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La Suisse reconnaît le Kosovo

Pascal Couchepin a expliqué les raisons qui ont poussé le gouvernement à reconnaître l'indépendance du Kosovo. Keystone

Le gouvernement suisse a décidé mercredi de reconnaître l'indépendance du Kosovo. Des relations diplomatiques et consulaires seront établies avec le nouvel Etat.

Cette décision ne satisfait par les autorités serbes qui parlent d’une «attaque contre la souveraineté de la Serbie». Belgrade a rappelé son ambassadeur en poste à Berne.

Pour le gouvernement, «dans une telle situation, où les enjeux émotionnels sont importants et les intérêts contradictoires, il n’y a pas de solution idéale». Mais cette nouvelle étape dans la reconstitution politique de la région demeure «préférable à toute autre alternative».

«La clarification du statut du Kosovo est une condition pour la stabilité et le développement économique et politique de la région des Balkans occidentaux toute entière», a déclaré le président de la Confédération Pascal Couchepin devant la presse.

Pas un précédent

La Suisse va donc établir des relations diplomatiques et consulaires avec Pristina. Compte tenu des circonstances spécifiques du cas du Kosovo, cette reconnaissance ne constitue pas un précédent, a averti le président de la Confédération. La Suisse n’entend pas soutenir les velléités sécessionnistes d’autres régions ou groupement autonomistes.

Par son geste, le gouvernement a voulu exprimer sa volonté de poursuivre l’engagement de la Suisse et de participer activement aux efforts internationaux dans la région. Les deux commissions de politique extérieure du Parlement l’avaient exhorté à franchir le pas la semaine dernière.

A la question de savoir si la ministre des affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, qui prône l’indépendance du Kosovo depuis plus de deux ans, avait forcé la main du gouvernement, Pascal Couchepin s’est montré diplomate. Il a laissé répondre l’ambassadeur Christian Meuwly, chef de direction politique consacrée à l’Europe.

«Le Département des affaires étrangères a estimé que la situation du Kosovo est à nulle autre pareille», a expliqué ce dernier, rappelant les faits historiques et l’échec d’une solution négociée avec la Serbie.

Serbie et FMI

La reconnaissance du nouvel Etat va néanmoins de pair avec la volonté de resserrer les relations étroites entretenues avec la Serbie et de renforcer la très bonne coopération entre Berne et Belgrade, a insisté Pascal Couchepin.

La situation est particulièrement délicate, dans la mesure où la Serbie fait partie du groupe de vote de la Suisse au Fonds Monétaire International (FMI) et à la Banque Mondiale. «Nous allons tout faire pour que la Serbie continue de se sentir à l’aise dans ce groupe», a déclaré Pascal Couchepin face aux questions de la presse concernant un possible retrait de Belgrade.

Le gouvernement a en outre l’intention de renforcer l’aide à la Serbie. «Nous avons analysé ce matin ce que nous faisons pour ce pays et avons exprimé notre volonté de faire mieux, pour amortir le choc que constitue l’indépendance du Kosovo pour les Serbes», a précisé le président de la Confédération.

Les Serbes fâchés

Cette reconnaissance suisse a cependant fâché les Serbes. Dans un communiqué, l’ambassade de Serbie à Berne a déclaré que «la reconnaissance unilatérale» de l’indépendance du Kosovo était «une attaque» contre la souveraineté et l’intégrité de la Serbie.

Le premier conseiller de l’ambassade, Bozidar Jovanovic, a déclaré que l’ambassadeur Dragan Marsicanin avait été rappelé dans son pays. Il s’agit d’une «première mesure». Le premier conseiller rappelle que Belgrade avait décidé il y a une dizaine de jours de rappeler ses représentants dans les pays qui reconnaissent l’indépendance du Kosovo.

«D’autres mesures seront prises ultérieurement, a précisé Bozidar Jovanovic. Le gouvernement serbe doit encore se prononcer à ce sujet».

La communauté serbe de Suisse s’est dite quant à elle «très déçue» de la reconnaissance de l’indépendance. Elle a affirmé qu’elle ne s’attendait pas à ce que Berne prenne une telle position.

«C’est un choc, a déclaré Dragana Kristic, membre de l’Association culturelle serbe de Genève. Nous sommes étonnés et très déçus de l’attitude de la Suisse. Nous ne nous attendions pas à ce qu’elle réagisse comme cela, qu’elle prenne position pour quelque chose d’aussi grave, sans aucun respect du droit international. C’est une honte.»

«Je ne sais pas où mène ce genre de politique, mais je doute que cela soit très positif pour la Suisse. Elle détruit ainsi son image et sa neutralité», a-t-elle ajouté.

Partis satisfaits

La reconnaissance du Kosovo a été globalement bien accueillie par les partis politiques en Suisse. Le Parti socialiste, le Parti radical (PRD / droite) et le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) ont fait part de leur compréhension, malgré quelques réserves et approuvent la prolongation du mandat de la Swisscoy.

L’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) et l’Action pour une Suisse indépendante et neutre, de leur côté, ont critiqué un travail «bâclé et mal réfléchi» et réclament le retrait immédiat des troupes.

swissinfo et les agences

De 170’000 à 190’000 expatriés Kosovars vivent en Suisse, soit pratiquement 10% de la population résidente au Kosovo. Il s’agit de la plus grosse communauté d’expatriés kosovars après celle d’Allemagne.

La Suisse participe depuis 1999 à la mission de paix des troupes internationales de la KFOR (Kosovo Force), placées sous le commandement de l’OTAN. Environ 200 soldats suisses de la Swisscoy sont stationnés au Kosovo.

La Suisse fait partie des principaux pays donateurs au Kosovo. La Direction de la coopération et du développement (DDC) ainsi que le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) ont prévu d’injecter 13,9 millions de francs pour les projets qu’ils réaliseront au Kovoso en 2008.

Après la Seconde Guerre mondiale, la province du Kosovo a bénéficié d’un statut d’autonomie. Ce statut a été ancré en 1974 dans la Constitution de la Fédération yougoslave.

En 1989, le président serbe Slobodan Milosevic annule le statut d’autonomie et envoie l’armée au Kosovo pour faire cesser les protestations.

En 1998, des dizaines de milliers de Kosovars abandonnent leur maison suite à une offensive menée par Belgrade contre l’Armée de libération du Kosovo (UCK).

En 1999, l’OTAN lance une série de bombardements aériens contre la Serbie pour mettre fin au conflit entre les forces serbes et les indépendantistes albanophones. Après deux mois et demi de bombardements, 50’000 soldats de l’OTAN sont stationnés au Kosovo. La province est placée sous l’administration des Nations Unies.

En 2007, le leader séparatiste Hashim Thaci remporte les élections parlementaires et annonce que l’indépendance du Kosovo sera prochainement proclamée.

Le parlement du Kosovo proclame finalement cette indépendance le 17 février 2008. La Suisse la reconnaît dix jours plus tard.

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