie.

Apporter des réponses concrètes aux problèmes d’eau, de nutrition et d’énergie, c’est le sens du programme de coopération entre universités du Nord et du Sud voulu par la Suisse.

«Il s’agit de la plus importante des trois initiatives lancées par la Suisse à Montreux», explique Raphaël Saborit, porte-parole du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE).

«Elle donne une lisibilité positive et dynamique à la langue française. C’est bon pour la culture francophone, pour la recherche, le développement, et pour freiner la fuite des cerveaux dans les pays du Sud. L’idée, c’est l’échange des cerveaux plutôt que la fuite des cerveaux.»

Concrètement, dès janvier prochain, six universités technologiques francophones de pays développés (France, Canada, Belgique et Suisse) et huit de pays émergeants (Maroc, Sénégal, Cameroun, Burkina Faso, Liban, Vietnam et Haïti) travailleront sur des programmes scientifiques communs sous l’égide de RESCIF, pour Réseau d’excellence des sciences de l’ingénieur de la Francophonie.

A ce stade, seules les grandes orientations sont connues, explique Jérôme Grosse, chef de la communication de l’EPFL, la haute école basée à Lausanne qui a développé l’idée en commun avec le DFAE. Et trois axes plus particulièrement: des échanges d’étudiants autour de formations communes, la création d’équipes de recherche et de laboratoires communs dans les pays émergeants, enfin le développement de partenariats avec des entreprises.

Pour ce qui est du montage financier, des projets scientifiques, par contre, tout reste à faire. «Les universités concernées ont donné leur accord, nous ne sommes pas allés plus loin», précise Jérôme Grosse.

«Une démarche de responsabilité globale»

L’EPFL indique avoir opté pour un réseau suffisamment restreint pour éviter le risque d’inertie. Sa jumelle de Zurich, germanophone, n’est pas conviée à ce stade. «Dans un premier temps, il était plus simple de rester entre francophones», indique Philippe Gillet, vice-président de l’EPFL.

«Pour nous, ce n’est pas seulement une question d’image, poursuit Philippe Gillet. Ce projet part d’une démarche de responsabilité globale et vis-à-vis des pays en développement. Nous avons de la chance, il faut qu’on la partage.»

Foin de colonialisme scientifique, les concepteurs du projet optent pour une autre façon d’aborder les transferts technologiques et les partenariats scientifiques, assure Jérôme Grosse. «Il ne s’agit pas d’exporter l’EPFL, mais de travailler sur un pied d’égalité». Autrement dit, de «codéveloppement».

RESCIF fera l’objet dimanche d’une présentation devant les chefs d’Etat et de gouvernement par Patrick Aebischer, président de l’EPFL. Ces derniers n’ont aucun aval formel à donner. Mais les concepteurs suisses escomptent un soutien politique et financier des pays francophones.

Avec l’Agence universitaire de la Francophonie

Mais déjà, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), par le biais de son opérateur académique – l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) – discute avec les Suisses en vue d’une collaboration, d’autant que les écoles partenaires de RESCIF font partie de l’AUF.

Cette Francophonie universitaire est née en 1961 déjà. Elle est en pleine expansion et sera bientôt la plus grande association d’universités de la planète. Son recteur la résume ainsi: «La solidarité des intelligences francophones.» (ECOUTER AUDIOS)

Officiellement, Bernard Cerquiglini se réjouit de l’initiative suisse. «Nous fonctionnons en réseaux, explique le recteur de l’AUF. Et voilà un réseau d’écoles d’ingénieurs, formé d’établissement du Nord et du Sud. Il a toute sa place à l’AUF. Il va nous apporter sa qualité, nous lui apporterons de la pertinence, car nous connaissons bien le terrain, les besoins de nos membres, les échanges Nord-Sud, qui sont aussi Sud-Nord.» Une pique à peine voilée.

Qui plus est, Bernard Cerquiglini ne cache pas son étonnement de voir une université du Nord au départ du projet. «Généralement, on part d’universités qui travaillent déjà ensemble, et qui veulent s’amplifier. Mais tout est possible. L’important, c’est l’esprit associatif, la solidarité, la pertinence. Il ne s’agirait pas d’avoir des projets de coopération conçus au Nord, parachutés sur le Sud. Ça ne marche jamais!»

Ce sommet, précédé d’une Conférence ministérielle préparatoire, a lieu du 22 au 24 octobre à Montreux.

Au menu des discussions: la Francophonie dans la gouvernance mondiale, le développement durable dans la perspective francophone ou encore le français et l’éducation dans un monde globalisé.

Sa ministre des affaires étrangères a indiqué que la Suisse présenterait trois initiatives à Montreux. La première est ce Réseau d’excellence des sciences de l’ingénieur de la
Francophonie (RESCIF).

La Suisse veut aussi encourager la formation de plus de groupes d’ambassadeurs francophones, en les appelant à coopérer avec les institutions et acteurs partageant les objectifs de la Francophonie, selon Micheline Calmy-Rey.

Elle demandera aussi aux Etats et gouvernements membres de partager leurs pratiques en matière de démocratie, de droits et de libertés.

Basée à Montréal, l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) est un des quatre opérateurs spécialisés de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Cette association d’universités fédère 759 établissements de 90 pays. Elle emploie 437 collaborateurs sur 65 sites, pour un budget de 37 millions d’euros.

Dans le cadre de son programme de mobilité, elle octroie plus de 2000 bourses chaque année. L’AUF met aussi en place des campus numériques. Onze nouveaux sont prévus à Haïti, par exemple, où 200 profs d’université sont morts lors du séisme de janvier.

L’AUF vise à construire une espace scientifique en langue française. Elle intervient en favorisant la coopération scientifique, en formant les acteurs du développement, en soutenant la recherche et en partageant l’expertise de ses membres.

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