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Les Suisses refusent un abandon plus rapide du nucléaire

L'aspect si caractéristique des centrales nucléaires va marquer encore pendant des années le paysage suisse. Keystone

L’initiative fédérale qui demandait d’interdire de construire de nouvelles centrales nucléaires et limiter la durée de vie des installations existantes à 45 ans a été rejetée. Pour sortir du nucléaire, les Suisses ont privilégié la planification à la vitesse.

Au niveau du peuple, l’initiative a été refusée par 54% des votants, alors que 46% l’ont acceptée. 

Le vote des cantons est encore plus clair: 18 ont refusé le projet et 5 seulement (les cantons romands de Genève, Vaud, Neuchâtel et Jura ainsi que les demi-cantons de Bâle-Ville et Bâle-Campagne) l’ont approuvé.

Le taux de refus le plus net provient de Schwyz, où la population a dit non à 68,1%. Chez les partisans, l’appui le plus massif est venu de Bâle-Ville avec 60,5% de oui. A noter encore que le taux de participation s’est élevé à 45%.

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Ces résultats ne constituent pas une surprise. Les sondages avaient prévu que l’initiative serait bien acceptée en Suisse romande et dans les zones urbaines, mais refusée ailleurs.

Seulement une question de rythme

Lancée par les Verts, l’initiative populaire «Pour la sortie programmée du nucléaireLien externe» demandait deux choses. D’une part, l’interdiction de l’exploitation de centrales nucléaires destinées à produire de l’électricité ou de la chaleur. D’autre part, la limitation à 45 ans de l’exploitation des cinq réacteurs nucléaires actuellement en service en Suisse.  

A la suite de la catastrophe de Fukushima, au Japon, l’idée d’un abandon du nucléaire avait été proposée par le gouvernement et acceptée par le Parlement. Mais le projet des autorités fixe cet abandon à l’horizon 2050 au plus tôt, tandis qu’avec l’initiative, la dernière installation aurait fermé ses portes en 2029 déjà.

Soulagement de Doris Leuthard

Devant la presse, la ministre suisse de l’Energie Doris Leuthard a fait part de sa satisfaction. «Je suis soulagée de cette issue. Cela nous laisse le temps nécessaire pour restructurer par étape l’approvisionnement énergétique.» 

«En refusant l’initiative, le peuple a montré qu’il souhaitait conserver les règles actuelles», a-t-elle ajouté, tout en précisant que «les centrales nucléaires existantes doivent constamment investir dans la sécurité». 

Une défaite qui n’en est pas vraiment une

Favorable à l’initiative, la gauche estime que le résultat de dimanche est encourageant, malgré la défaite. Pour le député socialiste Roger Nordmann, spécialiste des questions énergétiques, le peuple a refusé d’aller trop vite, mais il ne soutient plus l’atome. 

Même son de cloche chez les Verts. «La population suisse a rejeté l’initiative pour une sortie programmée du nucléaire qui obtient néanmoins plus de 45% des voix. Ce résultat montre que la population partage largement ses revendications. La stratégie énergétique 2050 doit maintenant être rapidement mise en œuvre», écrivent-ils dans un communiquéLien externe

Pour certains adversaires de l’initiative également, le «non» de dimanche ne change pas le cap anti-nucléaire de la politique énergétique du pays. «Les Suisses ont voté avec la tête plutôt qu’avec les tripes», s’est félicité le député démocrate-chrétien (centre-droit) Yannick Buttet. S’il estime que le rejet de l’initiative ne remet pas en cause le fait que les Suisses souhaitent sortir du nucléaire, «ce non montre simplement qu’ils souhaitent une sortie ordonnée et pas une débandade». 

Un dossier loin d’être clos 

L’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), qui a récemment lancé un référendumLien externe contre la Politique énergétique 2050, a une vision différente des choses. La députée Céline Amaudruz estime ainsi que les auteurs du référendum sont «confortés» par le refus de ce dimanche. 

«La suite logique, c’est désormais d’accepter le référendum contre un projet mal conçu», a encore affirmé l’élue de l’UDC. 

Le démocrate-chrétien Yannick Buttet estime en revanche que l’UDC devrait tirer la leçon du scrutin de dimanche «et retirer son référendum» contre la stratégie énergétique 2050. 

Quelle que soit l’interprétation donnée à ce vote, une chose est sûre: le dossier nucléaire n’est de loin pas clos et sera à nouveau débattu. «La campagne sur l’initiative a fait office de premier débat sur la stratégie énergétique 2050», a analysé la députée écologiste Adèle Thorens sur les ondes de la radio RTS. Cette stratégie devrait être soumise aux citoyens en mai prochain, si le référendum aboutit.

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